Angola: Le scandale Isabel dos Santos…

Isabel dos Santos par-ci, Isabel dos Santos par-là… Ces derniers jours, ce nom est évoqué par les médias du monde entier. Mais de qui s’agit-il, au juste, et que lui veut-on?

Isabel dos Santos, 47 ans, fille de Jose Eduardo dos Santos qui dirigea l’Angola de 1979 à 2017 est la femme la plus riche d’Afrique puisque sa fortune avait été estimée, en 2013, à plus de 2 milliards de dollars par le Magazine Forbes. Son charme naturel et son discours bien rôdé auraient pu, une fois encore, faire sensation s’il lui avait été permis, la semaine dernière, d’être à Davos au milieu des grands et des puissants de ce monde et de leur faire part de sa «success story» et de ses nombreux investissements en Afrique notamment. Mais ce ne fut pas le cas car l’intéressée avait été rayée de la liste des invités après que la justice angolaise ait ouvert une enquête la concernant, à l’issue de laquelle il avait été décidé de geler ses avoirs pour blanchiment et détournement de fonds ainsi que ceux de son époux congolais Sindika Dokolo; une attitude que l’intéressée avait dénoncée comme étant «une attaque politique».

Surnommée «La princesse» et vivant, essentiellement, entre Londres et Dubaï, Isabel dos Santos, dont le pays réclame l’extradition, est accusée d’avoir «siphonné l’économie angolaise» en accumulant frauduleusement une fortune estimée à 2,1 milliards de dollars selon les conclusions d’une enquête effectuée par le Consortium International des Journalistes d’Investigation (ICIJ) qui, en «épluchant» les 715.000 documents formant ce qu’il a été convenu d’appeler les «Luanda Leaks», a levé le voile sur des opérations financières opaques dont se serait rendue coupable l’intéressée et sur la manière avec laquelle plusieurs sociétés financières occidentales l’avaient aidé à échapper au fisc.

Cette grande affaire de détournement de fonds constitue un test majeur pour le président angolais Joao Lourenço qui a fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille car malgré la production, en 2018, de quelques 2 millions de barils de pétrole par jour – ce qui lui confère le 16ème rang mondial parmi les producteurs d’or noir – l’Angola voit un tiers de sa population vivre encore sous le seuil de pauvreté.

Plombé par la chute des prix du pétrole en 2014, l’Angola, second producteur de pétrole d’Afrique subsaharienne mais dont le sous-sol est, également, riche en diamants, est empêtré dans une grave crise car les revenus procurés par ces ressources sont largement détournés et que la population n’en profite guère. Cette malencontreuse situation met le chef de l’Etat au-devant de l’obligation de créer de l’emploi et de la croissance et de la nécessité de faire appel, pour cela, à des investisseurs étrangers. Or ces derniers ne pourront répondre à cette demande que s’ils ont l’assurance de pouvoir évoluer dans un climat «sain» et de pouvoir collaborer avec des institutions propres et transparentes.

En poursuivant Isabel dos Santos, le président angolais veut faire un pas très important dans sa lutte contre la corruption et donner un signal très fort, tant à ses compatriotes qu’à la communauté internationale, signifiant que, désormais, en Angola – qui occupe la 146ème place sur 180 dans le classement des pays les plus corrompus établi par Transparency International –  plus personne ne pourrait se soustraire à la justice.

Ce serait merveilleux si la vérité était ce que le pouvoir angolais veut bien nous faire croire. Or, il n’en est rien lorsqu’en y regardant d’assez près, on remarque que, depuis son élection, le président Joao Lourenço ne s’est pas privé d’écarter des institutions, des entreprises publiques et de l’appareil sécuritaire du pays, tous les proches de son prédécesseur dans une vigoureuse opération que certains ont assimilé à une réelle «vendetta» dès lors qu’elle a sciemment exclu des proches du chef de l’Etat «mouillés jusqu’aux os».

Les poursuites engagées contre Isabel dos Santos ne rentreraient-elles que dans le cadre d’un processus de réforme sélectif ? Ne seraient-elles, en somme,  que l’arbre qui cache la forêt ? Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

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