Accrocs frontaliers dans l’Himalaya…

Pékin – New Delhi

«Nous avons informé l’Inde et la Chine que les Etats-Unis sont prêts […] à arbitrer leur dispute frontalière qui fait actuellement rage». Mais si le tweet de Donald Trump, publié ce mercredi, prête à sourire même si la plaisanterie n’est pas de mise alors que la situation dans les rues de plusieurs villes américaines est hors de contrôle et qu’elle suscite même des craintes dans les chancelleries du monde entier, il oblige, tout de même, à s’interroger sur la situation à la frontière sino-indienne.

Aussi, la Chine a fait savoir que la situation est «globalement stable et sous contrôle (…) et peut se résoudre à travers le dialogue» alors que l’Inde New a prévenu que «la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Inde seront défendues tout en faisant, en même temps, tous les efforts diplomatiques nécessaires». Mais que se passe-t-il au juste dans les montagnes de l’Himalaya?

Pour comprendre les faits, il faut rappeler qu’à l’issue de la guerre qui, en 1962, avait opposé les deux pays pour le contrôle de leurs territoires himalayens respectifs, ces derniers ne s’étaient pas entendus sur le tracé précis de leur frontière commune alors même qu’elle s’étend sur 4.057 kilomètres, laissant ainsi la porte ouverte à l’éclatement, à tout moment, d’une crise militaire. Mais, depuis qu’ils ont repris leurs relations diplomatiques en 1988, les indiens et les chinois ont opté pour un petit arrangement consistant à régler leurs différends frontaliers sans aucun recours aux armes conventionnelles mais plutôt en usant de bâtons, de barres de fer, de jets de pierres voire même de coups de poings si le besoin s’en fait sentir.

Le 5 mai dernier, une «bagarre» avait éclaté entre des soldats indiens et des militaires chinois après que ces derniers se soient opposé à la construction d’une route militaire indienne près du lac Pangong, dans l’Etat indien du Ladakh, au motif qu’elle empièterait sur un territoire «chinois». Le même scénario s’est reproduit quelques jours plus tard, à quelques centaines de kilomètres dans le Sikkim. Cet affrontement avait fait 70 blessés du coté indien mais aucun chiffre n’a été communiqué du côté chinois.

C’est dans ce cadre que, le 27 mai dernier, après la tenue d’une réunion de crise autour du Premier ministre indien, Narendra Modi, ce sont 5.000 soldats indiens qui ont été envoyés à l’effet de renforcer les effectifs des forces indiennes stationnées dans le Ladakh le long de la Ligne de contrôle effectif (LAC – Line of Actual Control).

Persuadée que ce nouvel accroc, en pleine pandémie du coronavirus, a fait naître les pires craintes dans l’opinion publique indienne car nonobstant les rêves de grandeur de son Premier ministre, l’Inde serait incapable de tenir tête au voisin chinois si un conflit armé venait à éclater, la Chine en a profité pour pousser le Népal à modifier le tracé de ses frontières avec l’Inde de manière à priver New Delhi d’un point de passage crucial vers le Tibet.

Autant de manœuvres qui renforcent la pression exercée sur une Inde qui se voit de plus en plus menacée par l’influence chinoise dans l’Océan indien et dans le reste du sous-continent et qui va avoir d’énormes difficultés à affirmer son « indépendance » et à garder la tête haute même avec l’aide d’un allié américain lui-même empêtré, en pleine pandémie du coronavirus, dans une situation d’où il aura, sans aucun doute, bien du mal à sortir ? Alors, attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

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