Un point de vue de chercheur

Education inclusive au Maroc

En choisissant de traiter l’éducation inclusive dans le contexte marocain, notre propos consiste à mettre en lumière une philosophie émergente et prometteuse qui va mettre un terme à l’exclusion sociale et au traitement ségrégatif  et inhumain des enfants en situation de handicap.

L’éducation inclusive est une approche éducative novatrice, inspirée de l’intégration scolaire, qui permet aux enfants en situation de handicap (ESH) d’être scolarisés côte à côte avec leurs semblables dits normaux dans des classes ordinaires communes ayant un même programme scolaire.  Celle-ci puise son fondement dans un corpus juris  international abondant et diversifié à titre d’exemple :

  • 1994 : Déclaration de Salamanque et Cadre d’Action sur les besoins spécifiques de l’éducation.
    • 1996 : Charte de Luxembourg (la non-discrimination  et de la promotion de la diversité).
    • 2001 : Programme phare de l’éducation pour tous consacré au droit à l’éducation des Enfants Handicapés : vers l’inclusion.
    • 2006 : Convention relative aux Droits des Personnes Handicapées, promouvoir les droits des personnes handicapées et l’intégration du handicap dans le développement.

 L’UNESCO l’a définie comme étant « comme un processus visant à tenir compte de la diversité des besoins de tous les apprenants et à y répondre par une participation croissante à l’apprentissage, aux cultures et aux collectivités, et à réduire l’exclusion qui se manifeste dans l’éducation. Elle suppose la transformation et la modification des contenus, des approches, des structures et des stratégies, avec une vision commune qui englobe tous les enfants de la tranche d’âge concernée, et la conviction qu’il est de la responsabilité du système éducatif général d’éduquer tous les enfants »

Cette approche inclusive se positionne hors discrimination et s’enracine dans la culture de diversité, d’accessibilité et d’équité afin de promouvoir l’épanouissement, la socialisation et le vivre ensemble de tous les apprenants avec ou sans handicap.

Au Maroc,  Le système éducatif a, en effet, intégré les ESH dans la sphère scolaire en vertu de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, ratifiée le 08 avril 2009. Cette intégration est d’abord passée  par l’éducation spéciale dans des centres spécialisés avant de se manifester au niveau des classes d’intégration scolaires(CLIS) en milieu scolaire ordinaire.

Cette dernière démarche d’intégration propose de rompre avec l’ancienne approche classique et traditionnelle entachée d’isolement et de ségrégation des ESH en leur permettant de se rapprocher plus du milieu scolaire « normal ».

Depuis quelques années, nous assistons, par ailleurs, à l’expansion d’une nouvelle approche dite « Education Inclusive », fondée sur l’approche  » droits » et mise en place dans les systèmes éducatifs universels. Cette nouvelle approche inclusive appelle l’école à s’adapter aux besoins éducatifs particuliers des ESH et à ne pas  rester dans le déni du handicap et ses spécificités (besoins éducatifs /besoins spécifiques). Elle exige, par ailleurs, une gestion plus efficace de la diversité culturelle, sociale et psychologique créée  par la complexité de la situation de la classe.

Si l’intérêt de l’approche semble être évident, vu sa conception et son modèle de fonctionnement, la réussite de sa mise en place reste prometteuse si les ressources et les transformations organisationnelles et parfois structurelles sont investies.

Dans ce sens, nous sommes ainsi amenés à nous interroger sur la gestion  d’une telle diversité au sein d’une autre : celle des enfants dits normaux et celle des enfants en situation de handicap (ESH) dans une même structure scolaire(1) et sur la transposition de cette approche  dans un tel contexte jugé précaire voire  fragile  comme le notre (2).

  1. Education inclusive : une  combinaison pédagogique et didactique au service de la diversité

Orchestrer une diversité particulière et complexe des ESH au sein d’une autre qui est celle des enfants ordinaires est l’un des défis majeurs des établissements scolaires ordinaires. L’organisation et la gestion d’une classe inclusive nécessite une combinaison didactique et pédagogique importante  profitable à tous les élèves et qui favorise leur développement, tant social que cognitif. Pour ce faire, et à l’exception des principes didactiques connus tels que la souplesse, l’adaptation et la progression, les enseignants devraient réfléchir sur les approches et pratiques pédagogiques adéquates et utiles pour ces classes inclusives.

A cet égard, une prise en compte efficace de cette diversité fait appel à différentes expériences et travaux de quelques grands pédagogues précurseurs, tels que Montessori, Decroly, Freinet, Meirieu  et Perrenoud ainsi  qu’à  d’autres approches à savoir :

 La différenciation pédagogique, le projet pédagogique individualisé, le rôle des TIC dans le scénario pédagogique, le co- enseignement et le volet compensatoire des besoins éducatifs particuliers.

  • Education inclusive au Maroc : un projet sociétal en cours de construction

Pour réussir ce projet de grande taille lancé récemment par le ministre de l’Education nationale, Saaïd Amzazi, le 26 juin 2019, l’Etat est appelé à multiplier des efforts pour asseoir un système éducatif inclusif. En rapport avec les recommandations internationales au sujet de l’éducation inclusive et pour une transposition dans les normes  requises, une volonté politique et   des réforme drastiques et une devrait être au cœur de ce chantier sociétal telles que :

  • Le changement du regard sur le handicap ;
  • L’environnement inclusif (accessibilités architecturale, matérielle et pédagogique),
  • Le volet compensatoire des besoins éducatifs particuliers (service fait en salles des ressources par des enseignants spécialisés) ;
  • L’assistance médicosociale et le rôle de l’équipe pluridisciplinaire au sein de l’établissement ;
  • La culture des projets inclusifs dont  le projet pédagogique individualisé fait partie en tenant compte du type de handicap, l’aménagement des contenus et les rythmes d’apprentissage,
  • La formation et la qualification des acteurs éducatifs (enseignants référents et enseignants d’accueil.) ;
  •  Le co-enseignement et la valeur du travail collaboratif,
  • Les pratiques pédagogiques inclusives ;
  • L’implication familiale et citoyenne dans le puzzle de l’inclusion scolaire.

En définitive et pour une transposition préliminaire et progressive de l’éducation inclusive dans notre environnement, nous  proposons dans un premier temps- en tant que praticien et professionnel du domaine- d’accorder la priorité à la formation et à la qualification des acteurs éducatifs clés de ce projet (Enseignants d’accueil et spécialisés)  pour  gagner le pari.

LhassanOUAZZA, Doctorant à l’université Ibn Tofail FLSH Kenitra(Maroc)

Laboratoire langage et société

Encadré par Dr : Jamila BELLAMQADDAM

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