M20F

De prime abord, il faut l’écrire et le dire : «le mouvement du 20 février», tel qu’il a été nommé, a servi la réforme plus que toute autre chose. Après le discours royal du 9 mars 2011, une nouvelle constitution est rédigée puis adoptée par référendum et des élections anticipées sont organisées. La consolidation du processus démocratique s’est trouvée ainsi confirmée  au Royaume du Maroc dans la stabilité et l’enthousiasme.

Pour comprendre ce contexte  qui se singularise dans la région, un militant des droits de la personne humaine, ancien militant et ancien détenu politique, use de la métaphore suivante ; la Tunisie en faisant sa révolution du jasmin exporta aux pays alentour de  «lahrissa». Au Maroc, l’accommodation à cette sauce fortement piquante s’est effectuée dans un «réceptacle politique» qui se distingue par une transition démocratique déjà entamée par l’alternance consensuelle et l’avènement d’un nouveau règne déterminé à la mise en œuvre des perspectives de développement humain sur la base du «Rapport du Cinquantenaire» et des recommandations du «Rapport de l’Instance Equité et Réconciliation».

La contribution du «mouvement du 20 février» à l’élaboration d’un champ politique démocratique au Maroc est indéniable. Il reste que l’appréhension de cette contribution, aussi bien dans ses formalismes que dans ses aspects de mouvement de protestation où l’animation rebelle exprime sa révolte en cherchant la révolution, reste l’objet de discussions aussi bien par les activistes du « 20 février » eux-mêmes que par les écoles de la sociologie et de la science politiques.

Le Maroc, comme d’autres pays, a connu antérieurement au «20 février» des mouvements sociaux de grande ampleur, souvent dans un contexte d’affrontement, de répression et de violence. La mobilisation populaire se basait sur le cahier revendicatif établi par les forces démocratiques, alors dans l’opposition. Elle gonflait par l’intermédiaire des syndicats, des étudiants et des élèves qui en faisaient un événement militant historique et formateur. Celle du «20 février» usa des nouvelles techniques de l’information et de la communication pour  organiser «l’émulation protestataire» à travers le royaume. Le web et la téléphonie mobile ont ainsi montré leur efficience dans l’action politique malgré la fracture numérique qui caractérise la société marocaine. A travers «les défilés du dimanche», les «halka» et les débats organisés en marge des manifestations spontanées, le «dégagisme» est devenu un slogan scandé par des cohortes d’obédiences politique et idéologique hétérogènes qui trouvent leur puissance dans la déclamation « le peuple veut…».

Faire peuple, être jeune avec un zeste d’avant-gardisme (la barbe pour les jeunes hommes étant un aspect non distinctif au contraire des moustaches), une approche de l’autonomie à la limite du sectarisme, mettre entre parenthèses ses antagonismes et ses réticences envers les «forces obscurantistes» ou les «gauchistes», clamer fort son amazighité, …. , pourraient constituer les éléments d’un portrait robot des animateurs du mouvement du «20 février» qui parallèlement à leur activisme ne crachaient pas sur un menu malin composé de pizza et de salade dans une salle de restauration enfumée et bruyante. L’important dans tout cela résidait dans cette volonté de la démocratisation de la société marocaine dans le respect «des valeurs de l’égalité, de la dignité et de l’équité sociale».

Emanation de notre société en gestation démocratique, « le 20 février »  prend en considération  le «besoin de figures nouvelles et de l’intégration de la jeunesse et des femmes». Une nouvelle génération est en train de se forger pour « un mouvement qui est continu et qui ne peut qu’aboutir dans les prochaines années à des mutations très substantielles de notre scène politique». Il reste à voir pour en juger car  la «réforme politique a désorienté et démobilisé certains protestataires». La radicalisation s’avère  dorés et déjà vaine car «il n’est pas en mesure d’engendrer une avant-garde parce qu’il n’en a pas les moyens intellectuels, la culture». Devrait-on conclure que «bottom- up» de l’action politique, le 20 février serait plutôt un appel au changement qui s’éteint quand le changement se réalise».

Mustapha Labraimi

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