Embargo pétrolier : Le « oui mais » des Vingt-Sept

Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

« Il est temps d’arrêter vos divisions et vos querelles internes et de montrer votre unité » avait dit Zelensky aux dirigeants de l’Union européenne et ceux-ci l’ont entendu comme lui-même a toujours marché dans les pas de Washington puisqu’ils ont décidé, ce 30 mai, de bannir 90% de leur importation de pétrole russe d’ici fin décembre ; ce qui, pour Cyrill Brett, chercheur associé à l’Institut Jacques Delors, constitue « un tournant » en ce sens que l’UE qui avait coutume d’infliger « des sanctions à la Russie pour lui faire changer de cap », a choisi, cette fois-ci, de lui appliquer cette sanction « pour couper les ponts avec elle ».

Ainsi, si l’Union européenne compte mettre fin, d’ici 2023, à ses achats par voie maritime qui constituent deux tiers de ses importations, l’Allemagne et la Pologne ont fait passer cet embargo à 90% en choisissant, de leur côté, de ne plus consommer de pétrole russe ; ce qui a ravi le président du Conseil européen qui a affirmé, dans un tweet, que cette décision va « couper une énorme source de financement de la machine de guerre de la Russie ».

« Il s’agit d’une décision importante, d’un palier supplémentaire dans la pression mise par l’UE sur la Russie » a déclaré, pour sa part, Ricardo Borges de Castro, directeur-adjoint du European Policy Center, qui estime, par ailleurs, que c’est parce qu’il a « des conséquences majeures très concrètes sur l’économie européenne (que) ce paquet de sanctions était si difficile à concrétiser ».

Mais, pour le quotidien « Le Monde », cet embargo reste, néanmoins, « partiel dans un premier temps » car le pétrole russe acheminé par oléoduc n’est pas visé pour le moment ; ce qui permettra « dans l’immédiat, à la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque de continuer à être approvisionnés par le pipeline russe de Droujba, long de 4.000 kilomètres » et de bénéficier, ainsi, d’une exemption de fait de l’embargo décidé par l’UE puisqu’en n’ayant aucun accès à la mer, ils ne doivent pas être lésés. 

Or, si, d’après le site « Politico », « les dirigeants de l’UE [ont dû] accorder un laissez-passer à Budapest » qui bloquait les négociations depuis plusieurs semaines, pour faire approuver ces nouvelles sanctions, il s’agit, pour « Les Echos » d’un « traitement à la carte » qui, comme l’affirme « Le Parisien », pourrait « [fausser] les conditions de concurrence » entre Etats sur leurs achats de pétrole » alors que, selon « Le Monde », la Bulgarie aurait « décroché des aménagements [et] devrait être autorisée à acheter l’hydrocarbure russe pendant un an et demi encore ».

C’est dire que « le problème reste entier » car il va falloir, par la suite, « déterminer comment et quand mettre fin aux importations pétrolières via les oléoducs » même si les Vingt-Sept ont convenu d’en discuter « dès que possible » alors que « Budapest demande un délai de quatre ans et quelque 800 millions d’euros d’aides pour mettre à niveau ses infrastructures (…) et des garanties de livraisons alternatives en cas de rupture de l’oléoduc Droujba, critique pour son approvisionnement en énergie »(Les Echos).

Enfin, si, comme l’a rappelé « France 24 », « le feu vert politique des dirigeants doit encore donner lieu à un accord entériné au niveau des ambassadeurs des Vingt-Sept pour en régler les détails avant que les mesures n’entrent en vigueur », c’est que la concrétisation de l’ensemble de ces dispositions va prendre du temps. Alors, attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

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