Syrie: le «Caesar Act», un nouveau frein à l’aide humanitaire…

Nabil El Bousaadi

«Laissez les syriens crever sinon vous aurez affaire à nous !». Telles sont, en substance, les dispositions contenues dans le «Caesar Act»  entré en vigueur le 17 juin dernier et prévoyant de nouvelles sanctions américaines contre toutes personnes physiques ou morales qui collaboreraient avec le régime de Damas.

Aussi, pour ne point tomber sous le coup des «sanctions internationales» fixées par cette nouvelle «loi américaine», les banques et les autorités douanières « bloquent tout» dès lors que, dans le document afférent au transfert de produits ou d’argent, figure le mot «Syrie» s’émeut Joseph Daher, enseignant à la Faculté des Sciences Sociales et Politiques de Lausanne, pour lequel «la loi César ajoute une pression supplémentaire sur une situation déjà très compliquée par plusieurs facteurs dont la crise financière libanaise et la crise sanitaire».

A cet effet, la responsable d’une ONG syrienne enregistrée en France, souhaitant garder l’anonymat pour ne pas attirer l’attention de sa banque, dira même que «chaque fois on nous a signifié la fermeture du jour au lendemain, sans préavis ni explication et sans nous laisser le temps de nous retourner».

Fabienne Eustratiades, secrétaire générale d’ «Alwane », une petite association franco-syrienne établie à Lyon qui soutient les enfants syriens déplacés en leur envoyant du matériel pédagogique et en leur apportant une remise à niveau scolaire, déplore le fait que la Banque Postale, auprès de laquelle son association avait ouvert un compte en 2012, leur ait adressé en février dernier « une lettre recommandée, accompagnée d’un chèque du solde du compte, sans aucune explication sur les raisons de cette clôture ». Aussi, pour éviter pareils désagréments – rejets de virements ou autres – les associations se voient donc contraintes de confier, à des voyageurs se rendant dans des pays limitrophes de la Syrie, les petites sommes destinées à leurs bénéficiaires ; avec tous les risques que cela pourrait comporter.

De tels incidents sèment, très souvent, le «doute chez les donateurs» regrette Ronan Lucas, Président de l’association «Tous pour la Syrie» qui rappelle que le lait infantile que son association avait envoyé à l’intention d’enfants du nord de la Syrie et qui devait nécessairement transiter par la Turquie, avait été «saisi à l’arrivée par la société de transport qui exigeait un justificatif de la provenance des fonds et de leur destination». Aussi, pour «échapper à ces tracas», Ronan Lucas  envisage de changer le nom de son association et de l’inclure dans une ONG «plus globale sur les réfugiés».

Ainsi, à la veille de la conférence annuelle qui sera organisée la semaine prochaine par l’Union Européenne, en soutien à la Syrie, un regroupement d’ONG syriennes incluant les organisations «Impact» et  «We exist» a présenté ce jeudi, à Bruxelles, un rapport mettant en évidence les «sanctions invisibles » qui, en résultant d’une « application excessive» par les institutions financières des restrictions aux transferts d’argent, limite considérablement toute action humanitaire entreprise au profit de la Syrie.

L’Union Européenne va-t-elle, enfin, pouvoir alléger les «sanctions américaines» en mettant en place des mécanismes clairs qui permettraient aux associations humanitaires d’apporter leur aide aux syriens dans le respect des lois dites «anti-terroristes» et aux banques de ne pas être confrontées à la fermeture de comptes des clients dits «à risques»? Attendons pour voir…

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