Le monde de Julie Guégan

Les étoiles de Paris

Par Noureddine Mhakkak

Le dialogue avec Julie Guégan est un voyage culturel dans les mondes des Lettres et des Arts. C’est-à-dire dans le monde de la poésie, de la prose, du cinéma, de la peinture et de la photographie d’une part et dans le monde de l’actualité aussi. Ainsi, nous allons parler des relations humaines, nous allons parler de l’amour, de l’amitié, de la tolérance et de l’ouverture d’esprit et la connaissance de l’autre. Nous allons parler des villes, des livres, des films, nous allons parler de nous, et nous allons parler de nous, de nos pensées, de nos réflexions, de nos passions, et nous allons parler de vous en tant que lecteurs. Des lecteurs fidèles qui nous lisent avec tant de plaisir.

En tant qu’une parisienne, que vous pourriez nous dire de Paris ? Je parle ici du Paris des Arts et des Lettres ?

Paris est une ville qui se marche de long en large et en travers. Tout est question de savoir si vous saurez y perdre votre temps pour mieux le gagner ensuite. Les trésors ne sont jamais là où on les cherche.

Quand j’étais plus jeune, je travaillais à Boulogne dans la publicité et j’avais mon petit appartement dans le cinquième, en plein cœur de Paris. Celui qui nous donne l’impression de vivre dans un village. J’habitais à deux minutes de la célèbre rue Mouffetard. Vous connaissez la rue de la sorcière ?

Je prenais trois métros différents matin et soir. C’était assez pénible surtout lorsqu’ils tombaient en panne. Alors souvent et ce même lorsque je finissais tard, j’aimais rentrer à pied. C’était un long chemin de près de trois heures. Mais il en valait la peine ! Ainsi, sur mon parcours, je croisais les Invalides, le Trocadéro ou encore les ponts de la Seine, comme le majestueux pont Alexandre III. Presque tous les risques à Paris sont possibles ; Puisque s’y perdre est impossible. Je l’ai vite compris grâce à toutes mes pérégrinations. Entre la Seine, l’architecture haussmannienne, mais également la conception urbanistique, composée d’axes et de repères… Non vraiment pour ceux qui ont une boussole dans la tête, Paris est d’une lisibilité à toute épreuve ! Tiens, d’ailleurs, saviez-vous que si l’on s’amuse à simplifier Paris, on assimile la rive gauche (en bas de la Seine) à son énergie pétillante et créatrice et la rive droite (en haut de la Seine) à son énergie bourgeoise et plus conservatrice ? Mais je n’aime pas les généralités et Paris est bien plus complexe que ça.

Paris est une merveilleuse hôtesse pour les étudiants de tous horizons. Mais attention, cette ville coûte cher ! Il faut savoir trouver les bonnes formules pour l’apprécier tout en respectant son budget. Ainsi, j’ai passé des heures et des heures dans les bibliothèques parisiennes. Ma préférée était la bibliothèque nationale de France, en forme de livres ouverts, que feu le Président Mitterrand avait fait construire. Vous ne pouvez imaginer à quel point ce lieu est incroyablement beau et calme. Quand je ne travaillais pas, voilà où l’on pouvait me trouver la journée, dans cet univers luxueux qui a sans doute contribué à vider l’une ou l’autre forêt…. Au fond, contrairement à ce que l’on pense, les activités les plus chères sont souvent les moins intéressantes. Ainsi, j’ai beaucoup profité des musées aussi… Mais ce qui me provoque le plus de nostalgie je crois, c’est toutes ces fêtes et autres concerts gratuits dans lesquels nous nous rendions avec mes amis. Armés de notre petit guide de spectacles, nous avions le nez pour les bons plans et les découvertes artistiques les plus exotiques, car nous ce que nous aimions, c’était les musiques du monde…  Et lorsqu’on est jeunes et plein de curiosité, Paris, oui, c’est la fête !

