Quelle leçon nous apprend l’Histoire!

Issam Haloui*

Depuis l’aube de l’humanité, les pandémies ont été le point de bascule dans le cours de l’Histoire; elles ont causé des changements radicaux et des transformations géopolitiques indéniables.

Pour remonter un peu plus loin dans l’histoire des pandémies, et pour ne citer que celles qui ont martyrisé l’humanité, on peut commencer par la peste d’Athènes au Ve Siècle Av. JC, qui emporta le célèbre orateur et homme d’Etat Périclès et annonça les prémisses du déclin de l’âge d’or athénien.

Vient ensuite la peste de Justinien, entre les VI et VIIIe Siècle. Puis la grande peste du Moyen-âge de 1347 à 1353, qui a massacré près de 35 millions de personnes (soit 40% de la population) dans une Europe en pleine explosion démographique et économique. Et la pandémie espagnole qui a duré un an (de 1918 à 1919), considérée comme la pandémie la plus dévastatrice, vu qu’elle a tué presque un quart de la population mondiale (25 à 100 millions de morts), dépassant ainsi la boucherie de la première guerre mondiale selon l’historien français Roland Lombardi.

Aujourd’hui, alors que nous sommes dans l’âge de l’insécurité, pour reprendre une expression de Hassan Ourid, le monde est en train de vivre la même expérience de la peste mais avec plus d’ampleur et d’expansion notamment dans le vieux continent, qui serait réduit à une peau de chagrin si le Covid-19 continue de faucher les âmes à tors et à travers.

Pour le philosophe marxiste Slavoj  Žižek, le monde est tiraillé entre deux logiques : soit laisser la loi de la sélection faire son travail, sacrifier les vulnérables. Ainsi, les âgés, les malades, et les moins immunisés seront les victimes expiatoires, les souffre-douleurs, bref on revient, dans ce sens, à la théorie du bouc émissaire de René Girard. Laquelle théorie se basant sur une logique bestiale et barbare; ou bien s’orienter à ce qu’il appelle le communisme inventé.

C’est-à-dire, les humains se trouvent dans l’obligation de s’entraider et faire preuve de solidarité pour que tout le monde survive. Ce qui est la chose la plus «égoïste et rationnelle» à faire en ce moment d’adversité comme disait Žižek. Et c’est ce qui explique aussi la panique des gens à sauver leurs peaux et échapper à la grande faucheuse qui rode autour d’eux, tout en sensibilisant et aidant l’autre, parce que cet autre auquel je suis « corrélé», aussi dupe et indifférent soit-il, participe en quelque sorte à ma destinée.  «Il est donc d’une grande dangerosité, continuait  Slavoj Žižek dans l’une de ses conversations, de gaspiller le temps dans la terreur et la peur».

Michel Onfray, fidèle à sa position, n’a pas manqué de fustiger l’union européenne, qu’il considère dorénavant comme le nouveau tiers-monde. Le déclin de cette dernière sera accentué par cette pandémie avançant comme une boule de neige, car les dirigeants, soumis aux diktats de la haute finance et ancrés dans la mondialisation, n’ont pas pris les bonnes mesures pour endiguer cette crise.

Cette pandémie a dévoilé aussi la fragilité de l’Europe maastrichtienne (voir le traité de Maastricht) qui est à bout de souffle. À en croire Michel Onfray, ce déclin s’inscrit dans le cadre de la déconfiture de la civilisation judéo-chrétienne comme il l’a bien expliqué dans son livre «La Décadence». Il y a presque deux décennies, le déclin de l’union soviétique a révélé que le bloc de l’Est  a vécu, la moitié d’un siècle, dans l’illusion maintenue par l’empire marxiste-léniniste qui s’est effilochée et fanée.

De la même façon, l’Europe maastrichtienne qui s’est présentée depuis une dizaine d’années  comme un titan, au niveau économique, capable de marcher sur les brisées des grandes puissances mondiales, on la voit aujourd’hui, dans un spectacle cynique, agenouillé, déboussolée et incapable d’avoir un stock suffisant de bavettes et de masques pour ses médecins et infirmiers.

Qui aurait cru que l’Europe, oh combien glorifiée par ses thuriféraires, finirait un jour par quémander des aides, et quelles aides ? Des masques et des bavettes ! De qui ? De la Chine communiste ! Quelle leçon nous apprend l’Histoire!? N’est-ce pas cela la manifestation de la ruse de l’Histoire dont parlait Hegel? Quant au vrai tiers-monde dont nous faisons partie, j’aimerais bien être superstitieux que d’en parler parce que ça craint, ça dépasse la raison!

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