Inde : La « tigresse du Bengale » bouscule Narendra Modi

Attendons pour voir…

Appelée « la Tigresse du Bengale » ou plus affectueusement « Didi » qui signifie « grande sœur » en bengali, Mamata Banerjee, 66 ans, qui dirige, depuis 2011, le gouvernement du Bengale-Occidental, un état comptant 90 millions d’habitants, fait office, désormais, de véritable rempart contre les nationalistes hindous, au pouvoir à New-Delhi, après avoir infligé une cinglante défaite au « Bharatiya Janata Party » (BJP) du Premier ministre Narendra Modi  lors du dernier scrutin régional.

Ayant affronté, avec panache, la redoutable machine électorale du parti au pouvoir en sillonnant les rassemblements en fauteuil roulant, ses longs cheveux ébènes retenus en arrière, avec un pied dans le plâtre et drapée dans un sari blanc, l’intéressée avait promis, dès le début de la campagne, que même avec une « seule jambe valide », elle allait « mettre le BJP hors-jeu ». Elle a tenu parole et le verdict a été sans appel.

Ainsi, après être arrivé en tête à l’issue de ces dernières élections régionales, son parti le « All India Trinamool Congress » (TMC) s’est emparé de 213 des 292 sièges que comporte la nouvelle assemblée régionale du Bengale Occidental, faisant montre, aux dires de Neelanjan Sircar, maître de conférences à l’Université Ashoka, d’une « performance extraordinaire (car) peu de partis auraient été capables de résister à la pression d’un BJP ayant déployé toute sa puissance politique, financière et institutionnelle ».

Avec un tel score et après avoir défié tous les pronostics, la « Tigresse du Bengale », qui s’est forgé une réputation d’« infatigable bagarreuse » et qui est, à ce jour, la seule femme à diriger un Etat indien, est donc parvenue à rempiler pour un troisième mandat.

Pour rappel, en mars dernier, Mamata Banerjee qui a pour ambition de créer « une plateforme nationale de lutte contre Narendra Modi » avait adressé une lettre aux 15 leaders des partis d’opposition les invitant à s’unir contre le BJP accusé de mettre à mal la démocratie, en favorisant les puissants et en ignorant les démunis comme en avait témoigné la contestation paysanne qui avait secoué le pays au début de cette année.

Ayant « mis le paquet » pour ravir le pouvoir à celle que ses partisans appellent affectueusement « Didi », le Premier ministre Narendra Modi et son proche collaborateur Amit Shah ont mené une très intense campagne électorale en organisant, dans l’Etat du Bengale-Occidental, des dizaines de rassemblements réunissant, dans certains cas, plusieurs centaines de milliers de personnes. Mal leur en prit car, à défaut de mater la « Tigresse du Bengale », ces manifestations n’ont contribué qu’à « faire exploser » les chiffres des contaminations au Coronavirus dans le pays.

Considérant donc que c’est le laxisme dont a fait preuve le Premier ministre qui aurait favorisé l’effroyable deuxième vague de Covid-19 qui a ravagé le pays, les internautes ont, immédiatement, lancé, sur les réseaux sociaux, le hasthag « #ResignModi » (Modi Démission !).    

Enfin même si, dans les colonnes du quotidien britannique, le « Guardian », la romancière et essayiste indienne, connue pour son roman « Le Dieu des Petits Riens » qui lui avait valu le prix « Booker » en 1997, s’est insurgée contre l’inaction du gouvernement de Narendra Modi qu’elle accuse de « crime contre l’humanité », cette dernière reconnaît, cependant, que le chemin sera long pour que la « Tigresse du Bengale » parvienne à rassembler derrière elle tous les anti-Modi.  

Rahul Verma, du Centre de recherche sur les politiques de New-Delhi, est du même avis  car, pour lui, « l’empreinte du BJP reste forte et l’écart avec l’opposition (tellement)  énorme (que) pour transformer l’essai en 2024 » et ne pas se cantonner dans un rôle purement symbolique, « Mamata Banerjee devra fédérer, autour d’elle, six à huit partis au moins ». Y parviendra-t-elle ? Rien n’est moins sûr, pour l’heure, mais attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

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