Vient de paraître: «Couronne d’épines» de Ali Benziane aux Editions Orion

Vient de paraître: «Couronne d’épines» de Ali Benziane aux Editions Orion

Par M.G

Le poème surgit d’un besoin impérieux : donner un nom au mal mystérieux qui nous hante. Chercher les causes et les lueurs d’espoir. Sans répit, envers et contre tout. Telle est la subtile fatalité du poète.

« À chaque effondrement des preuves, le poète répond par une salve d’avenir « , nous dit l’imposant René Char.

Les poèmes qui composent le recueil « Couronne d’épines » expriment la quête d’une lumière dans une nuit emplie d’incertitude. La promesse d’un espoir au bout d’une errance aux allures  de purgatoire interminable. Un entre-deux qui laisse l’ancien ordre des choses dans une agonie insoutenable en nous projetant sans crier gare vers un nouveau monde aux contours flous.

Ce recueil est composé de vingt poèmes écrits en quelques jours, alors que le monde entier se tenait recroquevillé sur lui-même, craignant les foudres pandémiques d’un ennemi invisible et destructeur.

Au cours des jours et des nuits de huis-clos, seuls face à nous-mêmes dans un tunnel sombre et sans fin, l’ennemi tant redouté s’est peu à peu transformé pour nous apparaître comme notre propre ennemi intérieur, le seul véritable. Dès lors, l’introspection, cette exploration des abîmes de l’âme, s’est imposée comme une vitale nécessité… Des questions surgissant comme des leitmotivs implacables qui ne nécessitent aucune réponse… tel un chœur tragique s’adressant à des auditeurs poussés, bon gré mal gré, à sonder leur propre vérité. En ce sens, ce recueil est traversé par l’angoisse existentielle des tragédies grecques antiques, et notamment l’Orestie d’Eschyle dont le souffle se cache dans le premier poème…

Et le sentiment lancinant d’un sacrifice démesuré vient peupler ces longs moments d’attente, ces observations où l’œil solitaire embrasse une réalité vidé de tout sens que la pensée en quête de salut doit à tout prix transcender…

« Profondeur douloureuse de la prunelle :

La paupière ne barre pas la route, le cil ne compte pas ce qui entre », nous chante Paul Celan dont l’esprit tellurique plane sur ce recueil…

« Seul demeure le vert silence des iris

Comme une vérité muette

Sur un champ d’obsidienne », rétorque le poète qui voit son chant sublimé par la magnifique couverture de l’artiste-peintre Nadia Chellaoui.

Un chemin de croix, un parcours christique aux allures de quête initiatique. Chaque poème est une étape de cette véritable épreuve dans laquelle l’humanité s’est engagée. Mais l’humanité n’est pas autre chose qu’un ensemble d’individus en mal d’identité, en quête éperdue de soi. Cette rupture soudaine avec un monde qui s’effrite sous nos yeux ébahis renvoie à d’autres ruptures que chaque être ressent au plus profond de lui-même. Ainsi, ce véritable Golgotha auquel l’humanité semble condamnée se transforme en épreuve individuelle faite de renoncement, de chutes, mais aussi d’ascension et de renaissance… La symbolique est forcément hermétique: un langage codé où se cachent les différentes étapes de cette science de la transmutation intérieure qu’est l’alchimie.

Aux Éditions Orion. Juillet 2021.

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