La vision inédite de l’OCP Policy Center

Le chômage des diplômés, et des jeunes en général, fait peser des incertitudes économiques sur le pays dans les dix prochaines années. Le dernier rapport de l’OCP Policy Center publié en février 2018, autrement dit il y a quelques jours, dresse un constat amer et sans appel sur la situation, tout en livrant une gille de lecture inédite et des pistes de solutions. Explications.

«Le Maroc est dans une situation favorable de transition démographique». Ce mantra, la Banque mondiale l’a abondamment répété en 2017 lors de ses rencontres avec différents institutionnels et la presse. L’institution internationale avait, durant le mois de mai 2017, dévoilé son Mémorandum économique pays concernant le Maroc en y exposant «les conditions de l’émergence du Maroc à l’horizon 2040». L’une des recommandations de la Banque mondiale concernait la nécessité d’investir dans le capital humain, tout en relevant la faible participation des jeunes et des femmes au marché du travail. Moins d’une année plus tard, c’est l’OCP Policy Center qui remet la question de l’emploi, notamment celui des jeunes, au centre de l’attention. Le think tank marocain engagé dans l’analyse des politiques publiques vient de publier un document de plus de 450 pages intitulé «Les enjeux du marché du travail au Maroc» consacré à la problématique du chômage au Maroc. L’organisme revient sur «la transition démographique» que vit le Maroc et rappelle : «L’emploi des jeunes constitue une préoccupation majeure. L’échec de l’insertion des jeunes dans le processus de production est préjudiciable pour un pays qui se trouve en phase de rattrapage et de convergence économique.[…]L’emploi reste le déterminant le plus important dans la réduction de la pauvreté et le renforcement de la cohésion et la stabilité sociales».

Situation peu reluisante

Car, malgré les relatives bonnes performances réalisées par l’économie marocaine lors des vingt dernières années, et plus activement la dernière décennie, ces bons points pris sur la scène économique internationale peinent à se diffuser dans toutes les couches socio-économiques. Pire, la jeunesse marocaine est aujourd’hui, et paradoxalement, confrontée au chômage, au sous-emploi et à une certaine précarité.La publication de l’OCP Policy Center relève en effet que les jeunes sont parmi les populations les plus exposées au chômage. «Avec 20%, le taux de chômage parmi les 15-24 ans est deux fois plus élevé que le niveau national. Il est de 25% parmi les jeunes diplômés de niveau moyen et de 60% parmi les diplômés de niveau supérieur», indiquent les auteurs de la publication.

Cette situation contraste avec la forte progression qu’a connue l’offre de travail sur la dernière décennie. En effet, les efforts d’investissement et le développement des différents métiers mondiaux du Maroc lui ont permis d’attirer de grandes entreprises mondiales (Renault, Peugeot, Bombardier, etc.) contribuant ainsi à renforcer l’offre d’emploi. Malgré ses atouts et ses avancées, «le marché du travail reste cependant caractérisé par une baisse tendancielle des taux d’activité et d’emploi, une disparité de la répartition spatiale et sectorielle de ce dernier ainsi que la précarité qui en caractérise une large partie», précise l’étude. La population en âge d’activité est, quant à elle, passée de 20 millions en 1999 à 25 millions en 2015. Raison ?La transformation faible de la structure économique ainsi que sa faible productivité n’ont pas permis au pays de profiter des investissements faits lors de la dernière décennie dans la formation et la qualification de la main d’œuvre nationale, explique-t-on. De ce fait, de nombreuses offres d’emploi sur le marché restent sans preneur, par manque de qualification.

Néanmoins, l’étude note sur la période 1999 – 2014, une baisse du taux de chômage, passant de 14% à 9,7%. Mais malgré cette amélioration significative, la baisse du taux de chômage durant cette période ne s’est traduite par un taux d’emploi plus élevé. L’année 2017 aura finalement été l’année qui caractérise le mieux la problématique. Le taux de chômage qui stagnait depuis 2014 à moins de 10% est reparti à la hausse et a franchi, à fin 2017, la barre des 10%, s’établissant exactement à 10,2%. Dans le monde urbain, il s’est accru à 14,7% pendant que ce taux est resté stable dans le monde rural, à 4%.

Des idées…

Si le tableau n’est pas fameux, l’espoir est toujours permis. Les contributeurs à l’étude note qu’un aspect de l’analyse du chômage a souvent ou toujours été négligé. «Il s’agit de la dynamique du chômage et les possibles états d’accueils autres que l’emploi comme l’inactivité et le stage», détaille la publication.D’ailleurs, les rédacteurs du document proposent quelques « solutions plausibles » pour résorber le chômage, et surtout le chômage des jeunes. Pour eux, il s’agit de mettre en place des politiques susceptibles de renforcer la croissance économique, priorité stratégique, en améliorant l’environnement macro-économique afin de permettre la promotion d’une croissance inclusive et créatrice d’emploi. Une autre approche de solution consiste en un soutien financier des jeunes et des entreprises, sans oublier les subventions salariales et les réductions de taxes afin d’inciter les entreprises à recruter des jeunes en dépit de leur manque d’expérience. Les auteurs suggèrent également « la mise en place de politique actives du marché du travail : formation, développement de carrière, incitation à l’entrepreneuriat ». Le Maroc compte déjà des programmes tels que «Idmaj», «Taehil» et «Moukawalati» auxquels devront s’adjoindre «Moubadara», «Taater» et «Tahfiz». Leur renforcement ou recalibrage pour un impact plus fort devient une nécessité.

Soumayya Douieb

Jeune chômeur : quèsaco?

Le chômage des jeunes occupe une place centrale dans les débats autour du développement économique et social. En effet, tout projet potentiel et toute vision de l’avenir doit intégrer les jeunes comme étant une variante fondamentale des formes du capital, mais aussi une catégorie de la population dont la satisfaction devrait être une étape cruciale pour l’amélioration du bien-être et le passage vers un niveau de développement plus avancé à long terme.

Aussi, est-il est difficile de définir la jeunesse de façon objective. Selon la définition de l’Organisation des Nations Unies (ONU), les jeunes constituent la tranche d’âge comprise entre 15 et 24 ans. Cette définition adoptée par de nombreux centres et organisations internationales rend possible l’harmonisation des indicateurs économiques, d’éducation, de formation ou de santé. En 2014, les jeunes de 15 à 24 ans représentaient près du cinquième de la population totale du Maroc (près de 6,3 millions) et le sixième de la population en âge de travailler (15 à 64 ans). En 2016, les proportions sont restées similaires.

Quant au chômeur, une personne est généralement considérée comme chômeur lorsqu’elle n’a pas eu d’emploi pour une période de temps spécifique mais voudrait en avoir un. Par conséquent, une personne n’est considérée comme chômeur que si elle cherche activement du travail. Au Maroc, le chômeur est toute personne âgée de 15 ans et plus, qui n’a pas une activité professionnelle et qui est à la recherche d’un emploi. D’après cette définition, les jeunes qui ne cherchent pas activement de travail, et qui ne poursuivent ni éducation ni formation professionnelle, ne sont pas considérés comme des chômeurs.

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