Benabdallah: «mettre l’élément humain au centre du projet de développement»

La vision du PPS sur le modèle de développement présenté au colloque de l’AMIF

Présentant les grandes lignes de la vision du Parti du progrès et du socialisme du nouveau modèle de développement du Maroc en l’étape actuelle, vision qui sera enrichie à travers la contribution d’invités, d’experts et de spécialistes, le Secrétaire général du PPS Mohamed Nabil Benabdallah a souligné que le portage politique est déterminant dans le succès de l’œuvre d’élaboration et d’opérationnalisation. Il a précisé que cette réussite requiert un édifice démocratique avancé dans tous les domaines, comme stipulé dans la Constitution de 2011.

On a besoin d’un portage politique et démocratique fort et d’un espace politique sans nuages, assaini et reposant sur des partis politiques crédibles qui inspirent la confiance des citoyens et qui diffusent un discours politique constructif tourné vers l’avenir et visant à réconcilier les citoyens avec les politiques à tous les niveaux, a-t-il martelé.

Le Secrétaire général a détaillé cette vision lors de sa contribution, présentée dans le cadre du panel consacré, samedi à Skhirat, aux partis politiques, au 2ème colloque international, organisé sous le haut patronage de SM le Roi, par le ministère de l’économie et des finances et l’Association des membres de l’inspection générale des finances (AMIF) sous le thème : «la reconsidération du modèle de développement à la lumière des évolutions que connait le Maroc».

Il a, notamment, affirmé que le PPS est disposé à participer à cette œuvre nationale collective, à la laquelle Sa Majesté le Roi Mohammed VI a appelé dans Ses discours (discours d’ouverture de l’actuelle session parlementaire et de la session parlementaire de 2017, discours du Trône de cette année) visant à parvenir à une vision complémentaire qui fait le consensus de tous les acteurs et qui permettra au Maroc de relever les défis du développement.

Il a également précisé que la contribution du PPS, qui vient d’organiser son Université annuelle sur la même thématique, s’inscrit dans le cadre de cet effort collectif auquel Sa Majesté le Roi a appelé pour rechercher un modèle de développement productif, efficace, démocratique et inclusif ayant pour objectifs d’assurer la justice sociale et spatiale et la répartition équitable des richesses produites entre les différentes couches de notre peuple et en particulier les couches moyennes et déshéritées et entre les différentes régions et provinces du pays.

Le Souverain a fixé, a rappelé le dirigeant du PPS, un délai de trois mois pour compiler les contributions, les idées et les propositions des forces vives et acteurs institutionnels sur le sujet.

Les bienfaits du modele actuel

Dans un premier chapitre, le SG du PPS a indiqué que toutes les forces vives du pays sont désormais conscientes que le modèle de développement en vigueur s’est essoufflé, notant toutefois qu’il serait injuste de ne pas reconnaitre que c’est ce même modèle (de croissance ou de développement) qui a permis de développer l’édifice démocratique du pays, de renforcer les capacités économiques et productives nationales, d’élever le niveau de vie général de la population et d’ouvrir le Maroc aux niveaux civilisationnel et culturel sur l’espace universel dans son sens moderniste et ses valeurs avancées et ce au cours des deux dernières décennies depuis l’accession de Sa Majesté le Roi Mohammed VI au Trône.

C’est ce qui se manifeste d’ailleurs au niveau des acquis démocratiques, des droits de l’homme et de l’égalité, jusqu’à l’adoption de la Constitution de 2011 en passant par le processus de l’équité et de la réconciliation, le code de la famille, les lois d’appui aux droits de l’homme et libertés, le soutien des partis politiques, a-t-il ajouté.

Ce qui s’est traduit au plan économique par l’adoption d’un modèle de développement volontariste avec un souffle keynésien fondé sur la construction d’importantes infrastructures de routes, ports, aéroports, sites industriels, communications modernes, progrès numériques. Ce modèle se fonde aussi sur des stratégies de développement dans différents secteurs économiques, industriel, agricole, sphère des services, touristique, etc. Ce qui a permis au Maroc de maîtriser de nouveau ses équilibres économiques et d’assurer des taux de croissance relativement élevés ayant atteint au cours et à la fin de la dernière décennie 5%. Ce qui lui a permis aussi de développer les capacités et le rendement de la production nationale et de mettre en place un tissu économique productif, plus solide qu’avant, qui repose sur un réseau de grandes entreprises publiques et privées appelées « championnes » par d’aucuns ainsi que sur de petites et moyennes entreprises privées avec une amélioration relative du climat des affaires.

