L’écriture et l’adaptation aux variations du monde

Entretien avec Khadija Nasseur

Propos recueillis par Noureddine Mhakkak

Khadija Nasseur, est écrivaine et traductrice marocaine. Lauréate de l’École Normale Supérieure- option traduction scientifique. Ex professeur de traduction scientifique – Lycée Moulay Ismail – Meknès. Ex cadre administratif au lycée Imam El Ghazali- Meknès.

Elle a pu traduire de nombreuses œuvres telles : – « La douce s rivière » recueil de textes de plusieurs écrivains, membres de « Galerie de la littérature » Édition Imprimerie-papeterie Bilal- Fès. -« Parapluie dans une tombe » Micro-nouvelles du romancier marocain Mustapha Laghtiri- Edition imprimerie-papeterie Bilal-Fès. – « Larmes de cerises » florilège de poèmes du poète Larbi Houmaidi- Edition imprimerie –papeterie Bilal-Fès. – « La plus belles des femmes » Florilège de poèmes du Noureddine Mhakkak.

1 – Que représentent les arts et les lettres pour vous ?

Tout d’abord, permettez-moi de vous remercier pour m’avoir consacré une part de votre précieux temps en m’accordant cette interview. J’espère être à la hauteur de vos attentes en ce qui concerne l’objectif culturel de cet acte.

Pour moi, les arts c’est toute manière de faire, de dire et d’agir avec une certaine délicatesse et harmonie qui témoignent d’un bon goût. Etant marocaine et ayant vécue dans une ville telle que Fès, je peux dire que l’art se manifeste aussi bien dans l’architecture, le jardinage que dans les plus petites touches de la vie quotidienne, tel que l’art culinaire, l’ameublement, les habits… Chaque élément cité peut être l’objet d’un tableau artistique éblouissant…Rien que la disposition d’une marchandise (légumes, fruits, olives confites de couleur différente…) à l’étalage d’une boutique, révèle un savoir faire exceptionnel, d’un gout étonnant…C’est une œuvre artistique…

C’est aussi, pour moi, un témoignage de l’évolution de l’être humain qui tient à laisser une trace honorifique dans ce bas monde. C’est l’empreinte concrète des différentes civilisations qui ont peuplaient la terre.

Pour ce qui des lettres, pour moi, la littérature est avant tout une échappatoire de la routine quotidienne, c’est une fenêtre à travers laquelle on accède à des univers variés, à des visions diversifiées, à des pensées génératrices de questionnements philosophiques…Une issue pour s’évader des contraintes de la vie, sans oublier son rôle très important : l’éducation par la sensibilisation et la diffusion de l’information.

2 –  Que représente la lecture/l’écriture pour vous ?

Pour moi, la lecture c’est la « nourriture » de l’esprit, c’est le stimulus qui garde nos neurones en éveil et qui améliore la qualité et la quantité des synapses nécessaires à l’adaptation rapide aux variations de ce monde…C’est un ressourcement en aptitudes à communiquer, aisément, avec l’autre par le biais des connaissances qu’elle véhicule et qui font, souvent, l’objet des discussions entre personnes cultivées. C’est aussi un agréable passe temps qui vous permet de voyager dans le temps et l’espace tout en restant au repos dans votre fauteuil…C’est un substratum pour tout futur écrivain, car celui qui ne lit pas, ne sera jamais lu (témoignage d’écrivains) …

En ce qui concerne l’écriture, je pense que c’est avant tout un don et une audace à exposer ses idées, ses rêves, ses illusions, ses points de vue…à affronter les lecteurs réels ou fictifs, à accepter l’échec et en tirer leçon. Ce don doit être alimenté par un bagage linguistique et syntaxique ainsi que par l’aptitude d’observation critique et d’une écoute à tout ce qui se trame dans l’entourage proche ou lointain.

Pour moi, écrire c’est se vider du cumul contraignant, que cela soit d’agressivité contre les choses choquantes, de déceptions ou même d’euphorie dans les moment joyeux… Juste pour libérer de la place aux nouveautés qui nous bombardent sans arrêt dans ce monde qui grouille d’informations…Écrire, c’est rajouter une pierre pour l’édification de l’enceinte de la connaissance et y laisser une empreinte immatérielle une fois avoir quitté ce monde.

3 – Parlez nous des villes que vous avez visitées et qui ont laissé une remarquable trace dans votre parcours culturel/ artistique.

Parmi les villes que j’ai visitées ou plutôt celles où j’ai vécu une certaine étape de ma vie, il y’a la ville de Fès, ville où j’ai passé mon adolescence, ville qui m’a ensorcelée par la beauté de sa médina, par le grand nombre de bibliothèques renommées telle que la bibliothèque El Saffarine, en plus des centres culturels principaux (au centre ville moderne) et annexes (au médina). En parlant de bibliothèque, je peux affirmer que c’est là exactement où s’est déclenché mon amour pour la lecture. J’étais adhérente à presque tous les centres culturels, je passais mon temps libre au centre culturel français du fait de sa proximité de mon lycée Oum Aymane (Béni Merine, en mon temps), j’y empruntais romans, magasines et j’assistais aux débats culturels animés par des professeurs chevronnés en littérature qui disséquaient à chaque rencontre une œuvre littéraire d’écrivain étranger ou marocain.

