La diffusion, la «bête noire» du livre amazigh

Le Salon International de l’Edition et du Livre (SIEL) approche à grands pas. Quid du livre amazigh? Cet évènement contribue-t-il au rayonnement du livre écrit dans cette langue?

Comme chaque année, l’Institut Royal de la Culture Amazighe (IRCAM) ne manquera pas le SIEL. L’IRCAM sera présent à cet événement culturel d’envergure, pour faire connaitre au grand public le livre et les écrivains amazighs. Malgré des embûches et des contraintes, d’édition en édition, le livre amazigh investit le SIEL et parvient à se frayer une place dans le secteur du livre.

Selon le président de l’Alliance marocaine du livre amazigh, Abdelmalek Hamzaoui, les assoiffés de lecture trouvent des difficultés à lire tout ce qui est écrit en tifinagh. La meilleure solution, estime-t’il, c’est de l’écrire en latin. «Il y a des gens qui comprennent ce que nous écrivons en latin. Sinon il faut écrire en français étant donné que c’est accessible à tout le monde.  Le tifinagh est très difficile d’accès», explique-t-il dans une déclaration à Al Bayane. Mais le problème du livre amazigh ne se cantonne pas à l’alphabet ou la langue d’écriture. Il pâtit également des difficultés et contraintes du secteur de l’édition.

«Quand on édite un livre, il faut le faire écouler. C’est un peu difficile au Maroc. Quand on écrit un livre, il faut toujours mettre la main dans sa poche parce qu’ils sont rares les gens qui veulent éditer», souligne Hamzaoui. A cela s’ajoute le faible lectorat au Maroc. «Le taux de lecture au Maroc est très faible par rapport aux autres pays. Quand on édite un livre, il devient une carte de visite qu’on distribue à gauche et à droite pour se faire connaitre», déclare le président de l’Alliance marocaine du livre amazigh.

Selon Hamzaoui, si les écrivains amazighs sont présents au SIEL, ils le sont toutefois en faible nombre par rapport aux autres écrivains non amazighophones. «Il y a des livres amazighs, seulement il faudrait que le ministère de la Culture s’intéresse aux écrivains amazighs. Certes, cette année, il va y avoir un prix pour le livre amazigh, ce qui est une très bonne chose, mais le ministère accorde moins d’attention à ces écrivains», conclut-il.

En tant qu’institution phare dédiée à la promotion de la langue amazighe, l’IRCAM édite plusieurs livres en amazigh ou sur l’amazigh dans différents domaines et langues. Toutefois, «le problème réside dans la diffusion de ces livres. En effet, l’IRCAM a signé un contrat avec une société de diffusion, mais les résultats n’étaient pas à la hauteur de ses attentes.

L’institution a signé un autre contrat avec une autre société, mais en vain. « Il s’agit en fait d’un problème des sociétés de diffusion», indique à Al Bayane M’hamed Sallou, directeur du Centre des études artistiques et des expériences littéraires et de la production audiovisuelle à l’IRCAM.  Selon lui, le livre amazigh en tifinagh marche bien. « Nous avons édité le Petit Prince en amazigh qui a eu un franc succès.

On l’a réédité pour la deuxième fois. Il y a une demande concernant le livre amazigh écrit avec l’alphabet tifinagh», fait-il savoir. Par ailleurs, l’IRCAM a publié «mille proverbes», une anthologie des proverbes que l’institution est en train de rééditer. «Il y a un autre livre sur les devinettes qui sera réédité et un autre intitulé «tiraa» écrit en langue française avec 3000 exemplaires écoulés. Le stock du livre est épuisé.

Nous réfléchissons à éditer une deuxième fois ce livre», souligne-t-il. D’après M’hamed Sallou, les livres amazighs sont demandés. Leur seul défi est lié à la diffusion. Le SIEL est une occasion importante pour l’IRCAM de faire connaitre le livre amazigh. Une part importante des ventes de l’institut se font d’ailleurs au Salon, affirme-t-il. Hormis le SIEL, les salons régionaux organisés par le Ministère de la Culture dans différentes régions sont des occasions que l’IRCAM saisit pour promouvoir le livre amazigh. Lors de ces événements, nous recevons généralement des commandes d’ouvrages de recherche scientifique, les livres d’apprentissage et d’enseignement de l’amazigh aux enfants.

Pour l’écrivain, poète et dramaturge amazigh Saïd Abarnous, le livre amazigh souffre depuis toujours du problème de diffusion. Selon le Prix national de la traduction de l’IRCAM en 2016, «l’écrivain est obligé parfois d’éditer son livre, le diffuser et l’accompagner pour le faire rayonner auprès des lecteurs».  Pour le traducteur, l’alphabet tifinagh ne pose pas de problème pour le livre amazigh, puisque «l’IRCAM a fait un travail important en matière de promotion du livre amazigh», conclut-il.

Mohamed Nait Youssef

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