Tolérance, dialogue et paix… à l’esplanade de la Mosquée Hassan

DNES à Rabat Danielle Engolo

34 ans après la dernière visite d’un pape au Maroc, Jean-Paul II, en 1985, la visite apostolique du pape François ce week-end au Maroc était fortement attendue. Marocains, étrangers; musulmans, chrétiens… ils étaient nombreux et ponctuels ce samedi 30 mars, dans les rues et artères de la capitale du royaume, malgré la pluie, pour accueillir SM le Roi Mohammed VI et le Saint-Père, par des youyous, des chants, des danses … alors que les deux autorités religieuses, musulmane et chrétienne, arpentaient les rues de la capitale pour saluer la foule et se dirigeaient vers l’esplanade de la mosquée Hassan.

Il est 12H ce samedi et les différentes artères de la ville de Rabat commencent déjà à bouillonner. Les forces de l’ordre investissent en grand nombre la ville. Le public s’installe progressivement derrière les barricades. L’esplanade de la mosquée Hassan où est prévue ce jour, une rencontre entre SM le Roi, le pape François et le peuple marocain, draine petit à petit des foules. A 2 heures de l’arrivée du Souverain pontife, Dame la pluie est elle aussi au rendez-vous et marquera de son sceau cette 1ère journée de la visite papale. Tapis officiels mouillés couverts de plastique, parapluies aux couleurs vert, rouge, noir… c’est à un décor coloré voire atypique qu’on assiste. Pour s’abriter de la pluie sur l’esplanade de la mosquée Hassan, certains utilisent même leurs coussins de siège. Un aléa climatique peut-être, mais que d’aucuns considèrent plutôt comme une « baraka». «Nous attendions depuis la pluie et voilà qu’avec la venue du pape, le ciel s’est ouvert», commente une journaliste présente cet après-midi dans la salle de presse située à l’hôtel Tour Hassan.

Depuis la matinée déjà, la ville s’était parée des couleurs des drapeaux du Saint siège et du Maroc. L’euphorie et la curiosité animaient les discussions sur cette visite inédite et le christianisme, en particulier.L’occasion pour certains, à l’instar de ce chauffeur de taxi de s’informer davantage sur la venue du pape, auprès d’une cliente d’origine subsaharienne, visiblement chrétienne : «es-tu contente de la venue du pape ? Est-ce que c’est lui qui dirige tous les chrétiens ?», demanda-t-il.

Un éden de communion

A leur arrivée sur l’esplanade de la mosquée Hassan, le commandeur des croyants et le pape sont accueillis par des percussions, des acclamations. A l’occasion, le parvis de la mosquée prend des allures d’Eden de communion interreligieuse et culturelle. Des hommes et femmes musulman (e)s vêtu (e) s de djellabas, d’autres en tenus d’apparat, assis à côté d’étudiants subsahariens chrétiens… et tous enjoués au passage des deux autorités religieuses…scandent des slogans «Viva papa !», (Vive le Roi!).

Très heureux de cette visite, plusieurs étudiants subsahariens chrétiens arborant des casquettes de l’Agence marocaine de coopération internationale (AMCI) animent à leur manière la galerie, par des chants religieux, des danses, des cris. Au passage de la caméra, certains font des «signes de croix» (geste de prière à l’église catholique), pour témoigner de leur gratitude pour cette visite papale. Dans la salle de presse où se trouvent près de 400 journalistes venus de part et d’autres du monde entier pour couvrir cet évènement, un membre de l’équipe de communication annonce que ce sont 12000 personnes (Marocains, étrangers, chrétiens et musulmans) qui seront présents sur la grande place.

Sur ce lieu emblématique et à ciel ouvert, les deux autorités religieuses donnent un signal fort d’ouverture et de dialogue interreligieux au niveau international et transmettent des messages de paix et de tolérance. « Il est temps que la religion ne soit plus un alibi pour ces ignorants, pour cette ignorance, pour cette intolérance. Car la religion est lumière, savoir, sagesse. Elle est également synonyme de paix, préconisant de substituer des combats plus nobles et sereins, à la course aux armements et autres folies ». SM le Roi Mohammed VI.

«Il est essentiel, pour participer, à l’édification d’une société ouverte, plurielle et solidaire, de développer et d’assumer constamment et sans faiblesse la culture du dialogue comme chemin à parcourir».

Sur l’esplanade, le concert interculturel et religieux est davantage enrichi par le discours prononcé par le SM le Roi en quatre langues : anglais, français, arabe et espagnol et du pape, en italien et arabe. Une manière de briser les frontières linguistiques, culturelles et religieuses et véhiculer au-delà du Maroc les messages de communion, de tolérance et de vivre ensemble entre les différents peuples.

La visite du pape François au Maroc est la 6e dans un pays musulman depuis son élection à la tête de l’église catholique en 2013, après la Palestine, la Jordanie et la Turquie en 2014 et les Emirats arabes unis en février 2019. C’est sa 5e visite en Afrique, après le Kenya, l’Ouganda et la Centrafrique en 2015 et l’Egypte en 2017.

La communauté chrétienne au Maroc honorée

A l’occasion de la visite papale, la cathédrale Saint-Pierre de Rabat est habillée des drapeaux du Maroc et du Vatican. Le lieu emblématique de culte, qui abrite dimanche une rencontre entre le pape, les membres du diocèse et le Conseil, ainsi que les responsables religieux des autres églises au Maroc, a d’ailleurs été réfectionné pour la circonstance. En ce samedi après-midi, plusieurs paroissiens catholiques de différentes villes du Maroc, agrègent vers Rabat à bord de bus, pour l’ultime rencontre avec le pape dimanche au Complexe Moulay Abdallah. Eric, responsable de la chorale catholique de Casablanca, accompagné des choristes de sa paroisse, s’affairent, devant la gare de Rabat ville, à gérer le déplacement des membres de son équipe. A la veille de la célébration de la grande messe au Complexe Moulay Abdallah, il faut mettre tout au point en termes logistiques pour un bon déroulement de l’évènement et se préparer spirituellement à rencontrer le Saint Père. D’ailleurs, quelques mois avant la visite papale, un programme a été mis en place pour une préparation spirituelle des fidèles à cette rencontre placée sous le signe «Pape François, serviteur de l’espérance». Au-delà de l’église catholique, c’est la communauté chrétienne toute entière (protestante, catholique…) qui s’en trouve honorée, comme le témoigne à Al Bayane un jeune chrétien protestant. «La visite du Pape est une bonne initiative du Vatican. Elle permet aux chrétiens du Maroc de s’aimer davantage au-delà des différences. Elle renforce les liens d’amour et de fraternité», ajoute un autre jeune chrétien protestant.

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