Abdallah Mdarhri Alaoui, de la critique littéraire à la création romanesque

Par  Noureddine Mhakkak

Le Laboratoire DILILARTICE (Didactique, Littérature, Langage, arts et TICE) de l’Université Ibn Tofail de Kénitra, sous la Direction du Professeur Sanae Ghouati,et la CCLMC (Coordination des chercheurs sur les Littératures Maghrébines et Comparées) sous la direction du Professeur Khalid Rizk, ont  organisé une rencontre importante  autour de l’universitaire (Mohamed V- Rabat), critique, littéraire de renommée et romancier, depuis quelque temps, l’éminent chercheur et Président d’honneur de la CCLMC dont il est le fondateur,  MonsieurAbdallah Mdarhri Alaoui.

La rencontre a été présidée et modérée avec une grande élégance et une grande connaissance de la production de l’invité, par le professeur Dr. Sanae Ghouati.

Mme Dr Sanae Ghouati a d’abord présenté l’invité au public en parlant de son riche parcours académique et culturel et en mettant en relief ses écrits bien connus dans le milieu académique, surtout dans le domaine de la critique littéraire maghrébine et francophone et depuis quelque temps, comme romancier. Après cette présentation de haut niveau, elle a cédé la parole à un grand écrivain marocain, poète et romancier, qui, malgré son état de santé, a tenu à faire un papier sur le roman de M. Alaoui, intitulé Une enfance métissée, (Ed. Bouregrag, 2017). Il a souligné les qualités littéraires du roman, la langue très poétique de l’écriture et les techniques narratives qui lui permettent de faire parler un enfant avec sa voix et son regard du monde d’enfant et pas celle de l’adulte comme on le trouve chez d’autres écrivains qui se sont servis de la voix de l’enfant pour faire passer des messages. M. Mohamed Loakira aexprimé sa grande appréciation de ce roman en le qualifiant de «genre de texte qui gagne l’adhésion totale dès les premières pages. Il se lit d’une seule traite tellement il est riche, précis et ouvert sur la quête de soi à seule fin d’assimiler l’altérité de rencontrer l’autre. […] un livre à lire sans modération».

Puis, le Professeur Naima Meddour, de l’Université Ben Msik- Casablanca, a pris également la parole en faisant une lecture fort intéressante où elle parle de ces deux mondes, celui d’Adam, ce petit enfant arraché à sa Médina et à son milieu culturel et plongé dans un quartier moderne de Fès « La Fiat » au sous-sol d’un immeuble habité par les Nssara et où son père occupe la fonction de concierge. Habitant dans le sous-sol de l’immeuble, il peut observer ces êtres différents et étranges par une toute petite fenêtre d’où passe la seule lumière qui éclaire une partie de la pièce où habite la famille. Ce qui est intéressant chez ce petit garçon, c’est sa curiosité de savoir comment vivent ces gens, le métier de son père va lui permettre d’entrer chez certains des habitants de l’immeuble qui lui feront découvrir le chocolat, par exemples.

L’enfant du bas, observe ces gens d’en haut de manière furtive parfois, mais sans violence et sans aucune haine, il espère pouvoir fréquenter ce monde sans pour autant mépriser ou détester le sien grâce à la demoiselle du balcon qui le fascine. Le Professeur Lucy Stone MC Neece, professeur de l’Université du Connecticut- USA a lu dans le roman en le comparant à d’autres romans marocains où le personnage principal est un enfant et elle a fort apprécié cette autonomie réussie de la voix narrative de l’enfant qui ne se confond nullement avec cette de l’adulte. Elle a été prise par les émotions vives à la lecture de ce roman qui l’a beaucoup touchée.  Ensuite elle a mis le doigt sur la beauté de certaines images métaphoriques qui ont marqué son esprit à travers la lecture de ce roman comme la volonté de l’enfant Adam, de voler comme les oiseaux en cherchant sa propre liberté d’une part et en rencontrant d’autres gens dans d’autres lieux d’autre part.

Après c’est M. Khalid Rizk, membre de DILILARTICE et Président de la CCLMC (La Coordination des chercheurs sur les Littératures Maghrébines et Comparées) qui a pris la parole pour présenter la structure de ce roman composé de 7 mouvements qui correspondent aux différentes étapes de la vie des personnages.Il a insisté sur l’importance du champ culturel qui règne dans ce roman et la manière dont l’écriture romanesque est rythmée travaillée de l’intérieur.

A la fin le professeur Sanae Ghouati, quant à elle a présenté l’ouvrage critique Aspects du roman marocain- 1950-2003. Elle a expliqué les raisons du choix de cette période, car le roman est un produit colonial qui s’est introduit par effraction dans la tradition littéraire marocaine qui l’ignorait jusque-là. Certes, il y a eu avant cela un récit de Abdelkader Chatt intitulé Mosaïques terniesécrit en 1932 et Chaplet d’ambre d’Ahmed Sefroui écrit en 1949, mais ces écrits n’entrent pas dans le corpus romanesque qui constitue l’objet d’étude du livre. Le professeur Ghouati a présenté le découpage de la littérature marocaine de cette période choisie et que M. Mdarhri résume en 5 périodes :- De 1950 à 1961 : Impact colonial et dénonciation de la colonisation puis silence après l’indépendance du Maroc en 1957/ – 1960-1975 : Emprise de l’idéologie avec une remise en question, de plus en plus virulente du pouvoir politique et perception de la notion de l’intellectuel./ – 1975- 1990- L’écrivain se tourne vers son expérience individuelle (autobiographies fictionnelles ou non fictionnelles ou celle des personnages dont il relate la vie). Cette expérience personnelle est essentiellement ancrée dans l’espace et le temps de la culture nationale. /1990- 2000- Période riche en événements sociopolitiques sur le plan national et international avec une plus grande ouverture, sur le plan littéraire, sur l’autre, l’étranger (Khatibi, Chraibi…). On remarque aussi la présence de personnages étrangers dans la littérature marocaine et d’écrivains étranger qui écrivent sur le Maroc (Claude Ollier et Daniel Rondeau), les littératures émergentes (Féminine, carcérale, Beure, de la clandestinité, de l’homosexualité…).

Somme toute, cette rencontre nous a plongés dans un univers culturelfort riche et instructif de l’un des grands écrivains et chercheurs académiques marocains qui ont profondément marqué l’évolution de la littérature maghrébine et francophone en général et marocaine en particulier. Bien qu’il soit à la retraite en ce moment, il continue à encourager les chercheurs et il ne cesse de participer à toutes les rencontres et manifestations littéraires et culturelles au Maroc et à l’extérieur du Maroc. À Kénitra, il a impressionné le public des chercheurs constitué des étudiants de Licence et de master, des doctorants et d’écrivains et chercheurs, anciens étudiants et amis, venus de Casablanca, Fès, Meknès et Rabat pour rendre hommage à cet éminent professeur.

Après ces enrichissantes lectures des uns et des autres, la présidente de cette séance, Mme Sanae Ghouati, a donné la parole au public pour échanger avec l’invité. Ces questions, posées par les étudiants, étaient si riches par leur diversité, ce qui a donné l’occasion à M. Abdallah Mdarhri Alaouide développer certains points liés à sa pratique créative et à son travail de chercheur et critique littéraire.

C’était unerencontre littéraire importante qui va rester marquée dans les annales de l’Université Ibn Tofail, mais surtout dans les esprits de tout ce public qui a pu bénéficier de cette richesse.

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