Droit à la santé: En finir avec la médecine à deux vitesses

De nos jours , et plus particulièrement depuis la constitution de 2011 ,  de plus en plus de citoyens, jeunes et moins jeunes, des hommes et des femmes ont tous tendance à parler de droits, à analyser ces droits dans les détails pour en prendre conscience et en frayer les chemins d’application. Dans ce cadre, l’intérêt de nos concitoyens est surtout porté sur le droit à la santé, sur l’accès aux services et soins de santé. Mais qu’est-ce que le droit à la santé ?

Un droit fondamental

Nombreux sont ceux qui se souviennent du fameux slogan : «La santé pour tous en l’an 2000». Un thème qu’avait  choisi l’Organisation mondiale de la santé (O.M.S.) à l’occasion de l’anniversaire de la constitution de l’O.M.S., en 1948.

Lors de cette date, l’OMS avait clairement et explicitement défini le droit à la santé comme étant : «La possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre et constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale».

71 ans après l’adoption de la Constitution de l’Organisation mondiale de la Santé (1948), ces mots résonnent avec plus de force et plus de pertinence que jamais.

Le droit à la santé pour tous signifie que chacun devrait avoir accès aux services de santé dont il a besoin, au moment où il en a besoin et là où il en a besoin, sans être confronté à des difficultés financières.

Personne ne devrait tomber malade ou mourir du seul fait qu’il est pauvre ou qu’il ne peut pas accéder aux services de santé dont il a besoin.

Le droit a la santé est sur toutes les langues. C’est un thème qui revient sans cesse dans toutes les discussions. Un sujet d’actualité qui très souvent fait la une des médias. On lui consacre des reportages TV. Les réseaux sociaux en font un sujet de prédilection.

La santé c’est ce que nous avons tous de plus cher, de plus précieux, et en tant que tel, nous sommes tous unanimes pour dire d’une seule et même voix que ce droit est fondamental, essentiel et vital.

Dans la réalité des choses, il en va souvent autrement, particulièrement quand il s’agit des disparités entre régions.

Disparités choquantes

Le secteur de la santé traverse donc une crise. En témoignent les disparités criantes qui existent entre régions. Certaines zones sont sous-équipées et sous-médicalisées. D’autres sont de véritables déserts médicaux où il n’y a rien : pas de dispensaires, pas de médecins, pas d’infirmiers, pas de médicaments. Rien. Le vide total. C’est à croire que les banlieues et la campagne font peur aux médecins. Ailleurs, c’est-à-dire au niveau des grandes villes ou de villes sélectionnées, il y a de tout : des médecins en nombre pléthorique, du matériel à ne plus savoir quoi en faire, des pharmacies pleines à craquer de médicaments…

Ce sont là des incohérences que la raison ne peut accepter car elles contribuent à creuser davantage le fossé qui existe entre régions et accentuent encore plus les iniquités choquantes et pénalisantes dont souffrent nos concitoyens qui habitent les zones enclavées et reculées, où tout manque.

Des efforts certes, mais…

En effet, parler de la santé des citoyens n’est pas chose aisée. C’est même très compliqué contrairement à ce que peuvent penser beaucoup de personnes. Il y a à l’évidence un réel paradoxe car, depuis l’indépendance à nos jours, la santé des Marocains a toujours fait l’objet d’un intérêt particulier et l’accès à la santé a toujours été considéré comme un droit fondamental des citoyens. Tous les gouvernements qui se sont succédé depuis notre indépendance à ce jour ont été très sensibles à ce sujet éminemment social.

Des efforts considérables ont été déployés depuis les années 60 pour doter notre pays d’infrastructures modernes, de technologies de pointe, de personnels de santé (médecins-infirmiers) en nombre suffisant et de compétences qualifiées.

Mais tous ces efforts n’ont pas abouti aux résultats escomptés. En cause, la mauvaise gouvernance de notre système de santé, le sous financement de la santé, un budget en deçà des réels besoins, la corruption, le gaspillage, le sabotage, le replâtrage, la pénurie des ressources humaines, la surcharge de travail, les multiples grèves, la démotivation…

Le problème réside dans une sorte de lutte fratricide que se livrent le secteur public et le secteur privé, et dont la grande et principale victime est le citoyen.

La santé c’est une question d’argent.

Pour pouvoir être correctement  soigné, il faut payer. Ce n’est un secret pour personne. C’est une réalité qui est vécue au quotidien, l’accès aux soins médicaux dans une clinique ou cabinet privé dépend de la capacité des individus à payer. Les patients sont transformés de citoyens qui ont des droits et des responsabilités en des clients et consommateurs . . .