Quand j’ai visité le musée du Louvre, j’étais fasciné par ses tableaux éblouissants, que pourriez nous dire à propos de ce musée ?

Je peux vous dire que je rêve de visiter ses caves et tous ces trésors qui ne se présenteront peut-être jamais devant nous. Comme pour tout, certains décident pour nous de ce qui est présentable ou non. Nous serons des milliers à nous bousculer devant le tout petit tableau de la Joconde, sans pouvoir profiter un seul instant de son regard particulier. Mais nous l’aurons vue !

A mon époque, nous allions souvent au Louvre les dimanches pluvieux. C’était un des seuls endroits de Paris où les magasins étaient ouverts, et où nous pouvions flâner dans l’espace lumineux de la pyramide…

D’ailleurs, je n’ai jamais compris les critiques autour de celle-ci. C’est un concept exceptionnel, qui a transformé un musée vieillissant en une œuvre d’art qui traverse tous les siècles. Quelle ingéniosité ! Déplacer les foules hors du musée, leur permettre d’accéder aux différents univers progressivement, avec sensation d’espace et de liberté, l’architecte Leo Ming Pei, qui est mort il y a deux ans à l’âge de 102 ans, était d’après moi un grand génie ! Et je le nomme ici, car de mon point de vue, il a manqué de reconnaissance.

Paris, je le disais plus haut, est composé de plusieurs villages. Il y a le cinquième, mon quartier d’origine, c’est le quartier des étudiants ! Sa spécificité, de très grands lycées, des universités de renom, des rues pavées et la fameuse rue de la montagne Sainte-Geneviève, repère préféré des parisiens en quête de raclette et de discussions politiques enflammées. Un autre village qui me plait beaucoup est le haut du vingtième, avec ses rues en pente, ses fleurs de toutes couleurs et ses marchés bio. Mais il y tant d’autres merveilleux quartiers à découvrir… On n’imagine pas ce qui se cache derrière les façades des immeubles de Montmartre, par exemple. J’ai eu la chance un jour d’être invitée à une soirée dans l’un de ses bijoux architecturaux. Pour entrer dans l’appartement, nous avons dû descendre plusieurs escaliers. Et une fois arrivés à notre étage, nous avons découvert que nous étions en fait au deuxième étage. Les rues sont tellement pentues que les immeubles se rencontrent dans un joli bordel, créant une atmosphère vraiment unique et surprenante. Aucun immeuble n’est au même niveau !

Votre façon de lire la poésie est tellement fascinante. Parlez-nous de votre relation avec la poésie, et quels sont les poètes que vous préférez lire ?

J’ai commencé à apprécier la poésie avec mon professeur de français, Jean-Pierre Jacques, avant qu’il ne décède. Il m’avait fait découvrir Rimbaud, Verlaine, Baudelaire et puis seule, j’en ai découvert de nombreux autres, tels que Milton ou Blake… Récemment on m’a fait découvrir le grand Tagore. Mais je n’ai pas de poètes préférés. Je suis sensible à la musique des mots, et je ne peux d’ailleurs écrire sans me lire à haute voix. En fait, mon plus grand problème actuellement, c’est que je ne lis pas pour le plaisir, mais pour apprendre. Je souhaite mieux contribuer à ce monde qui nous entoure, alors je consacre beaucoup de temps à essayer de m’améliorer. J’espère un jour pouvoir retrouver le plaisir simple de la lecture.

Ernest Hemingway a dit à propos des chats ces paroles-là : « Le chat est d’une honnêteté absolue : les êtres humains cachent, pour une raison ou une autre, leurs sentiments. Les chats non ». Parlez-nous de votre relation avec votre chat.

