L’identité dans le nouveau roman de Mohamed Ouissaden

Par Mohammed Serraji

Israe et Kamal, un jeune couple marocain, de remarquables journalistes d’investigation  sur l’exode des juifs marocains vers Israël. Ce documentaire a suscité la convoitise du DG d’une entreprise marocaine de documentaire audiovisuel. Ce qui a poussé Israe à proposer la réalisation d’un film documentaire sur  les juifs marocains du douar d’Iril à Talouine, en se basant sur le parcours d’Ishaq Hazzani, le grand père de son époux. Mais celle-ci ignore que cette quête, bien plus ardue qu’il n’y semblait au départ, va écrouler son couple et secouer toute sa vie. Manipulé, menacée, acculée malgré elle aux pires mensonges ; pourrait-elle malgré tout trouver l’amour dont elle rêve tant, et surtout, retrouver sa dignité.

Le récit de Mohammed Ouissaden dépoussière l’histoire contemporaine du Maroc, en traitant un sujet culturel à l’aube de la normalisation des relations entre le Maroc et Israël.

D’emblée, le roman intitulé «Israe, Elle…», et qui renvoi à l’Etat d’Israël. Ce paronyme aspiré par l’auteur dans le dessein d’aborder une réalité culturelle de notre société ; l’identité juive, une composante parmi d’autres ; amazighe, arabe, hssanie… Qui forment le corps de l’identité marocaine. Le choix de l’écrivain est d’ores et déjà sollicité par le titre du récit. Ce dernier relate l’histoire tumultueuse d’un couple arabo juif est qui a causé le début de l’isolement d’Israe de sa famille. Les péripéties de celle-ci débutent par ce déchirement identitaire. Mais le couple le surpasse par «amour». Israe, tout au long de l’histoire affronte les pires problèmes que peut rencontrer une femme dans son existence.

La cupidité !

Le DG de l’entreprise marocaine de documentaire audiovisuel disait : Money is the sinews of war  (L’argent est le nerf de la guerre), Money dosn’t grow on trees (L’argent ne pousse pas sur les arbres). Ces deux répliques en anglais prononcées par celui qui incarne la rapacité. Ce beau discours enflamme la concupiscence du couple ce qui les emporte vers les enfers. Le rôle le plus dangereux dans cette conspiration inhumaine est attribué à Israe : faux divorce, faux mariage, faux bébé  pour récupérer l’objet de convoitise à savoir la photo d’Ishaq Hazzani pour attribuer une touche d’authenticité au film documentaire cette photo mémorise le départ des juifs marocains orchestré par les sionistes où le grand père de Kamal pleurait.

L’Infidélité

Israe a toujours cherché l’amour croyant la trouvé avec Kamal, mais hélas ! En découvrant sa bisexualité, elle a tenté de mettre fin à leur union mais en vain. Lorsqu’ elle s’est engagée dans la tumultueuse conspiration ébauchée par le DG, Israe avait décidé de mettre un terme à cette existence. Mais le pire qui s’est arrivé à la fin de l’histoire en découvrant la trahison de son ex-mari avec son amie Salma.

«L’homme vit dans plusieurs dimensions. Il se meut dans l’espace, où le milieu naturel exerce une influence constante sur lui. Il existe dans le temps, qui lui donne un passé historique et le sentiment de l’avenir. Il poursuit ses activités au sein d’une société dont il fait partie et il s’identifie avec les autres membres de son groupe pour coopérer avec eux à son maintien et à sa continuité » Melville J. Herskovits, Les bases de l’anthropologie culturelle (1950).

Mohammed Ouissaden lance un appel pour pouvoir s’ouvrir les composantes de notre identité par le détour de la littérature. Si L’identité culturelle est ce par quoi se reconnaît une communauté humaine (sociale, politique, régionale, nationale, ethnique, religieuse,…) en termes de valeurs, de pensées et d’engagement, de langue et de lieu de vie, de pratiques, de traditions et de croyances, de vécu en commun et de mémoire historique. L’identité culturelle d’une communauté est rarement statique, évoluant avec le cours de l’histoire et de l’actualité, les mouvements migratoires, le côtoiement avec d’autres identités culturelles et les avancées et reculs de la civilisation. L’altérité, le mot provient du bas-latin alteritas, qui signifie différence ; l’antonyme d’« altérité » est « identité » ou la reconnaissance de l’autre dans sa différence, aussi bien culturelle que religieuse. La question de l’altérité s’inscrit dans un espace intellectuel de large empan, qui va de la philosophie, de la morale et du juridique jusqu’aux sciences de l’homme et de la société.

Cette question a particulièrement interrogé plusieurs sciences sociales, souvent depuis leur fondation, comme en anthropologie, ou depuis leur période classique, comme en sociologie. Elle n’est pas non plus étrangère au champ esthétique qui avec les œuvres littéraires, plastiques, musicales, fournit une ample matière pour étudier le rapport à l’autre.

La fiction de Mohamed Ouissaden vient d’offrir une opportunité pour concrétiser le débat sur les affluents de l’identité marocaine comme le stipule  la constitution du royaume. C’est une occasion artistique et littéraire qui renforce les utilités sociétales d’unification identitaire. L’exemple le plus significatif est sans doute le film intitulé «Tinghir-Jérusalem, les échos du mellah» de Kamal Hachkar. L’auteur de ce film, est un professeur d’histoire qui a émigré en France à l’âge de 6 mois depuis son Maroc natal. Un pèlerinage au village amazigh de ses pères, Tinghir, lui révèle la longue cohabitation qui a uni en ces lieux Juifs et Musulmans, avant que la plupart des Juifs marocains ne rejoignent le jeune Etat d’Israël dans les années 1950. Kamal cherche à comprendre les raisons de ce départ. D’abord en parlant avec les anciens du village, ensuite en partant pour Israël, où il retrouve les Juifs de Tinghir, dont certains descendants de sa génération qui partagent sa curiosité pour ce passé commun.

C’est ce passé commun qui doit être enseigné dans nos écoles dans le but d’unifier notre histoire. Un travail de tissage est indispensable pour souder notre identité comme  le faisait les femmes marocaines. Cet art est le leur,  elles ont su mobiliser toute la dextérité de leur geste, la patience de leur engagement et la candeur de leur intention pour alors parvenir à l’excellence de leur ouvrage. Une fois terminé, le tapis n’appartient plus à son artisane. Il est, face au monde, un reflet du visage du Maroc.

«L’art, c’est le plus court chemin de l’homme à l’homme», dixit André Malraux.

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