Libération de Fusako Shigenobu, la fondatrice de l’« Armée Rouge » japonaise

Attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

Elles ont finalement décidé de la libérer ce samedi 28 mai après 20 années d’incarcération. Elles, se sont les autorités nippones et elle, c’est Fusako Shigenobu, fondatrice de l’«Armée Rouge » japonaise, (Nihon sekigun), un mouvement qui avait semé la terreur dans les années 1970/1980 au nom de la défense de la « cause palestinienne ».

Avec la libération de cette femme, longtemps recherchée par Interpol,  qui quitte aujourd’hui, à l’âge de 76 ans, le centre pénitencier médicalisé de Hachioji après y avoir passé vingt années et qui n’est plus la jeune étudiante à la beauté énigmatique et au visage encadré de longs cheveux dont la photo avait été affichée, pendant trois décennies, dans tous les postes de police et bureaux d’immigration nippons, se tourne donc une page de l’histoire de la lutte armée telle qu’elle avait été incarnée, à l’époque, par les « Brigades Rouges » italiennes et la « Fraction Armée Rouge » allemande plus connue sous le nom de « Bande à Baader ».

Surnommée, par la presse de son pays, « La Reine rouge » et « L’Impératrice de la terreur », Fusako Shigenobu, qui fut une importante figure de cette extrême-gauche qui prônait la révolution mondiale par l’entremise de la lutte armée, avait été arrêtée en 2000, dans son Japon natal, lorsqu’elle y était rentrée sous une fausse identité après s’être terrée, pendant trente années, dans la vallée de la Bekaa au Liban.

Bien qu’elle ait proclamé, en 2001 et du fond de sa cellule, la dissolution de l’« Armée Rouge » japonaise, Fusako Shigenobu fut condamnée, par les autorités de son pays, en 2006 et au terme d’un long procès, à vingt années de réclusion criminelle pour avoir organisé la prise d’otages à l’ambassade de France aux Pays-Bas en 1974 qui avait fait trois blessés parmi la police au terme de laquelle la France avait été contrainte de libérer Yoshiaki Yamada, un militant de l’ARJ arrêté deux mois plus tôt en possession de plans pour de futures attaques.

Même en n’ayant pas participé à cette opération qui avait duré une centaine d’heures Fusako Shigenobu fut reconnue coupable par la justice de son pays en sa qualité de figure centrale du mouvement.

Pour rappel, deux années avant cette prise d’otage, l’Armée Rouge japonaise s’était fait connaître dans le monde entier pour son implication dans l’attentat perpétré, en 1972, dans l’aéroport de Lod, à Tel Aviv, au titre du soutien à la cause palestinienne, et qui avait fait 26 morts parmi lesquels deux assaillants de l’ARJ et près de 80 blessés parmi les civils.

Les autres faits d’armes de l’ARJ furent notamment la prise d’otage qui avait eu lieu au sein de l’ambassade de Kuala Lampur, en Malaisie, en 1975, le détournement d’un avion de Japan Airlines vers le Bangladesh en 1977 et l’attaque à la bombe qui avait visé, en 1988, le club militaire américain de Naples et qui avait fait 5 morts.

Mais si jusqu’à la fin des années 1980, l’ARJ a mené des prises d’otages, des détournements d’avions, des braquages de banques et des attaques contre des ambassades en Europe et en Asie, force est de reconnaître qu’après avoir été déchiré par des querelles internes, le mouvement avait progressivement perdu de son influence jusqu’à son auto-dissolution en 2001.  

Ainsi, bien qu’à l’énoncé du jugement la condamnant à une peine de 20 années d’emprisonnement, Fusako Shigenobu avait levé le point en signe de victoire en direction d’une dizaine de sympathisants présents dans la salle d’audience, elle avait, par la suite, exprimé ses regrets en déclarant : « Face aux juges, j’ai senti peser sur moi les regards de nos victimes comme de mes camarades tombés en luttant » et affirmera, plus tard, dans une interview publiée, en 2017, par le Japan Times : « Nos espoirs de révolution n’ont pas été atteints et se sont mués en tragédie ».

En quittant, ce samedi, sa prison accompagnée de sa fille, Fusako Shigenobu, qui était attendue par une centaine de journalistes et une trentaine de partisans brandissant une banderole où l’on pouvait lire « On aime Fusako ! », a présenté ses excuses en reconnaissant que même si « cela remonte à un demi-siècle » le combat qu’elle avait mené avec « des prises d’otages, avait fait souffrir des innocents ».

Est-ce à dire que l’ « Armée Rouge » japonaise relève, désormais, du passé alors même que les autorités nippones sont encore à la recherche de 7 anciens membres du mouvement dont Kozo Okamoto, le seul survivant des auteurs de l’opération suicide qui avait visé l’aéroport de Lod-Tel Aviv, qui avait fini par obtenir l’asile politique au Liban ?

Attendons pour voir…

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