Concurrence déloyale

Le secteur privé met tout en œuvre pour s’accaparer de la plus grande part du gâteau, des structures accueillantes, hautes technologies, des praticiens disponibles ( souvent du secteur public ), et dans cette concurrence déloyale , les malades payants, les assurés se dirigent prioritairement vers le privé , et c’est tout naturellement que l’argent des caisses de l’assurance  maladies profite au secteur privé , surtout les cliniques privées, les cabinets dentaires, les centres de radiologie, les laboratoires et autres…

Les établissements hospitaliers (SEGMA) et CHU eux prennent les malades démunis, les détenteurs du RAMED, qui représentent 80 % de leurs patients. Ce qui met à mal la gestion de ces hôpitaux qui n’arrivent plus à offrir des soins dignes de ce nom et partant à ne pas garantir le droit à la santé pour tous .

C’est l’une des raisons qui expliquent le nombre d’agressions qui sont enregistrées au niveau des structures sanitaires et dont pâtissent les professionnels de santé.

Il faut en finir avec le système de santé à deux vitesses,  où ceux qui ont des moyens de se faire soigner vont le faire dans les cliniques huppées, ou vont sous d’autres cieux et paient en devises lourdes leurs soins.

Idem pour ceux qui ont une prise en charge type AMO. Ils préfèrent eux aussi les cliniques privées quitte à déposer des chèques de garantie, à payer des dépassements d’honoraires. Même chose pour ceux qui ont une assurance privée, et pour les autres, c’est-à-dire les patients insolvables, ceux qui ne peuvent payer, c’est l’hôpital public…

Nous sommes tous concernés

Il est évident que dans l’état actuel des choses, aucun établissement hospitalier ne pourra fournir et garantir tous les soins à toute la population dont il a la charge. C’est tout simplement irréaliste.

Mais nous pouvons offrir à notre population des soins acceptables, un panier de soins nécessaires pour assurer et protéger la vie et la dignité de tout un chacun.

Pour ce faire, et afin de garantir à tous, aux personnes âgées, aux personnes en situation de handicap, aux femmes, aux enfants, aux chômeurs, le même droit, la même santé, les mêmes soins. Il n’y a pas de recette magique, tous les professionnels de santé se doivent de coopérer dans un esprit de solidarité et de service en vue de faire bénéficier des soins de santé l’ensemble de notre population.

Le ministère de la Santé a une lourde responsabilité. Car il n’est pas facile de satisfaire tout le monde, de répondre efficacement à toutes les demandes de soins. Et quoique l’on fasse, il y aura toujours des mécontents, c’est la raison pour laquelle chaque citoyen doit participer à ce projet de société qui vise à assurer à tous le droit à la santé.

Les associations, les ONG, les gestionnaires de l’AMO, l’ANAM, les collectivités territoriales, les autres départements ministériels, tous doivent se mobiliser, afin que l’ensemble de la population marocaine puisse bénéficier d’une couverture sanitaire équitable et équilibrée, donnant au concept de démocratisation des soins sa véritable signification.

Le train est en marche

Depuis sa nomination, le nouveau ministre de la Santé ne cesse d’envoyer des messages clairs. Il vient de prendre des décisions encourageantes, comme il  s’attache avec détermination à combattre toutes les disparités et anomalies, qui peuvent être choquantes ou pénalisantes pour nos citoyens, qui sont attachés aux hôpitaux publics particulièrement les plus démunis.

Il ne cesse de montrer aux uns et aux autres le chemin à suivre. Il est constamment présent sur le terrain, pour s’informer et voir de visu la réalité des choses,  mais aussi pour mieux motiver tout le monde.

Mais face à la grogne qui parcourt le secteur de la santé,  il doit prendre en considération les revendications légitimes des infirmières et infirmiers.

Chacun doit y mettre du sien, les professionnels de santé se doivent également de participer pleinement à la nouvelle dynamique qui est aujourd’hui initiée par le ministre de la Santé.

Le train est en marche, nous sommes très confiants , avec de la volonté , la solidarité , nous atteindrons très bientôt une vitesse de croisière respectable qui permettra au Maroc d’entrer dans le club des pays qui ont instauré la couverture universelle pour permettre à tous nos concitoyens d’être soignés dans de très bonnes conditions et de bénéficier de prestations de qualité.

Ouardirhi Abdelaziz

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