Mohamed Brahmi, le Cheikh qui veut moderniser la danse Reggada

«Je suis un vendeur de bonheur. Je fais de mon mieux pour répandre la joie au sein des familles», déclare-t-il.  A seulement 25 ans, Mohamed Brahmi, originaire de la Commune rurale de Guenfouda, a déjà pu se faire une réputation notoire au niveau de toute la région. Ce jeune, au visage enfantin, arborant un sourire permanent, a su conquérir les cœurs des fans de l’art de la danse de Reggada et Laâlaoui.

Sa maitrise des savoirs sociaux et son sens de la communication lui ont permis d’avoir le titre de Cheikh, en présidant aux destinées d’une troupe de danse composée de huit membres.  Par ses œuvres chorégraphiques inspirées de Reggada ou de Lâalaoui, sa troupe électrise les foules en provoquant chez eux une envie irrésistible de danse.

Avec leurs turbans de couleurs blanches et leurs tuniques traditionnelles, ils veillent à composer de jolis tableaux de chorégraphies ponctués par des mouvements d’épaules parfaitement cadencés et accompagnés par la musique de la flûte traditionnelle et des répercussions de Bendir.

Aujourd’hui, sa troupe est convoitée de toutes parts.  Durant les soirées d’été et lors des cérémonies de mariages, les réservations des familles fusent de partout, si bien qu’elle se retrouve débordée et ne peut satisfaire toutes les demandes. «Je me suis initié à cet art à l’âge de 5 ans. Je m’efforçais à imiter mes oncles surtout lors des fêtes familiales.  Parfois, ma manière de danser déclenchait de grands éclats de rire mais aussi suscitait de l’estime », déclare-t-il au Journal Al Bayane.

Une fois le certificat d’études primaires en poche, Mohamed est contraint de quitter le foyer familial pour aller vivre à Oujda. Il décide alors d’intégrer le collège de l’Oasis situé à Sidi Yahya afin de bénéficier des services de l’internat. Pendant les week-ends, le jeune collégien préfère rester à l’école pour participer aux activités parallèles ou assister à des cours de théâtre dans la maison des jeunes. «J’excellais dans les rôles comiques, puisque j’ai le sens de l’humour. C’est ma propre façon de faire face aux aléas de la vie», raconte-t-il. Une fois de retour en famille, lors des vacances scolaires, Mohamed animait les soirées familiales avec ses cousins paternels.

Après avoir obtenu le brevet, il décide de poursuivre des études en lettres modernes, tout en continuant à animer les fêtes pendant son temps libre. De quoi gagner de l’argent et arrondir la fin du mois, confie-t-il. Mais son échec aux examens du baccalauréat provoquera la fureur de son père, qui l’oblige à rompre catégoriquement avec la danse. Il prendra ainsi ses distances pour un temps et changera même de lycée. «Mon père ne voulait plus que je continue sur ce chemin. Pour lui, les études priment sur toute autre considération quelle qu’elle soit», note-il en substance.

«Je me suis donc inscrit au Lycée de Charif Al Idrissi situé au quartier Oued Nachef pour me consacrer entièrement à mes études». Il finit par réussir avec brio aux examens du bac et s’inscrit par la suite à l’Université, optant pour la littérature arabe. «J’avais un penchant pour la poésie arabe classique.  Je me suis mis à dévorer tous les recueils de poésie élégiaque, car ils relatent les histoires d’amour, l’absence d’un être aimé…Bref, il s’agit de chefs-œuvre qui comblent le vide intérieur et nous font voyager dans un autre monde», déclare-t-il.

Pour parvenir à financer ses études, l’enfant de la Commune de Guenfouda sera obligé de reprendre ses vieilles habitudes sans mettre au courant ses parents. En commun accord avec ses cousins, il crée la troupe «Oulad Brahma», baptisée du nom de la famille.  «Mon idée était de créer une troupe bien organisée et plus professionnelle qui colle à l’ère du temps», indique-t-il. «Lors des manifestations musicales, j’ai insisté pour que les membres de la troupe portent des tuniques, à la fois belles et identiques, qui incarnent la vitalité de nos traditions. D’ailleurs, l’esthétique est d’une importance cruciale dans la création artistique», explique-t-il.

Exporter le folklore marocain

Mohamed se rappelle encore du montant que sa troupe a reçu pour la première fois de sa carrière artistique. «C’était seulement 1500 DH pour 8 personnes. En dépit de notre insatisfaction, nous étions hyper contents pour ce début».  En 2011, la troupe Ouled Brahma prend part au festival «Oujda Africa»; elle se produit  sur la place Ziri Ibn Attia, avec le célèbre chanteur du Raï, Cheb Kader.

Au fil des jours, l’aura de la troupe prend de l’ampleur. Les danseurs prennent à plusieurs manifestations régionales et nationales, notamment le festival de Raï ou celui de Houara des arts populaires. Son passage à l’émission télévisée «Taghrida» en compagnie du chanteur du Raï Cheb Douzi boostera davantage sa notoriété.  En 2014, la troupe « Ouled Brahma » est invitée à participer au mariage de SAR le Prince Moulay Rachid. «Nous étions aux anges.  C’était le plus beau moment de notre carrière, car cette invitation nous a ô combien honorés et nous a inspirés plus de confiance», souligne-t-il.

Par ses œuvres artistiques, la troupe de «Ouled Brahama» cartonne aujourd’hui lors de tous ses passages, en veillant à produire des danses de Laâlaoui et de Reggada au tempo plus vif et très rapide. Pourtant, l’ambition du meneur de la troupe ne semble pas s’arrêter là. Mohammed envisage de moderniser davantage cet art et rêve même de l’exporter à l’échelle internationale.

Khalid Darfaf

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