Mépris(e)

Le mépris pour les partis politiques, la stigmatisation de la démocratie des partis ne sont pas choses nouvelles au Maroc. Elles datent des années de plomb et bien avant; au moment où l’engagement politique dans les partis démocratiques et progressistes, cela allait avec ce temps, ne pouvait être que réprimé par l’emprisonnement, l’exil, le bannissement et parfois par l’atteinte à la vie des personnes et au confinement des collectivités.

Certes, d’autres partis politiques bénéficiaient alors de la compréhension de l’administration pour la simple raison qu’elle en était la créatrice. La voix de son maître, pour reprendre une célèbre accroche publicitaire.

Dans le contexte qui est le nôtre ; qu’un journaliste et chroniqueur de son état, usant de l’interrogation, suggère que «les partis politiques (…) devenus une survivance du passé, (sont) voués à disparaître et laisser leur place à d’autres formes d’organisations politiques» montre que la consolidation du processus démocratique reste menacée dans notre pays.

La liberté d’expression étant reconnue à tout le monde, notre journaliste et chroniqueur est libre de faire part de ses idées ; il lui reste toutefois à respecter son lectorat en présentant l’argumentaire de ses affirmations.

Il serait intéressant de savoir en quoi nos partis politiques sont-ils des «survivances du passé » ? Et de quel parti s’agit-il ? Cette attitude de porter un jugement sur l’ensemble des partis politiques, sans distinction aucune ni explication, portent préjudice à toutes celles et à tous ceux qui s’essayent à «l’encadrement et à la formation politique des citoyennes et citoyens (et) à la promotion de leur participation à la vie nationale et à la gestion des affaires publiques». A moins que notre aimable journaliste et chroniqueur pense que la constitution dépasse ce qu’il voudrait bien accorder à ses compatriotes comme droits?

En quoi nos partis politiques sont-ils reliques, et si c’est le cas quelles sont les propositions de notre docte éditorialiste quant à ces formes futures de l’engagement politique ? Ou prône-t-il simplement «l’émergence d’acteurs politiques qui aspirent au pouvoir, mais (qui) préfèrent contourner le modèle classique des partis, ou au moins l’utiliser à leur compte, tout en le vidant de sa substance» ? Les «chapelles politiques» étant ainsi détruites, il ne restera que notre journaliste et chroniqueur pour vanter les mérites d’une dictature singulière, iconoclaste et omniprésente pour conduire les âmes et les pensées ; sans les clivages dont les partis politiques constituent l’expression et les symboles.

Qu’un journaliste et chroniqueur fasse son affaire en étant poreux aux idées néolibérales ne dérange aucunement ; mais qu’il se proclame juge de l’ensemble des partis politiques ; cela le dépasse. A moins de vouloir faire œuvre de démobilisation par procuration pour qu’une certaine configuration du champ politique national puisse se faire ; à l’instar de cette plume directoriale de la dernière heure, qui se retrouvant dans le manque de moyens, plonge dans le fiel de sa gaucherie pour reprendre du service et vouloir faire la politique de ses commanditaires.

Au Royaume du Maroc, le peuple ne se laissera pas confisquer le processus démocratique qu’il a choisi et entériné. Un processus négocié et où le consensus permet de dépasser les obstacles conjoncturels issus des clivages que vit la société. Les partis politiques ont émergé pendant le protectorat, non «comme un phénomène d’importation» mais comme une réaction contre l’asservissement, l’exploitation et le déni de justice du colonialisme et de ses suppôts locaux contre les populations autochtones. Après l’indépendance, des partis administratifs ont été créés ; certains s’essayent aujourd’hui à la structuration partisane et à l’implantation populaire mais restent des instruments dociles aux mains de leurs procréateurs. Si «establishment» il y a, il faudrait le trouver de ce côté et avoir le courage de le dénoncer. Les jeunes marocains sont appelés à s’engager politiquement et à choisir librement et avec conviction l’organisation politique au sein de laquelle ils doivent militer pour consolider l’exemplarité morale, permettre le renouvellement des cadres et la crédibilité des discours au regard des actes et du vécu. C’est par ce biais que le renforcement des partis politiques et une grande participation aux opérations électorales se feront. Pour la consolidation du processus démocratique dans notre pays et sans méprise aucune.

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