Moha Ou Baba, une étoile de l’art Amazigh

Moha Ou Baba, fut un grand artiste et violoniste amazighe. Il est originaire de la petite contrée de « Tazrouft », où il naquit vers le milieu des années quarante. Son fief est situé sur le territoire de la caïdat de «Tillichte», cercle de «Riche», province, actuelle, de Midelt. Ses anciens amis, artistes issus des autres tribus amazighes avaient l’habitude de l’appeler «Moha Ou Baba Azrouf» en référence à son surnom patronyme.

Il a grandi chez son oncle maternel qui l’a adopté, encore enfant, à la mort de ses parents. Son oncle, Moha n’Itto, était lui aussi violoniste comme la majorité des «Izroufen». Il est à rappeler que «Tazrouft » était jadis un réservoir d’artistes classé comme suit : en premier lieu, les violonistes, puis les tambourinaires et les aèdes.

L’enfant Moha Ou Baba a appris à manipuler d’abord le violon de son oncle ; puis après, il eut à sa disposition la quasi-totalité des violons que les gens du douar possédaient. Le violon, a fait partie de la famille et tous les enfants l’ont côtoyé dès leur plus bas âge.

Dans cet environnement artistique, l’enfant Moha ne pouvait que devenir lui aussi un artiste violoniste et comme dit un adage de la «darija», «ⵙⵏⴰⵄⵜ ⴱⵓⴽ ⵍⴰ (ⵢ) ⵖⵍⴱⵓⴽ» qui peut se traduire par: «perfectionne- toi tout en apprenant le métier de ton père».

Arrivé au summum de son art musical, il décida, comme ses prédécesseurs et ses semblables de partir hors de son fief avec quelques amis, avec lesquels il a formé une troupe artistique ambulante. Il partait à la recherche de l’aventure comme on part en quête d’un travail quelconque. Lui et son groupe, ont eu l’occasion de se produire dans plusieurs villes, villages et douars en contrepartie de menue monnaie. C’est ainsi qu’avec sa troupe, il sillonna, pendant un grand nombre d’années, la quasi-totalité des régions du Maroc.

Ses aventures se sont multipliées au fil des années et c’est ainsi qu’il s’est produit dans «la halqa» et sur les scènes de «suirti», mot espagnol qui se prononçait «suerte» et qui signifie la «chance», il est incorporé, ici, tel un théâtre ambulant où certains artistes se produisaient dans le temps et dont les gens de ma génération se souviennent encore.

Le violoniste Moha Ou Baba, toujours vivant, a vécu auparavant, pendant de longues années à Khemisset. Notons au passage qu’il s’est associé à un moment donné de son parcours avec des artistes tels : le célèbre comédien feu Moha Ou Rahou et son inséparable compagnon, feu Ali n’ Hmimche; tous deux issus de la tribu des «ⴰⵢⵜ ⵏⴹⵉⵔ».  Ali Ouchibane, en tant que tambourinaire avec lequel il a formé un duo, pour sillonner l’Europe et visiter, tour à tour, l’Espagne, la France, la Belgique, l’Allemagne et la Hollande où ils se sont produits durant de multiples soirées et animer des fêtes organisées par les immigrés marocains.

L’amertume, de Moha Ou Baba envers l’art, comme tant d’autres artistes qui considèrent s’être sacrifiés pour ce «métier» et qu’en retour, surtout maintenant qu’ils sont devenus âgés, ne leur a rien procuré. Ceci, sans parler de son état de santé qui se détériore au fil du temps au point que sa mémoire lui fait défaut et ne peut plus restituer les souvenirs du passé ; souvenirs perdus à jamais…

Parmi ses grands succès sauvegardés dans les archives de la radio amazighe de la RTM, nous ne citerons que ces quelques exemples, extraits des plus significatifs à notre sens :

– ⵉⴽⴽⴰ ⵊⴱⵍ ⵉⵏⵢⵔⴰⵅ, ⴱⴱⵉⵏ ⵉⴱⵔⴷⴰⵏ, ⵇⵍⵍⴰⵏ ⵉⵎⴰⵣⴰⵏ

– ⴰ ⵢⴰ ⵎⴰⵣⴰⵏ ⴰⵡⴰ ⵏⵄⵜⴰⵙ ⴰⴱⵔⵉⴷ ⵉⵢⵎⴰ ⵏⵓ ⵄⴰⴼⴰⵛ ⴱⴰⵔ ⴰⴷ ⵉⵔⵃⵍ ⵖⵓⵔⵉ

Avant de conclure, il est a noter que le premier succès précité a été repris et chanté par plusieurs jeunes artistes, violonistes et outayris (les artistes qui jouent du luth, loutar), qui ont conservé le refrain et la composition originale, tout en modifiant intégralement les paroles.

Hamzaoui Abdelmalek

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