Un « Watergate » aux couleurs grecques ?

Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

L’Histoire retiendra, peut-être, que même les grecs auront eu leur « Watergate » car, à huit mois des prochaines élections législatives, le gouvernement « conservateur » du Premier ministre Kyriakos Mitsotakis se trouve empêtré, jusqu’au cou, dans une sombre affaire d’écoutes téléphoniques concernant des personnalités de la scène politique nationale et du monde des médias après avoir été accusé d’avoir placé, sous surveillance, à l’aide d’un logiciel-espion, plusieurs journalistes, un député de l’opposition voire même des membres de l’actuel gouvernement.

L’affaire a vu le jour lorsqu’en Juillet dernier, Nikos Androulakis, le leader du parti socialiste Pasok-Kinal, opposition, qui est la troisième force politique du pays, avait accusé les services de renseignements grecs de l’avoir espionné en ciblant son téléphone portable à l’aide du logiciel de surveillance « Predator » ; ce qui leur aurait permis d’enregistrer les messages et les appels et d’accéder aussi bien aux mots de passe de l’intéressé qu’à son historique de navigation internet.

Ce malencontreux dossier a ressurgi, bruyamment, dimanche 6 novembre, lorsque l’hebdomadaire national « Documento » a révélé que les téléphones d’autres journalistes et d’importants hommes d’affaires, de ministres en exercice issus des rangs de la « Nouvelle Démocratie » et leurs épouses – à savoir, l’actuel chef de la diplomatie grecque ou encore l’ancien Premier ministre Antonis Samarras –   auraient été, également, attaqués par « Predator » ; ce qui a poussé le député de gauche et ancien ministre Dimitris Tzanakopoulos à déclarer que « le minimum que le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis puisse faire est de démissionner ».

Mais ces propos ont été balayés, d’un simple revers de manche, par Giannis Oikonomou, le porte-parole du gouvernement car étant « sans preuves » même s’il a demandé, néanmoins, à la justice, d’ouvrir une enquête sur les révélations faites par « Documento » qui, du fait de ses accointances avec le parti d’opposition de gauche « Syriza », essaie de « nuire au gouvernement » et de « saper sa stabilité ».

En outre, bien qu’il ait reconnu avoir mis sous écoute, « par erreur », l’opposant Nikos Androulakis, le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis a formellement nié avoir placé sous surveillance téléphonique certains de ses ministres, allant même jusqu’à déclarer que l’Etat grec n’a « jamais acheté ou utilisé » le fameux logiciel « Predator ».

Pour rappel, après son élection, en Juillet 2019, l’actuel Premier ministre, avait placé, directement sous son égide, les services du renseignement. Il n’en fallait pas plus pour que son gouvernement soit soupçonné de surveiller les journalistes s’intéressant à des sujets aussi sensibles que la corruption et les migrations et même d’être mis en cause pour avoir procédé à des refoulements illégaux et violents de migrants vers la frontière avec la Turquie ; des faits qui contraindront à la démission forcée aussi bien son chef du renseignement qu’un de ses proches conseillers qui, par un curieux hasard, est également son neveu.

Ainsi, contrairement à la Hongrie, la Pologne et l’Espagne qui avaient admis avoir eu recours à des « logiciels-espions » pour des « raisons de sécurité », la Grèce s’en est fermement défendue et la Commission européenne qui s’est penchée sur ce dossier, en le confiant à dix eurodéputés, s’est heurtée aussi bien au silence du Premier ministre qu’à celui du groupe chargé de la commercialisation dudit logiciel en Grèce.

Si donc sur le plan intérieur, le gouvernement de Kyriakos Mitsotakis est tellement embourbé dans ces scandales que son maintien en place au-delà des élections de juillet 2023 est bien loin d’être acquis notamment en ce moment où les manifestations se multiplient pour dénoncer une situation économique très tendue après que l’inflation ait atteint 9,1%, force est de reconnaître qu’au niveau européen, la confiance de l’UE envers la Grèce en a été profondément altérée car après avoir été accusé d’avoir eu recours à un logiciel espion pour violer la vie privée des citoyens, il est reproché au gouvernement d’Athènes d’avoir porté atteinte à la démocratie et à l’Etat de droit.

Ce scandale d’Etat va-t-il avoir raison du Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis et le pousser vers la porte de sortie avant même la tenue des prochaines élections prévues en Juillet 2023 comme l’avait fait, en 1974, une certaine affaire « Watergate » en acculant à la démission le président américain Richard Nixon ?

Attendons pour voir…

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