Le Maroc s’est penché aussi de manière sérieuse sur la lutte contre les disparités sociales et spatiales ainsi que sur la réalisation d’une plus grande justice sociale, qui préserve la dignité de l’homme et élève les indices du développement humain à travers la généralisation de l’enseignement, l’entame de la généralisation de la couverture sanitaire et sociale, l’adoption de l’Initiative nationale pour le développement humain, le renforcement des capacités des systèmes d’enseignement, de santé et d’habitat, etc. sans oublier d’autres mesures sociales d’appui aux capacités des couches moyennes et déshéritées, a-t-il noté.

Aux niveaux civilisationnel, culturel et des valeurs, il a fait état notamment de la reconnaissance de l’Amazigh comme langue et culture, de l’adoption d’une approche d’encadrement du champ religieux dans le sens de davantage de modération et d’ouverture et de l’adhésion du Maroc à divers accords internationaux ayant une dimension moderniste et universelle.

En dépit de tous ces efforts, le Maroc, a-t-il dit, n’a pas bougé de sa place en matière notamment de mise en œuvre du contenu de la Constitution de 2011 et de la construction démocratique en général ainsi qu’au niveau de sa capacité de développer l’outil de la production économique, la solidité du tissu de cette dernière avec des taux de croissance annuelle modestes d’une moyenne de 3% dans le meilleur des cas au cours des dernières années. Ces taux dépendent toujours des facteurs climatiques et du recul du développement non agricole. Aussi, malgré tous les efforts déployés dans le domaine de l’investissement et d’industrialisation, les indicateurs se rapportant au chômage n’ont connu aucune amélioration, a-t-il ajouté. Quant aux stratégies sectorielles de développement, elles souffrent de la modestie de leur performance et de la faiblesse de leur gouvernance et de leur convergence, a-t-il affirmé.

L’on est confronté par ailleurs à des phénomènes de prévarication liés à la faiblesse de la productivité et de la compétitivité, à l’économie de rente, à l’économie informelle, à une administration non performante, à une gestion territoriale malsaine et à un climat des affaires qui reste marqué, malgré tous les efforts déployés, par l’absence de la transparence et la concurrence déloyale, la corruption, le manque d’assurance qu’inspire notre système judicaire … ainsi que par d’autres insuffisances au niveau social qui ne permettent pas l’inclusion de larges couches de la société dans le processus de production et de revenu dans le cadre d’une plus grande justice sociale et une meilleure répartition des richesses produites.

Des rapports nationaux et internationaux confirment cette tendance, a-t-il dit, ajoutant que différents milieux de la société, femmes et hommes d’affaires, couches démunies en passant par les classes moyennes, expriment de différentes manières cette inquiétude, devant les déficits et les aspects négatifs que connait le Maroc. Ce qui est dû aussi à la faiblesse du discours politique encadrant et capable d’ouvrir les perspectives de l’espoir et de l’action et au manque de visibilité et de clarté qui règne sur les perspectives de développement, pour ne pas dire leur fermeture.

Les propositions PPS

Exposant les grandes lignes du modèle de développement proposé par le PPS, le SG du parti a indiqué que tout modèle de développement doit reposer sur une vision globale tenant compte notamment des développements et des changements que connaît le monde sous l’effet de la révolution numérique, de la montée du protectionnisme et du populisme et des changements climatiques.

Il doit tenir compte aussi de la position actuelle et future de notre pays dans son environnement régional et ses interactions avec ses voisins.

Selon le SG du PPS, l’on doit procéder dans ce cadre à l’évaluation de l’impact de tous ces facteurs sur l’économie nationale, en particulier en ce qui concerne les accords de libre échange qui soulèvent désormais de nombreuses interrogations quant à leurs conséquences négatives sur les capacités compétitives de l’économie nationale et de l’entreprise marocaine.

 Il a soulevé, dans ce cadre, quelques questions :

 –  Quelle est la position que l’on recherche pour le Maroc sur le plan international?

  – Comment peut-il s’adapter à la nouvelle réalité ?

  – Quelle est sa capacité d’être un acteur influent dans cette réalité pour ne pas rester un simple consommateur de ses manifestations ?

Outre ces questions, il est nécessaire de tenir compte, a-t-il dit, de la situation du Maroc et des charges supplémentaires qu’il supporte dans le cadre de la gestion de certains problèmes épineux tels la migration, la sécurité et le terrorisme.

Il importe aussi dans ce cadre de maitriser la capacité du Maroc d’intégration dans l’économie mondiale et de gestion des accords de libre échange de manière qui soit au service du processus de développement national, préserve ses intérêts nationaux et lui permette de tirer profit des développements scientifiques et technologiques rapides et de la révolution numérique pour brûler diverses étapes de croissance pour accéder au rang des pays émergents et ensuite des pays développés.

