A l’heure de la pandémie, la Pologne adopte le vote par correspondance…

En optant, dès le 13 mars dernier, pour la fermeture des frontières et pour l’interdiction des rassemblements afin d’enrayer la propagation du coronavirus sur son territoire, le gouvernement de Varsovie a mis la campagne électorale en hibernation dès lors que toutes les manifestations publiques ont été interdites.

Or, cette situation n’a poussé au «confinement» que quatre sur les cinq candidats à l’élection présidentielle puisque le président sortant Andrzej Duda ne s’est pas empêché, pour sa part, de continuer sa « campagne électorale » en apparaissant aux côté des urgentistes et en prenant la parole afin de se poser en tant qu’homme de la situation sous une couverture médiatique décuplée par la pandémie.

Mais, même si la Pologne n’a pas été épargnée par la pandémie du Covid-19, le chef du parti Droit et Justice, (PiS) conservateur, Jaroslaw Kaczynski n’entend point reporter les élections présidentielles qui devaient se tenir en Mai. Aussi, nonobstant les réticences qui se font entendre au sein même de son propre camp et qui viennent notamment du premier ministre Mateusz Morawiecki et du ministre de la Santé Lukasz Szumowski, l’homme fort du pays reste décidé à faire tenir cette élection dans les délais initialement fixés car c’est la seule possibilité de pouvoir faire réélire le président sortant Andrzej Duda auquel les derniers sondages confèrent 50% des intentions de vote; une très large avance qui le dispenserait d’un deuxième tour.

Un report de l’élection présidentielle de quelques ou mois ou d’une année, comme le réclame l’opposition, mettrait, incontestablement, le président sortant dans l’obligation de tenir sa campagne électorale quand le gouvernement polonais sera encore aux prises avec les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire mondiale du Covid-19 dès lors qu’après l’état d’urgence viendra inévitablement la phase de la récession qui donnera lieu, sans aucun doute, à un vote sanction à l’égard des partis de la majorité gouvernementale.

La Plateforme Civique (PO), principale force d’opposition, dénonce la tenue d’élections en ce moment au motif que, celles-ci  permettront au président sortant de garder les rênes du pays pendant cinq nouvelles années en utilisant la pandémie du coronavirus en tant que tremplin.

C’est donc à l’issue d’un débat parlementaire particulièrement houleux et après que le vice-premier ministre et chef de file de la frange modérée de la majorité parlementaire, Jaroslaw Gowin, ait démissionné, que le leader du PiS est parvenu, dans la nuit du lundi 6 au mardi 7 avril, à faire voter une modification du code électoral introduisant le vote par

correspondance. Ce vote est donc intervenu en dépit des cris alarmistes de l’opposition portant sur la dangerosité d’un tel scrutin tant du point de vue sanitaire que de celui de sa conformité avec les règles constitutionnelles.

Ainsi, bien que l’épidémie du Covid-19 ait paralysé la campagne électorale, que les maires des plus grandes villes polonaises aient plaidé pour le report de l’élection présidentielle et que l’opposition ait dénoncé une «manœuvre politique injuste et anti-démocratique», le forcing entrepris par le leader du parti Droit et Justice Jaroslaw Kaczynski afin de maintenir l’élection présidentielle à la date initialement arrêtée a donné ses fruits et ouvert la voie au vote par correspondance.

Enfin, même si le patron du parti Droit et Justice (PiS) a, d’une certaine manière, répondu «favorablement» aux doléances des polonais qui ne voulaient pas aller aux urnes en ces temps de pandémie en leur ramenant les urnes jusqu’à eux et en leur permettant, ainsi, de voter «sans se déplacer», rien ne permet d’affirmer, à l’heure où la Pologne est plongée dans une grande crise sanitaire dont elle sortira incontestablement meurtrie, que le président sortant sera automatiquement reconduit pour cinq nouvelles années. Alors, attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

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