Il y a deux ans et demi, mon grand garçon Timothé est parti au ski pour une semaine organisée par l’école. Alors que tout semblait bien se passer, le mercredi en fin d’après-midi, j’ai reçu un coup de téléphone m’indiquant que Timothé avait eu un accident et qu’il devrait se rendre à l’hôpital. Sitôt dit, sitôt en route, moi, Hadrien, mon second fils et le papa avons parcouru les 800 kilomètres qui nous séparaient, afin d’être présents pour l’opération qui avait été confirmée entre-temps. Et heureusement, car mon petit était resté toute la nuit tout seul, l’hôpital se trouvant à près d’une heure de la station où logeait le groupe.

Lorsque nous sommes rentrés à Bruxelles le lendemain, j’ai pris Timothé, qui allait se retrouver trois longs mois sans aucune activité sportive, et nous sommes allés acheter Caramelle. Je savais qu’elle contribuerait à lui donner le sourire.

Caramelle est un british short-hair, elle est magnifique. Les enfants l’ont appelée ainsi en souvenir de notre premier animal de compagnie, une jolie lapine de couleur caramel que nous avions fini par donner à une ferme pour qu’elle puisse enfin gambader dehors (je ne supportais plus de voir ce pauvre lapin en cage toute la journée). Bref, Caramelle n’a pas la couleur caramel, elle est grise.

Et lorsque nous l’avons eue, elle n’était pas le chat le plus docile non plus. Les mois se sont écoulés et Caramelle ne bougeait toujours pas de la place qu’elle s’était choisie près de la machine à laver. Alors plutôt que de forcer le contact, j’ai fini par acheter un autre animal de compagnie, un chien cette fois.

Dès que Bille est arrivée, Caramelle a commencé à changer. Il faut dire que la petite chienne était une vraie tornade. Au contact de Billie, Caramelle est devenue curieuse, câline et surtout elle a compris qu’on lui voulait du bien. Aujourd’hui, Caramelle est tout le temps avec moi lorsque je travaille. Et le soir, elle vient se poser près de nous pour les câlins avant de dormir. C’est un animal adorable dont je suis tombée folle amoureuse.

Caramelle et Billie sont mes compagnes de vie, au même titre que mes enfants. Et elles me bouleversent l’une et l’autre tant elles nous apportent de joies au quotidien.

Marilyn Monroe a dit à propos des chiens « Les chiens ne me mordent jamais. Juste les humains ». Parlez-nous de votre relation avec votre chien.

Avant toute chose, vous devez savoir que je me passionne pour la collaboration depuis des années. Je pense que cela vient du fait que j’ai évolué dans un environnement compétitif assez rude, lorsque j’étais petite. Et plus tard, j’ai trouvé du sens dans la collaboration, alors que j’ouvrais pour ce beau projet néanmoins un peu bancal (puisqu’en manque criant d’ambition !) qu’est l’Europe. Et donc forcément quand on est passionnés par la collaboration et que l’on passe son temps à essayer de comprendre comment l’optimiser, forcément… vous prenez tout ce qui vous entoure pour des cobayes. Mes enfants en premier lieu, Billie et Caramelle en second… Et je vous dirais bien que si nous nous entendions tous comme chiens et chats, le monde irait beaucoup mieux. À moins qu’elles soient une exception mais je ne le crois pas. Leur collaboration est fructueuse dans un certain nombre de domaines, comme par exemple, lorsqu’il s’agit de me voler tous mes stylos !…