Vient par la suite la ville de Rabat, la capitale où j’avait  entamé mes études universitaires, en médecine, sans pour cela négliger mon amour pour la littérature puisque là aussi je m’étais inscrite au centre culturel français où je me ressourçais en livres littéraires et scientifiques…Rabat aussi avait un charme particulier…La ville des étudiants en grande partie et cela se remarquait lors des vacances où la ville semble déserte…La vie estudiantine m’a beaucoup apprise, elle m’a permise de faire connaissance d’étudiants(es) des pays différant d’où un enrichissement culturel et des amitiés qui durent jusqu’à présent.

Il y’a aussi des villes marocaines de passage, telle que la ville de Casablanca, capitale économique du Maroc, où je passais presque tous mes weekends quand j’étais étudiante à Rabat, ville qui englobe des gens de toutes les régions du Maroc, où il faut toujours être prêt à la bousculade de la vie de stress. Viennent ensuite les villes marocaines du nord : Tanger, Assilah, Tétouan, Chéfchaoun, Nador…Des villes où je passais mes vacances, qui m’ont touché par le style de vie de leurs habitants qui mènent une vie au ralentie et s’occupent bien du cadre environnemental et artistique de leurs villes…

Bien sûr, j’ai visité des villes européennes, tel que Marseille, Avignon (En France), Madrid et Valence (En Espagne), j’y étais impressionnée par leur architecture, surtout les décores en statuettes, les fontaines, les parcs spacieux et bien sûr la qualité de vie des habitants qui valorisent le temps…

J’étais aussi en Egypte, j’ai séjourné une semaine au Caire pour assister à un colloque scientifique mondial, c’était une occasion de voir les Pyramides devant lesquelles j’ai fait une conclusion selon laquelle, l’Homme est et a toujours était doué de savoir et de savoir-faire et qu’on ne doit pas sous-estimer les réalisations de l’Homme avant l’ère de la technologie.

Je ne peux conclure cette question que par un proverbe que répétait mon père, que Dieu aie son âme en paix : « L’œil qui sera enterré, promène-le ». Le voyage est une école a multiples facettes…

4 – Que représente la beauté pour vous ?

Pour moi, la beauté est un concept qui représente quelque chose de subjectif, il n’ya pas de beauté absolue sur terre, une beauté qui puisse faire l’objet d’un accord commun des humains pour ses critères…La beauté c’est l’idée ou l’image que conçoit un individu, pour une être, un objet, un poème, une fleur…Dans des circonstances où tous les critères étaient favorables au jugement porté sur l’objet admiré…Un jugement qui dépend de notre état d’âme, de sa pureté, de sa quiétude…Car, on ne peut pas parler de beauté alors qu’on est dans états de stress, de peur, d’angoisse, d’instabilité et d’insécurité…Donc, pour jouir des belles choses qui nous entourent , il faut préparer un terrain favorable à la prise de conscience  des détails des « objets » qui attirent, favorablement, notre attention.

5 – Parlez nous des livres/films que vous avez déjà lus/vus et qui ont marqué vos pensées.

Franchement, je ne peux pas citer des livres, particuliers, que j’ai lus et qui ont marquée ma pensée, j’ai beaucoup lu, que cela soit en littérature arabe, des romans d’écrivains égyptiens renommés tels que Naguib Mahfouz, Youssef Esbaie, Taoufiq El Hakim …Ou marocains, comme Abdelkrim Ghallab, Mobarak Rabie, Mohamed Choukri et bien sûr, les récents, auxquels j’ai traduit des romans et des florilèges de poèmes, tels que Noureddine Mhakkak, l’écrivain Mustapha Laghtiri,le romancier et homme de théâtre  Mohamed El Wadi, l’historien docteur Noureddine Bel Haddad, le poète Larbi Houmaidi. Du coté littérature française et américano – latine, je peux citer Jean Paule Sartre, Hanri Troya, Zola, Balzac, Layla Slimani et bien sûr les œuvres traduites au français comme les écrits de Tolstoï, , Dostoïevski, Steinbeck, Paolo Coello, Elif  Shafaq et autres…Alors je crois que mes penses ont été  un peu imprégnées par toutes  ces lectures et leur contenu culturel. Cet amalgame de lecture m’a fait basculée entre la culture arabe, européenne et américano latine et j’ai essayé d’en tirer le meilleur.

Pour ce qui des films, je peux avouer que je n’étais très accro au cinéma, j’allais voir les films qui débâtaient des sujets intéressants comme j’ai été une adhérente du ciné-club. Les films du ciné club étaient très instructifs par les débats qui se tenaient à la fin de chaque séance. Le cinéma avait un charme non, seulement, par le côté spectacle mais aussi par le rituel de se préparer pour y aller, par l’atmosphère de la salle du cinéma…C’était un double plaisir !

En fin de cette interview, j’espère que mes réponses porteront satisfaction à vous et aux lecteurs présumés. Merci

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