Pour ce faire, le PPS a produit, lors de son dixième congrès national, un document aux dimensions intellectuelle, politique, économique et sociale complémentaires, contenant la vision du parti relative au modèle de développement escompté, partant de sa conviction que l’approche du modèle de développement requiert une vision globale.

Par la suite, le SG du PPS a exposé les cinq finalités du modèle proposé par le PPS.

L’homme doit être au centre de l’œuvre de développement

Le PPS ne partage pas l’approche, selon laquelle les mécanismes du marché sont capables à eux seuls et de manière spontanée de réaliser l’équilibre social, en donnant la priorité à la production de la richesse sur sa distribution. Les deux opérations sont simultanées comme le montre la situation dans notre pays et dans d’autres pays à travers le monde.

La performance économique n’est pas la négation de la justice sociale. Mieux encore, les sociétés qui procèdent à une répartition équitable de la  richesse enregistrent de hauts taux de croissance et font preuve d’une résilience solide face aux crises.

Il a souligné dans ce cadre que l’investissement dans l’économie du savoir, l’éducation, la formation et la lutte contre l’ignorance et l’analphabétisme, l’amélioration des capacités du système d’enseignement national, surtout public en s’appuyant sur l’école publique gratuite avec des fondements de l’excellence, de la qualité et le développement de la recherche scientifique et technologique, constituent le pilier principal de cette première composante.

Quant au deuxième pilier, il vise à garantir aux citoyens une meilleure santé à travers la généralisation et une amélioration de la gestion du RAMED en plus de l’amélioration des services de santé.

La création d’opportunités d’emploi et la lutte contre le chômage constituent un autre élément important pour garantir à l’ensemble des citoyens un revenu stable et préserver leur dignité.

Il importe enfin de lutter contre les disparités sociales et spatiales et de promouvoir les zones enclavées et montagneuses pour renforcer la cohésion sociale et consolider le sentiment d’appartenance et d’appropriation par tous les citoyens du modèle de développement proposé.

Croissance économique rapide et continue

Il n’y a pas de modèle de développement prêt que le Maroc peut transposer avec succès à notre réalité. La production du modèle recherché est tributaire de notre capacité de son élaboration conformément à notre réalité et aux spécificités de notre pays. C’est ainsi que l’on croit au PPS que notre économie doit reposer, jusqu’à ce que d’autres conditions murissent, sur un rôle d’encadrement et d’orientation principal de l’Etat dans un cadre de complémentarité et de partenariat avec le secteur privé dans le cadre d’une planification stratégique qui montre de manière non  figée et adaptable les perspectives et les objectifs de développement, le rôle des différents acteurs et les délais de réalisation pour maîtriser un élément quasi absent dans la réalité marocaine qu’est le temps.

Dans le cadre de cette action, il importe d’assurer les exigences de l’Etat de Droit dans le domaine économique à travers l’adoption des conditions de la transparence, la concurrence loyale et l’élimination des manifestations de la monopolisation illicite et de l’économie rentière, a-t-il indiqué.

L’on est persuadé au PPS que cela requiert d’aller de l’avant en matière d’industrialisation avec une plus haute capacité de création d’une plus grande valeur ajoutée tout en s’appuyant sur les technologies de pointe et ce sur la base de l’appui équilibrée sur la consommation nationale, la satisfaction des besoins du marché intérieur d’un côté et le développement de nos capacités d’exportation de l’autre.

Pour y parvenir, il est nécessaire de créer les conditions appropriées d’encouragement de l’entreprise nationale et de la production nationale, ce qui est complémentaire aux stratégies sectorielles de développement, à condition toutefois de veiller sur la préservation de leur complémentarité et de leur convergence.

L’on estime aussi nécessaire d’avoir à l’esprit la dimension écologique dans la production nationale et de s’appuyer de plus en plus sur les opportunités qu’offre l’économie verte et de continuer de manière volontariste de s’appuyer sur les énergies renouvelables, de préserver les richesses de notre pays et de garantir les droits et l’avenir des générations futures.

Dans le même ordre d’idées, il importe d’explorer toutes les énergies et les possibilités qu’offre l’économie sociale et solidaire pour associer le plus grand nombre possible de citoyens à l’œuvre de production.

Dans ce cadre, l’approche fiscale devant accompagner cette orientation doit reposer sur la performance et la justice ainsi que sur l’allégement du poids fiscal sur les petites et moyennes entreprises, l’élargissement de l’assiette fiscale et l’élimination progressive de l’économie informelle tout en s’appuyant sur le principe de la solidarité.

