Affaire Khashoggi: le Tribunal d’Istanbul ouvre le dossier

Même mort, il n’a pas été enterré. Il en est de même de la malheureuse affaire de son décès dans d’atroces conditions dans le consulat de son pays à Istanbul puisque bien que les faits remontent au 2 Octobre 2018, ceux-ci ressurgissent, de temps à autre, et continuent de soulever moult interrogations. Lui, c’est, bien sûr, le journaliste saoudien Jamal Khashoggi dont la dépouille – découpée en petites pièces, dit-on – n’a jamais été retrouvée.

Pour comprendre les raisons de sa disparition, il suffit de savoir qu’en prônant une monarchie similaire à celle du Royaume-Uni, Jamal Khashoggi avait écrit dans l’un de ses articles en Février 2018 que « le Prince héritier aurait des choses à apprendre de la reine Elizabeth ». Il ajoutera, par ailleurs, que «la maison royale britannique a gagné une véritable stature, le respect et le succès en faisant preuve d’humilité. Si Mohammed Ben Salmane (le prince héritier d’Arabie saoudite) peut écouter ceux qui le critiquent et reconnaître qu’eux aussi aiment leur pays, il peut renforcer son pouvoir».

Le dernier article signé de la main de Jamal Khashoggi et daté du 11 Septembre 2018 – donc moins d’un mois avant sa tragique disparition – avait pour titre «le prince héritier d’Arabie saoudite doit rendre la dignité à son pays». C’en était trop pour un Mohamed Ben Salmane convaincu d’avoir un droit de vie et de mort sur ses sujets. Aussi, en signant cet article, le journaliste saoudien avait signé son arrêt de mort. Il le savait puisqu’en rentrant, ce 2 Octobre 2018 au matin, dans les locaux du Consulat saoudien d’Istanbul, il avait laissé son téléphone à sa fiancé et gardé à son poignet une montre «intelligente» relié à cet appareil.

Les faits relatifs à la disparition du correspondant saoudien du « Washington Post » sont remontés à la surface, ce vendredi, lorsqu’un tribunal d’Istanbul a commencé à juger 20 saoudiens accusés par les autorités turques d’avoir tué et démembré l’intéressé dans les locaux du Consulat de leur pays à Istanbul où il s’était rendu pour récupérer un document. Mais bien que, parmi les personnes incriminées, figurent deux proches du prince héritier d’Arabie Saoudite Mohammed ben Salmane et qu’en théorie tout ce beau monde risque la prison à vie pour « homicide volontaire prémédité avec l’intention d’infliger des souffrances », la procédure mise en œuvre par la justice turque revêt un caractère purement symbolique dans la mesure où aucun d’eux ne se trouve en Turquie.

Agnès Callamard, la rapporteuse spéciale des Nations-Unies sur les exécutions extrajudiciaires, Yasin Aktay, conseiller du président turc et proche de Khashoggi et Hatice Cengiz, la fiancée turque du journaliste disparu, assistaient à l’audience. Ayant accompagné son fiancé, le jour des faits, jusqu’à la porte du Consulat saoudien d’Istanbul  et donné l’alerte sur sa disparition après avoir vainement attendu sa sortie, Hatice Cengiz espère que cette audience permettra de «faire la lumière» sur certaines zones d’ombres non encore élucidées deux ans après les faits comme, par exemple, le sort que les assassins ont réservé aux restes du défunt.

Déplorant le fait que «les meurtriers de Jamal et ceux qui leur ont donné l’ordre ont évité la justice jusqu’à présent» la fiancé du journaliste disparu entend donc «épuiser toutes les options légales pour faire en sorte que les meurtriers soient traduits en justice» quand bien même, en mai dernier, le fils aîné du défunt avait annoncé que ses frères et lui-même accordent leur «pardon» aux meurtriers de leur père.

Pour rappel, l’assassinat de Jamal Khashoggi, 59 ans, avait eu lieu dans des conditions tellement atroces et inhabituelles qu’il avait soulevé l’ire de l’ensemble de la communauté internationale, avait plongé l’Arabie Saoudite dans une profonde crise diplomatique et terni l’image de son prince héritier immédiatement pointé du doigt par Ankara et Washington comme étant le commanditaire principal.

Le procès relatif à l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi s’est ouvert ce vendredi mais il se refermera bientôt et, sans nul doute, avant même que l’on sache ce qu’il est réellement advenu des restes du défunt puisque ses assassins jouissent encore de leur entière liberté. Parleront-ils un jour ? Rien n’est moins sûr, pour le moment, mais attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

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