Nicaragua: Mandat d’arrêt contre Cristiana Chamorro

Attendons pour voir…

Quelques heures à peine après que la journaliste Cristiana Chamorro, 67 ans, non-membre d’un quelconque parti politique mais étoile montante des opposants au chef de l’Etat, ait fait part de son intention de solliciter l’investiture de l’opposition pour l’élection présidentielle du 7 novembre 2021 à l’issue de laquelle Daniel Ortega, au pouvoir depuis 2007, entend briguer un quatrième mandat à la tête du Nicaragua, un communiqué de presse a annoncé, ce mercredi, qu’un tribunal de Managua a ordonné «l’intervention [de la police au domicile de l’intéressée] et (son) arrestation».

Aussi, au moment-même où Cristiana Chamorro, qui ambitionne de vaincre le président Ortega par les urnes en suivant les pas de sa mère, Violeta Barrios de Chamorro, qui avait présidé aux destinées du Nicaragua de 1990 à 1996 après avoir été élue sous la bannière de la coalition «Union National Opositora» (Union nationale d’opposition) opposée aux «sandinistes»,  s’apprêtait à donner une conférence de presse  à partir de son domicile pour dénoncer ce qu’elle considère comme étant une «farce macabre» montée par le pouvoir pour empêcher sa candidature au scrutin présidentiel, plusieurs dizaines de policiers ont formé un périmètre de sécurité autour de sa maison et fait évacuer, par la force, tous ceux qui s’en approchaient.

Pour rappel, la veille, le ministère public nicaraguayen avait mis en accusation la journaliste et demandé qu’il lui soit interdit de briguer un quelconque mandat au motif que cette dernière «ne jouit plus pleinement de ses droits civiques et politiques car elle est impliquée dans une procédure pénale».

Les griefs retenus contre l’intéressée dans le but évident de l’empêcher de faire de l’ombre à Daniel Ortega, lors du prochain scrutin présidentiel, sont «délits de gestion trompeuse (et) fausseté idéologique en vue de commettre le délit de blanchiment d’argent, de biens et d’actifs, au détriment de l’Etat du Nicaragua et de la société nicaraguayenne».

Or, de l’avis de plusieurs juristes, cette flagrante procédure très grossièrement cousue de fil blanc  reste « illégale » en l’absence d’une résolution du Conseil Suprême électoral.

Si donc pour l’euro-député espagnol José Ramon Bauza, le mandat d’arrêt émis à l’encontre de Cristiana Chamorro est une «attaque très grave contre la démocratie», le Centre nicaraguayen des droits de l’homme (Cenidh), y voyant «un outrage aux droits de l’Homme», a même demandé au chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, d’envisager des sanctions immédiates contre le gouvernement Ortega.

Du Costa Rica, où il se trouve dans le cadre d’une mission, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a déclaré que l’interdiction «arbitraire» dont a fait l’objet Cristiana Chamorro  «reflète la crainte d’Ortega d’élections libres et justes» et rappelé que «les Nicaraguayens méritent une vraie démocratie».

En outre, en considérant que «le Nicaragua se dirige vers les pires élections possibles», le Secrétariat général de l’Organisation des Etats américains (OEA) a dénoncé «cette nouvelle attaque contre la démocratie» qui «rend impossible la tenue d’élections libres, équitables et transparentes dans le pays» et qui «délégitime le processus électoral avant même qu’il n’ait lieu».

Il convient de signaler, par ailleurs, que Cristiana Chamorro qui ressemble beaucoup à sa mère sur le plan physique et qui est, par ailleurs, la fille de Pedro Joaquin Chamorro, un héros de la lutte contre la dictature des Somoza dont l’assassinat, en Janvier 1978, avait entraîné le début de l’insurrection contre le régime, avait dirigé, jusqu’en février dernier, la fondation de défense de la liberté de la presse qui porte le nom de sa génitrice et qui soutient les journalistes et les médias indépendants.

Au vu du tollé international que son arrestation a provoqué et du fait qu’elle appartient à une famille qui possède un grand groupe de presse, fait partie de l’oligarchie nicaraguayenne et dont le nom est intimement lié à l’histoire du pays, tous les ingrédients semblent a priori réunis pour permettre à Cristiana Chamorro de s’extirper des griffes de la justice de son pays, voire même de participer au scrutin présidentiel. Parviendra-t-elle à affronter  Daniel Ortega lors des élections du 7 novembre prochain ? Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

Related posts

Top