La mosquée oui, mais…

Il y a de ces contrastes qui laissent tout un chacun littéralement pantois, au sein du vécu quotidien. Au cours du présent billet, on en citera des exemples qui font l’objet de débats de divers observateurs. La construction d’un lieu de culte dont le budget s’élèverait à environs 55 millions de dirhams au quartier Salam à Agadir, à titre indicatif, inscrit dans le cadre du PDU ne cesse de susciter des réactions, plus au moins enflammées de différents milieux de la ville. « Avec cet argent, on pourrait édifier dix écoles ou autant de dispensaires dont les citoyens auront besoin au lieu de bâtir de si onéreuses mosquées !», dirait-on, avec une charge révoltante. Sans verser dans un discours de mécréant ou encore tomber au fond du réflexe païen, cette attitude jugée  d’irréfléchie dépasserait toute limite de religiosité, prônée par les préceptes de la théologie pieuse, elle-même.

Dans un pays où le système éducatif est au bas de l’échelle et l’offre sanitaire se débat dans des carences harassantes, en revanche, l’espace cultuel se propage à des cadences galopantes. En fait, dès que les premiers coups de pioche martèlent les fondations d’une nouvelle agglomération, on accourt à mettre en place une mosquée, avant même de penser à construire une école où un dispensaire. Des mécènes versent de l’argent à des associations constituées à cet effet, dont les membres sillonnent les rues et harcèlent les terrasses, munis de sceaux et d’écriteaux, pour collecter des sous. « On peut toujours faire la prière chez soi, en vue d’être à jour avec les prêches divins, sans recourir à des bâtisses pour le faire. Par contre, les enfants ont besoin de lieux spécifiques pour étudier et se faire soigner, par des enseignants et des médecins ! », dirait-on aussi non sans révolte, non plus.

Dans cette discordance hallucinante, on croit bien savoir que plus de cinquante mille mosquées pullulent sur l’ensemble du royaume. Rien que dans une localité comme Boumalne Dades, aux confins du sud-est du pays, on peut compter une mosquée tous les cent mètres, le long de la route de plus de vingt cinq kilomètres de la localité, soit plus d’une centaine de minarets. Alors que des établissements scolaires et sanitaires font terriblement défaut ! De surcroît, il faut bien dire que cette panoplie pléthorique de mosquées ne constituerait, en fin de compte, pour une bonne partie, que des refuges à des fins de propagation de vilains messages obscurantistes, conservateurs et peut-être incitatrice au fanatisme religieux, dans un pays irréversiblement tourné vers des choix modernistes, empreints épanouissement, d’éveil et d’éclosion.

Il est bien vrai que notre pays a procédé à la régulation de la chose religieuse, par sa centralisation à l’appréciation royale, en tant que commandeur des croyants. L’Etat s’attelle, d’une manière ferme et sans répit, à la lutte contre le terrorisme religieux. Le démantèlement de nombre de cellules à des rythmes soutenus, en est une illustration notoire de la volonté de faire régner la stabilité et la sécurité. Toutefois, il ne fait pas de doute non plus, que la prolifération anarchique de cette multitude des lieux de piété qui « infeste », chaque jour le pays, en plein chantier urbanistique devient, de plus en plus préoccupante, pour une société qui veut proscrire à jamais, l’ignorance et l’aliénation mortifères, à l’adresse des générations futures.

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