C’est dans ce même sens que s’inscrit l’idée d’union de l’Etat, des entreprises et des syndicats, à travers un dialogue productif et constructif autour d’un pacte social qui préserve les droits et les devoirs de toutes les parties dans l’œuvre de production et de développement, a-t-il encore dit.

Amélioration de la gouvernance et création d’un climat approprié

Selon Benabdallah, il sera difficile au Maroc de maîtriser son modèle de développement s’il n’est pas en mesure d’améliorer le régime de sa gouvernance et d’assurer un climat propice au travail, aux affaires et à la gestion idéale et ce à travers davantage d’amélioration du climat des affaires, l’élimination des phénomènes de prévarication et de corruption, et la création des conditions propices à l’investissement national et étranger. Ce qui requiert de maitriser la rapidité de décision, sa performance et la transparence de ses procédures à travers une réforme administrative véritable qui repose sur la mise en œuvre audacieuse du principe de décentralisation et de déconcentration pour créer les conditions d’une gestion territoriale performante des politiques publiques et des orientations publiques programmées en allant de l’avant dans la mise en œuvre de la régionalisation de manière conforme au contenu de la Constitution de 2011.

La dimension liée aux valeurs, à la culture et à la société

Comme l’avait souligné feu Aziz Belal, il ne peut y avoir de modèle de développement sans tenir compte des facteurs non économiques de développement, a rappelé le SG du parti du Livre.

De tels facteurs reposent dans le cas du Maroc sur sa capacité d’entrer dans la modernité et le savoir en s’appuyant sur le recours à la réflexion et l’analyse scientifique de la réalité et l’appréhension du nouveau, ce qui ne va pas à l’encontre de la valorisation et de la préservation de notre patrimoine national.

Pour ce faire, il importe de poursuivre et de développer davantage l’ouverture sur la culture universelle tout en œuvrant pour en tirer profit pour l’ensemble du peuple afin de développer les capacités et les qualifications à travers la généralisation de l’accès à la culture et à ses espaces comme moyen fondamental de soutenir la stabilité du pays et son développement par le biais du partage des valeurs communes et, par conséquent, le renforcement de la cohésion sociale. Ce qui ne contredit pas la nécessité de préserver la diversité culturelle et d’assurer la bonne gestion de la question amazighe dans le cadre de l’unité d’appartenance, a-t-il expliqué.

Le rôle des intellectuels et hommes de culture est primordial à tous les niveaux, sachant que la culture doit être perçue non pas comme un fardeau social, mais comme un espace qui offre à son tour des opportunités d’investissement, d’emploi et de revenu.

Dans le 5ème et dernier point exposé, le SG du PPS a souligné que le succès de tout modèle de développement repose en dernier ressort sur la qualité du portage dont il bénéficie, insistant sur la mise en œuvre des dispositions de la Constitution de 2011 en ce qui concerne notamment le renforcement du rôle des acteurs politiques, la valorisation des missions des institutions élues, la réalisation de l’équilibre des pouvoirs et le renforcement de toutes ces institutions pour mener à sa fin le modèle de développement mis en place.

Il importe aussi dans ce cadre d’assurer le respect des libertés individuelles et collectives et de promouvoir le principe de l’égalité entre les citoyens et les espaces, l’égalité homme-femme, l’égalité des chances et de qualifications, l’égalité d’accès aux services et de rétablir par voie de conséquence la confiance des citoyens dans leur pays, leur patrie et l’Etat.

C’est la voie indiquée pour rétablir la confiance dans les différents milieux de la société, de rassurer les esprits et de diffuser un discours de l’espoir et d’aspiration à un avenir meilleur partout dans le pays, a-t-il souligné.

  En termes plus claires, un modèle de développement nouveau nécessite sans doute de l’expertise, de la connaissance, des qualifications et des capacités techniques et des ressources humaines qualifiées comme c’est le cas dans tous les pays développés.

Un tel modèle requiert aussi pour sa réussite des acteurs politiques forts jouissant de la confiance des gens, de la crédibilité de leurs discours et de l’influence des leurs messages aux différents milieux de la société. Et c’est ici qu’intervient le rôle irremplaçable des partis politiques appelés à porter le modèle de développement escompté, lesquels doivent être capables de convaincre et de bien gérer le processus de changement et jouir de la crédibilité de leurs décisions. C’est pourquoi, il importe aujourd’hui de réhabiliter l’action politique dans sa fonction d’encadrement, de conduite et de réconciliation véritable entre le citoyen et l’acte politique, a-t-il dit, appelant de nouveau tous les acteurs politiques à assumer leur responsabilité dans la mise en œuvre de la Constitution de 2011 pour la création des conditions propices de réussite de l’œuvre d’élaboration, de finalisation et d’application du nouveau modèle de développement escompté.

M’barek Tafsi

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