J’avais pris un yorkshire terrier australien à mes enfants pour pouvoir voyager facilement ! Car je me définis comme une aventurière, j’ai un besoin vital de voyages et de découvertes tout le temps. Avec la Covid-19, on voit bien que les voyages ont été limités. Mais je n’aurais changé Billie contre un autre plus grand chien pour rien au monde. Il faut savoir que Billie était un monstre, petite, elle sautait, courait partout, aboyait, une vraie petite folle, qui n’avait peur de rien. Elle me mangeait les meubles, croquait les talons des enfants… Infernale. Et puis un jour, je me suis dit que je devais faire quelque chose de constructif (je ne crois pas aux vertus de l’autoritarisme !) Et j’ai commencé à courir tous les jours avec Billie. Pas un matin sans courir avec elle. Et alors que je la guérissais de son hyperactivité, j’ai commencé moi à guérir de mon humanité, pour en revenir à cette citation de Marilyn. Chaque jour, nous allons courir dans la forêt, nous reconnectant aux arbres, à cette énergie pure et bienfaisante. Nous retrouvons les chants des oiseaux pour un moment hors du temps dont je ne peux plus me passer. Billie m’accompagne aussi dans nos longues balades… Et elle nous rassure, nous sécurise, on est fous de notre petite Billie ! Une petite anecdote, mes enfants s’appellent Gyss du nom de leur papa. Nous avons choisi d’appeler notre chien Billie, pour Billie Gyss, une référence amusante à la fameuse chanson « Billie Jean » de l’un des chanteurs préférés de mes fils, Michael Jackson.

À-propos de Marilyn Monroe, que représente pour vous dans le monde du cinéma ?

On me définit comme idéaliste pragmatique, je crois que c’est une particularité très franco-française. J’aime le cinéma d’auteur, celui qui nous fait partir très loin, dans les sentiments, et les émotions. Celui qu’il faut décrypter, qui intellectualise, rend l’imperceptible beau et grandiloquent. A 25 ans, j’ai pris des cours avec Jack Walzer, à Paris et à Londres. On m’avait promis une belle carrière dans le cinéma. Et puis, j’ai voulu une vie conventionnelle, maman, papa et leurs enfants. J’ai ce doux espoir qu’un jour je pourrais vivre d’être comédienne. Je sais que je terminerai ma vie au milieu d’animaux, d’amis fous et de sculpture. En attendant, j’apprends à devenir meilleure pour ceux que j’aime. On n’a jamais eu autant besoin du plein potentiel de chacun.

J’aimerais avoir votre opinion sur la société européenne en général et la relation entre l’homme et la femme dans cette société en particulier

C’est un bien vaste sujet que je vous propose d’évoquer rapidement aujourd’hui. Et, si cela vous intéresse, bien entendu je serais ravie d’y revenir une prochaine fois. Je pense que nous nous sommes cru plus intelligents que nos ancêtres et aujourd’hui nous en payons les conséquences. L’ère industrielle n’aura pas eu que des conséquences positives. Dans un monde qui accélère, je pense qu’il faut remettre de la spiritualité partout. Les tentations sont trop grandes et nous ne sommes qu’humains. Il est de notre responsabilité en tant qu’adultes de protéger nos enfants et nous-mêmes. Je pense que notre société manque de soin, de profondeur et elle doit se soigner de ses nombreux maux. Les femmes comme les hommes sont malades. Il n’y a personne en particulier à blâmer, mais il faut agir. Car en même temps que nous-mêmes, nous avons fait du mal à notre planète et il est urgent de réparer. J’ai beaucoup d’espoir pour l’avenir, car le réveil est collectif. Si nous sommes assez forts pour nous défendre contre les forces du mal, alors nous pourrions même devenir plus heureux à l’issue de cette crise. J’ai envie d’y croire, et chaque semaine je contribue à faire naître un nouveau système dans nos institutions européennes. Alors évidemment, je fais l’objet de critiques, car parmi nous, il y a des gens pressés de voir les résultats. Ils ont sans doute peur comme beaucoup de mourir et de ne pas voir les fruits de leurs labeurs. Les arts et les lettres m’ont appris qu’il ne faut jamais chercher à accélérer quoi que ce soit. Patience est mère de toutes les vertus. Si l’impact n’est pas encore suffisant, c’est que nous devons nous arrêter pour réfléchir à ce qui bloque. C’est donc ce que je fais actuellement, je réfléchis et envisage différentes stratégies pour l’avenir. À bientôt !

Related posts

Top