La face cachée du Reflux

Dr Ilham Azghari*

Ce qu’on appelle médicalement le reflux gastro-oesophagien est le passage du contenu de l’estomac (liquide ou gaz) dans l’œsophage quand ce dernier est répétitif et /ou responsable de symptômes. En effet, d’une façon normale, chacun de nous a des épisodes de reflux sans que cela signifie pour autant une situation pathologique.

Comment se manifeste le reflux gastro-oesophagien (RGO) ?

Le reflux gastro-oesophagien intéresse un grand pourcentage de la population. Cependant, le reflux ne se manifeste pas toujours de la façon la plus classique et qui est la sensation d’une brulure qui remonte de l’estomac avec parfois des régurgitations. Dans certains cas, le reflux est dit atypique car il donne des symptômes indirects, comme une toux chronique qui se présente surtout la nuit, des pharyngites à répétition, une voix enrouée… Ce sont les conséquences de l’irritation acide sur la gorge ou le carrefour aéro-pharyngé en général. C’est parfois après de longs examens pneumologiques négatifs que l’on découvre un reflux à l’origine de problème d’ordre respiratoire.

Quelles sont les causes du RGO ?

La transition entre l’œsophage et l’estomac est normalement constituée de telle sorte à empêcher le retour du liquide dans le sens inverse. Il s’agit de moyens mécaniques et chimiques qui s’opposent au reflux. Dans le cas d’une hernie hiatale (déplacement d’une partie de l’estomac vers le haut) ou d’un ralentissement de la digestion par exemple, ces mécanismes sont défaillants. Certains facteurs ont aussi une part de responsabilité dans le RGO comme le tabagisme, le surpoids, l’alimentation acide ou épicée.

Comment confirme-t-on le RGO ?

Le seul fait de rapporter une brulure qui remonte de l’estomac suffit à faire porter le diagnostic. Par contre, lorsque ce symptôme est accompagné d’un amaigrissement, d’une anémie, ou d’une difficulté à s’alimenter, ou dans les cas les moins classiques, il faut absolument faire des examens complémentaires. La fibroscopie digestive haute est le premier examen que votre gastroentérologue vous demandera. C’est l’examen qui permet de voir s’il existe une hernie, une inflammation, un saignement. Même si la fibroscopie est normale, cela ne permet pas d’éliminer le RGO. Dans ce cas, il est utile de compléter par une pH-métrie.

Qu’est-ce que la pH-métrie ?

Il s’agit d’un examen qui consiste à introduire une sonde par le nez qui va traverser l’œsophage et la première partie de l’estomac. Elle est dotée de capteurs qui vont mesurer l’acidité et son rapport avec les symptômes, car le patient a un boitier à sa disposition sur lequel il appuie à chaque fois qu’il ressent la douleur. Il sera porté pour une durée de 24h, et va aboutir à un tracé à la fin qui permettra de porter ou non le diagnostic de RGO.

Est-ce grave ?

Le RGO est une pathologie tout à fait bénigne. Mais si elle dure longtemps sans traitement, elle peut donner des complications. A force d’irritation, l’œsophage peut s’enflammer, c’est ce qu’on appelle l’oesophagite. Cette dernière peut être de plus en plus sévère jusqu’à conduire à des saignements. D’autre part et ce qui est le plus grave, cette inflammation chronique peut transformer les cellules et faire le nid d’un cancer.

Comment peut-on le traiter ?

Le traitement commence d’abord par des mesures simples comme des mesures positionnelles (relever la tête du lit, éviter la position penchée après les repas…), l’arrêt du tabac, et la réduction du poids s’il est en surplus. Les médicaments visent à réduire l’acidité (anti sécrétoires), ils seront pris de façon continue ou à la demande en fonction de la répétitivité des symptômes.

Le traitement chirurgical existe, et il vise à « resserrer » la jonction entre œsophage et estomac pour éviter les remontées. On y a recours lorsque le traitement médical est insuffisant ou impossible à arrêter.

Des situations particulières ?

Durant la grossesse, le RGO est particulièrement fréquent. Il est favorisé par les changements hormonaux et le poids de l’abdomen qui fait pression sur l’estomac. Comme il est impératif de manipuler les médicaments avec précaution durant cette période, on va plutôt privilégier les mesures hygiéno-diététiques comme le fractionnement des repas et les positions.

Pour les nouveau-nés, le RGO est aussi très fréquent, et ceci est dû à l’immaturité de cette fameuse jonction oeso-gastrique. Il peut être derrière les pleurs nocturnes de bébé, et se manifeste aussi souvent par des vomissements et des régurgitations faciles. Le fait de fractionner les repas et surélever le matelas soulagent dans la majorité des cas.

Ce qu’il faut retenir

Le RGO est une pathologie bénigne mais qui peut entraîner des complications si elle est négligée.

Les symptômes peuvent être classiques et c’est une brulure qui remonte de l’estomac vers le haut, mais peut aussi se cacher derrière des symptômes non digestifs : une toux, des bronchites, des pharyngites.

Il faut se méfier devant le reflux si on constate une perte de poids ou une anémie.

Le gastroentérologue saura indiquer si besoin les examens à faire et la cadence des traitements à prendre.

Dans tous les cas, il est utile de perdre du poids, arrêter le tabac, et surélever la tête du lit durant le sommeil.

*Hépato-gastroentérologue

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