En Afrique et dans le monde arabe: La mobilité des artistes en question

La question de la mobilité des artistes constitue une préoccupation majeure de nos jours. La filière musicale en Afrique et dans le monde arabe peine à s’émanciper. A cet effet, la difficulté de l’obtention des visas, le prix élevé des billets d’avion, l’absence de l’accompagnement de certaines  entités vis-à-vis des artistes ont été à  l’ordre du jour des débats en marge des activités du visa for music. A cette occasion, Al Bayane est allé à la rencontre des professionnels du métier. Témoignages.

Tony Mefe, opérateur culturel camerounais

«Il y a très peu de fonds consacrés à la mobilité des artistes»

Tony Mefe est opérateur culturel camerounais. Il est aussi responsable du salon international des voix de femmes et des musiques du monde. Ce salon international qui s’appelle «escale b’antoo» voix de femmes travaille davantage sur l’export de la musique. «Le but de notre projet, c’est de développer la présence de jeunes chanteuses d’Afrique centrale sur la scène internationale», a-t-il souligné.

«Nous nous sommes confrontés à ce grave problème de mobilité». Pour lui, les problèmes de mobilité se déclinent sur deux axes fondamentaux : il y a d’abord le coût du billet d’avion qui est très élevé. Par exemple, à partir de Douala au Cameron pour  Casablanca, le billet à 1200 euros. «En Afrique, c’est hallucinant ! Il y a très peu de fonds qui sont consacrés à la mobilité.

Aujourd’hui, l’un des fonds les plus sollicités par les artistes subsahariens, c’est celui de l’association marocaine pour l’échange interculturel, le développement et la coopération en Afrique (Afrikayna). Dans ce cadre,  pleins d’artistes et  professionnels ont pris part au visa for music et d’autres manifestations grâce à cette association qui donne des bourses», a-t-il fait savoir. Et d’ajouter: «Mais comme les gouvernements n’accompagnent pas les projets culturels, il faut toujours aller taper à la porte de la famille et des amis».

Pour faire face à cette situation, Tony Mefe ainsi que d’autres artistes organisent en amont des concerts de collecte de fonds. «Même si ce n’est pas ce genre de concerts qui apportent de l’argent, mais ils permettent de crédibiliser le discours des artistes», a-t-il précisé.

A côté des prix élevés des billets d’avion,  la question de visa demeure une des «plaies» de la mobilité des artistes. «C’est vrai que le visa for music fait un travail en amont  facilitant l’obtention des visas des artistes dans les différents pays, mais en revanche, ce n’est pas évident d’avoir des visas pour venir au Maroc, en Tunisie, en Egypte… C’est compliqué !», poursuit-il.

Selon lui, même à l’intérieur de l’Afrique subsaharienne, les artistes se sont confrontés à ce problème de visas. «Bon nombre de nos chanteuses n’ont pas eu de visas pour se produire,  surtout en Europe, mais paradoxalement, on en a donné aux managers», conclut-il.

Armène Doua, coordinatrice du MASA

«L’artiste a besoin de l’accompagnement et de structures d’accueil»

A Abidjan, il n’y a pas de budget consacré aux billets d’avion parce qu’un artiste est essentiellement autonome dans sa mobilité, souligne Armène Doua, coordinatrice du marché des arts du spectacle d’Abidjan (MASA).

«En fait, on peut accompagner l’artiste en lui trouvant des structures d’accueil qui lui permettront d’avoir des billets d’avion, les frais de visas et en lui facilitant aussi son obtention… Mais il n’y a pas de structures mises en place à Abidjan réellement pour le billet d’avion et l’accompagnement des artistes sur cette question. À Abidjan, ajoute la coordinatrice du MASA, la filière musicale et celle  de l’art sont structurées par le bureau de droits d’auteur. Avec ce dernier, il y a une structure qui permet de nous organiser, de préserver nos droits.

Halim Sbai, directeur du festival « Taragalte »

«La partie de l’aérien est très cher»

C’est une question qui est sur toutes les langues : la flambée  des billets dans le continent  africain. «La partie de l’aérien est très cher. Un vol à Bamako vaut trois fois qu’un vol de Casablanca à Paris. Sans soutien, l’artiste ne pourra pas se débrouiller tout seul», a précisé Halim Sbaï.

C’est pour cela d’ailleurs, explique-t-il, qu’il n’y a pas de connexions et d’échanges culturels entre le Nord de l’Afrique et le Sud. «Ces dépenses deviennent parfois un véritable fardeau sur les organisateurs. En Europe, le problème de la mobilité des artistes réside dans l’obtention des visas. Donc, il faudra pendre le rendez-vous trois mois après. Il faut le dire, des concerts ont été annulés parce que les artistes  n’ont pas eu leurs visas», poursuit-il.  Et d’ajouter: «On a rencontré ce type difficultés parce que nous organisons une caravane culturelle pour la paix. Donc, nous ramenons environ  30 artistes de Mali et de l’Algérie. Le billet dans les bons termes est à 6.000 ou 7.000 dh par personne. Pourtant, parfois, on reçoit des promesses de certaines institutions, mais à la derrière minute elles se retirent. Chose qui nous pousse à faire autrement». Heureusement, se réjouit-il,  il y a Afrikayna apporte son apport en ce sens. «C’est une bonne chose parce que par le bais de la culture on pourra connaitre mieux l’Afrique et les africains. La culture n’est pas un luxe, mais un domaine porteur et créateur de richesses», a-t-il affirmé.

Rania Elias, directrice du centre cultuel Yabous dans la zone occupée de Jérusalem

«A cause de l’occupation, les frontières sont fermées pour les artistes arabes et étrangers»

Pour Rania Elias le problème de liberté de dépassement et de mobilité  est une situation qui  touche tous les artistes du monde. «Les artistes arabes rencontrent souvent des difficultés relatives au  sujet des visas, surtout en Palestine à cause de l’occupation. Ces difficultés ont un  impact immédiat sur le programme du festival que nous organisons», a-t-elle révélé.  La situation de Jérusalem en particulier est tout à fait différente des autres villes, parce qu’elle est sous l’occupation. «Les difficultés auxquelles nous faisons face sont énormes par rapport aux difficultés des autres villes et festivals mondiaux vu la situation politique. Nous faisons face à plusieurs entraves en organisant le festival de Jérusalem. Tout d’abord, la difficulté de faire venir l’artiste palestinien. Ce dernier rencontre souvent  plusieurs entraves pour y accéder afin de présenter un spectacle,  parce que l’artiste qui se trouve à  Gaza, à Ramallah, à Nablus où en encore à Jénine a  du mal à venir», a-t-elle martelé.

Mohamed Nait Youssef

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