Covid-19: Quand les contes populaires font front à l’impact de l’épidémie

Par Abdelatif Abilkassem (MAP)

Les contes populaires ont toujours été un patrimoine oral transmis de génération en génération, servant à relater des contes de fées ou de vraies histoires qui font prévaloir les valeurs du bien, de l’amour et de la beauté, et qui constituent constamment un outil combinant divertissement, éducation et apprentissage des valeurs pour les jeunes.

Au temps de la pandémie du Covid-19 et du confinement sanitaire qui s’est ensuivi au Maroc, plusieurs initiatives célébrant le conte populaire et l’employant comme moyen de se divertir, d’atténuer l’impact du confinement et de résister à l’épidémie ont vu le jour, en particulier pour les enfants qui se sont soudainement retrouvés contraints de rester chez eux après la suspension des études, amenant de ce fait leurs familles à leur trouver des échappatoires à la monotonie.

À cet égard, l’initiative de Najima Thay Thay Rhozali, présidente de l’Association Conte’Act pour l’éducation et les cultures et directrice du festival «Maroc des contes», s’est distinguée au cours du mois de Ramadan avec sa présentation d’un programme du soir quotidien sur une chaîne YouTube, au cours duquel trente histoires du cœur du patrimoine marocain ont été présentées.

Considérée comme la pionnière du conte populaire au Maroc, Thay Thay Rhozali a assuré dans une déclaration à la MAP que le confinement sanitaire a réhabilité la communication entre les membres de la même famille et leur a donné plus de temps pour se découvrir, mettant en avant le rôle des contes à distance à une époque où la grande famille dans laquelle les grands-mères jouent ce rôle est absente, et où règne la famille nucléaire dans laquelle chaque membre est isolé avec son smartphone ou sa tablette électronique.

Elle a en outre expliqué que les contes populaires au temps du confinement sanitaire ont permis de célébrer l’union familiale, notant que son initiative a eu du succès auprès de nombreuses familles, dont certaines organisent des rituels pour écouter ses histoires dans un cercle dans lequel parents et enfants se rencontrent. Ces histoires font découvrir aux jeunes la diversité et la richesse de la culture marocaine avec ses affluents arabes, islamiques, amazighs, africains et juifs.

Thay Thay Rhozali a relevé que la diffusion de ces contes, qui transmettent de précieux discours et messages prônant globalement la tolérance et l’amour, permet aux mères d’aujourd’hui de les apprendre et de les raconter à leurs enfants à leur manière, ce qui ne manquera pas d’assurer une transmission orale de cet héritage et une réconciliation et une communication continue entre les générations.

En plus de l’initiative individuelle de Mme Thay Thay, des initiatives institutionnelles ont également vu le jour, dont les auteurs ont eu recours à la méthode du récit à distance pour réconforter et amuser les enfants durant le confinement, comme l’initiative de la Médiathèque de la Fondation de la Mosquée Hassan II à Casablanca.
Le coordinateur de la cellule d’animation culturelle de cette bibliothèque, Ibrahim Ouarti, a affirmé à la MAP que le conte est considéré comme «un pilier de base du programme culturel de la bibliothèque, compte tenu de son rôle dans l’éducation des enfants aux valeurs du bien, de l’amour et de la beauté».

«Le conte est également l’un des moyens efficaces, beaux et faciles que nous adoptons pour inculquer aux enfants l’amour de la lecture dès leur plus jeune âge», a ajouté M. Ouarti, notant que la médiathèque organise, depuis sa création, des ateliers de lecture et d’histoire en plusieurs langues, notamment en arabe, français et anglais.

«Nous avons récemment pris le soin de présenter des contes du cœur du patrimoine populaire marocain sous le nom +Conte du bon vieux temps+ pour attirer l’attention de nos enfants sur la singularité du personnage marocain et les contes de notre patrimoine riche et plein de sagesse et de valeurs», a-t-il poursuivi, soulignant que ce programme a «suscité l’intérêt d’un grand nombre d’enfants qui nous ont fait réfléchir à doubler sa part dans le programme culturel de la bibliothèque».

Le programme de contes de la bibliothèque ne se limite pas seulement au conte populaire, mais contient d’autres programmes lancés au début du confinement sanitaire, a-t-il expliqué, précisant qu’il s’agit des programmes «Contes du soir» et «Contes et ombres», lesquels ont renforcé l’offre culturelle de la bibliothèque qui cible spécifiquement les enfants, l’objectif étant d’aider les familles à surmonter le confinement.

Le bilan préliminaire de ces programmes, qui sont présentés sur la page de la médiathèque sur Facebook, est «très positif», a assuré M. Ouarti, relevant que le nombre de vues augmente régulièrement, en particulier pour les histoires sous forme de clips vidéos comme le conte de «Jrada Malha» et «Bent Derraz», des contes bien connus chez l’ensemble des parents, ce qui permet aux enfants de suivre plus facilement leurs événements et détails.

Une autre initiative,à mettre à l’actif des responsables d’un programme appelé «Hikayat Shahrazad» (Contes de Shérazad), qui est un programme de formation pour les conteuses, supervisé par l’«Académie du changement» en partenariat avec des associations du nord du Royaume.

«Nous considérons le conte populaire marocain comme un moyen de transmission d’un ensemble de messages éducatifs et de valeurs humaines», a confié à la MAP la coordinatrice de ce programme, Mariam Abboudi, ajoutant que «nous y avons eu recours au conte en période de confinement pour divertir les enfants et sensibiliser sur les mesures préventives contre le coronavirus».

Elle a noté à cet égard que le programme a produit une histoire sur le coronavirus qui en a fait un outil de définition du virus et de ses symptômes, ainsi que de sensibilisation à la nécessité d’adopter les mesures préventives essentielles telles que la distanciation sociale, l’hygiène, la stérilisation, etc, soulignant que ce conte a atteint son objectif grâce à un langage simple et impressionnant en même temps.

En plus de sensibiliser à la pandémie, Mme Abboudi ajoute que les lauréates du programme «Hikayat Shahrazad», qui vise à faire du conte populaire un moyen efficace d’encadrer et de consolider les valeurs et les compétences, publient actuellement sur les réseaux sociaux un certain nombre de présentations de contes populaires du cœur du patrimoine marocain.

Elle a également noté que le programme, dont le nombre de lauréates a atteint 225 conteuses, est désormais bien accueilli par les téléspectateurs et les abonnés, et qu’il est aussi suivi par de nombreuses écoles privées qui invitent ces lauréates à faire des présentations à distance au profit de leurs élèves.

Outre le fait de vouloir atténuer l’impact du confinement, les présentations sont généralement suivies de discussions sur les sujets évoqués, ce qui contribue à changer la vision stéréotypée du conte, d’une histoire racontée avant le coucher à un moyen d’encadrer et de développer la pensée critique et d’élargir le don de l’imagination, a-t-elle conclu.

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