Indonésie: L’islam au cœur de la campagne électorale…

Ce mercredi, ce sont 193 millions d’indonésiens qui ont été appelés aux urnes pour élire leur nouveau président et choisir, dans plus de 800.000 bureaux de vote, leurs représentants parmi les 245.000 candidats en lice pour 20.000 mandats de députés, sénateurs, maires et gouverneurs dans ce gigantesque archipel composé de 17.000 îles dont 8.000 sont habitées.

Ce scrutin, dont les résultats officiels ne seront publiés qu’en mai, constitue un test pour la solidité de «la troisième plus grande démocratie au monde» et la plus grande élection à se dérouler dans un pays qui regroupe la plus importante population musulmane au monde. L’opposition a, d’ores et déjà, prévenu qu’elle se tenait prête à contester les résultats suite aux irrégularités qui auraient touché les listes électorales et menacé de faire descendre ses partisans dans la rue.

Hier, ce sont donc deux candidats, que tout oppose, qui se sont disputé, pour la deuxième fois consécutive, le fauteuil présidentiel; à savoir, d’un côté, Joko Widodo dit «Jokowi», 57 ans, le président sortant, élu en 2014 avec 53,15% des voix, espérant profiter de la bonne santé de la principale économie de l’Asie du Sud-Est et disposant d’une avance de dix points dans les sondages et, de l’autre, Prabowo Subianto, 67 ans, un ancien général de l’armée de terre au passé très controversé car lié au régime de Suharto et dont la victoire menacerait la démocratie dans le pays.

Mais si, comme le relève Dave McRae, professeur à l’Université de Melbourne, le président sortant «a choisi le pragmatisme plutôt que les principes sur la question de l’islamisme et du pluralisme», son action sur le plan des droits de l’homme laisse à désirer à telle enseigne que plusieurs ONG ont dénoncé l’augmentation des discriminations contre les minorités religieuses et ethniques et contre la communauté LGBT au moment où les groupes islamiques conservateurs «gagnent en influence». En outre, pour donner des gages à l’électorat musulman conservateur, Jokowi a choisi un prédicateur islamiste conservateur  à la vice-présidence ; un choix qui inquiète grandement les progressistes.

Mais s’il va de soi que les questions de développement et de lutte contre la pauvreté restent au cœur de cette campagne électorale marquée notamment par des attaques virulentes des deux camps, la place de l’Islam y est tellement prépondérante que les thèmes islamo-conservateurs se sont imposés à l’ensemble des candidats n’épargnant même pas le président sortant alors même que ce dernier avait toujours prôné la modération.

Même le niveau sonore des haut-parleurs des mosquées, rivalisant en intensité aux moments de l’appel à la prière, est bien là pour rappeler à tous que l’islam intégriste entend bien se faire entendre et changer le visage d’un archipel qui, en matière religieuse, se voulait chantre de la modération.

Pour rappel, en 2018 à Sumatra, une sino-indonésienne bouddhiste, âgée de 44 ans, avait écopé de deux années d’emprisonnement pour avoir «osé» protester contre le volume des haut-parleurs des mosquées. C’est dire que, dans cette nouvelle Indonésie qui se profile à l’horizon, la dévotion excessive et formaliste semble avoir de beaux jours devant elle.

Lequel de ces deux islamismes, «modéré» ou «intégriste», va recueillir le suffrage de la majorité des indonésiens à l’issue du scrutin de ce mercredi 18 Avril 2019 ? Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

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