Khartoum verrouillée avant des manifestations

Sans internet ni téléphone

Les autorités soudanaises ont coupé jeudi les communications téléphoniques et l’internet mobile avant de nouvelles manifestations des opposants au pouvoir militaire, prévues notamment dans la capitale Khartoum entièrement verrouillée.

A chaque nouvel appel des partisans d’un pouvoir civil à conspuer le chef de l’armée, le général Abdel Fattah al-Burhane, qui a renforcé son pouvoir avec un putsch le 25 octobre, les autorités mobilisent de nouvelles techniques.
La coupure d’internet a déjà été utilisée durant des semaines après le coup d’Etat, dans un pays sous la férule de l’armée quasiment sans interruption depuis son indépendance il y a 65 ans.

Samedi, lors de la dernière manifestation réclamant un pouvoir civil et le retour des « militaires à la caserne », les autorités avaient aussi coupé le téléphone et les ponts reliant la capitale à ses banlieues avec d’imposants containers.
Mais jeudi, pour la première fois, ni les appels téléphoniques locaux ni ceux venus de l’étranger ne pouvaient aboutir.
En outre, les forces de sécurité –policiers, militaires et paramilitaires des Forces de soutien rapide– ont installé des caméras sur les principaux axes de Khartoum, où doivent se retrouver les manifestants.

L’ambassade américaine a réclamé dès mercredi « une retenue extrême dans l’usage de la force », alors qu’en deux mois de mobilisation anti-putsch, 48 manifestants ont été tués et des centaines blessés par balle.
Entre grenades lacrymogènes, tirs à balles réelles en l’air et coups de bâtons pour disperser la foule, 235 personnes ont été blessées samedi dans la mobilisation nationale.

Ce bilan a été fourni par un syndicat de médecins pro-démocratie, qui recense les victimes depuis qu’a débuté en 2018 la « révolution » qui força les généraux à démettre l’un des leurs, le dictateur Omar el-Béchir, en 2019.
L’ambassade américaine appelle en outre les autorités à « ne pas recourir aux détentions arbitraires », alors que des militants font état de nouvelles rafles nocturnes à leur domicile, comme souvent à la veille de chaque manifestation.
Le 19 décembre, jour du troisième anniversaire de la « révolution », les forces de sécurité ont été accusées par l’ONU d’avoir violé des manifestantes pour tenter de briser un mouvement qui continue de mobiliser régulièrement des dizaines de milliers de Soudanais.

Car la rue qui manifeste veut un pouvoir entièrement civil comme cela avait été promis à la chute de Béchir en 2019. Militaires et civils s’étaient accordés sur un calendrier selon lequel les généraux devaient s’effacer sous peu.
Le coup d’Etat du général Burhane –une « correction du cours de la révolution » selon lui– a rebattu les cartes.
Selon les termes d’un accord que le chef de l’armée a signé le 21 novembre avec le Premier ministre civil Abdallah Hamdok, ce dernier a été rétabli dans ses fonctions après avoir été placé en résidence surveillée.
Et le mandat du général Burhane à la tête des autorités de transition a été prolongé jusqu’aux élections promises en juillet 2023.

Mais, le Soudan n’a toujours pas de gouvernement, condition sine qua non à la reprise de l’aide internationale, vitale pour ce pays, l’un des plus pauvres au monde.
Quant à M. Hamdok, dénoncé par la rue comme un « traître » qui « favorise le retour de l’ancien régime », il fait planer la menace d’une possible démission, si l’on en croit les fuites régulières de la presse locale qui assure qu’il n’apparaîtrait plus que rarement à son bureau.

Étiquettes

Related posts

Top