Quelle place accordée aux tests employés face au Covid-19?

Association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques

Dr Khadija Moussayer*

«Alors que nous développons toute une  stratégie  de retour à une vie économique et sociale normale, il est capital d’être conscient des limites de ces tests».

La stratégie de lutte contre la Covid-19 repose  sur une intensification de sa détection, grâce à la combinaison  des tests PCR, d’une part, pour repérer les individus porteurs du virus, potentiellement  « contaminateurs »  et futurs malades et,  d’autre part, les tests sérologiques,  pour identifier les  personnes  ayant développé des anticorps contre le coronavirus et  donc contracté l’infection, même sans avoir eu de symptômes.

En supposant  que les tests soient parfaits, on peut donc « séparer » idéalement  la population en trois catégories d’individus : 1/ les  non-infectés susceptibles d’être atteints ; 2/ les infectés, positifs au virus, disséminateurs potentiels de  la pathologie  et donc à   isoler ; 3/  ceux qui  disposent d’anticorps contre le virus.

Le problème est, qu’en dépit de ces tests,  ce virus sait  se «cacher» pendant la période d’infectiosité et l’association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS) estime nécessaire, par la voix de sa présidente le Dr Moussayer Khadija, de rappeler, en les précisant, la portée de ces tests, leurs éventuelles limites et les moyens mis en œuvre par les autorités sanitaires pour contrecarrer  justement ces limites.

Le test virologique: sa négativité ne garantit pas qu’une personne n’est pas infectée.

Le test PCR est une technique permettant à partir de  fragments de matériel génétique  de les reproduire en  grande quantité pour que le virus soit plus facilement identifiable. Malgré sa très haute spécificité, c’est-à-dire sa capacité à ne détecter que les porteurs de ce type de virus, proche de 100 %, et sa bonne sensibilité à réagir à la présence du virus, sa fiabilité dépend de nombreux autres facteurs, y compris humain.

Le prélèvement exige en effet d’aller recueillir  des cellules au fond des muqueuses de l’arbre respiratoire en enfonçant un écouvillon dans le nez jusqu’à l’arrière de la tête.  Faute de quoi, le test  risque d’être inopérant. Pour compliquer la situation, le virus est parfois indétectable dans les voies respiratoires supérieures mais présent dans les poumons!

A cause de ces deux « écueils » principalement, on estime que la fiabilité du test se situe entre 60 et 80%, des résultats  d’ailleurs assez proches  de  ceux constatés dans d’autres infections comme la grippe (influenza).

Une étude, réalisée par des biologistes de la Johns Hopkins Medicine,  a confirmé  ces difficultés à partir des résultats de 1.330 prélèvements.  Les chercheurs ont établi que les sujets infectés présenteraient :

  • majoritairement un test négatif (67% au 4ème jour de la contagion)  dans les 4 jours suivant la contamination ;
  • un taux de faux négatifs de 38%, le jour de l’apparition des symptômes ;
  • les tests les plus fiables  8 jours après la contamination et, en moyenne, 3 jours après la survenue  des symptômes, avec un taux de faux négatifs qui reste néanmoins de 20%.

Les Tests sérologiques: un outil  de surveillance épidémiologique avant tout

Ces tests, par prise de sang,  sont recommandés dans 3 situations:

  • en complément d’un test PCR  négatif, pour confirmer une infectiosité   dès lors qu’un patient présente des symptômes ;
  • en détection d’anticorps chez certains personnels soignants, d’hébergement collectif etc. ;
  • et comme outil de surveillance épidémiologique de la présence du virus.

On ne recommande pas par contre sa réalisation en population générale en raison des incertitudes concernant l’immunité protectrice et sa durée éventuelle après la pathologie ainsi surtout que la contagiosité des personnes testées positives.

Deux  types d’anticorps significatifs (ou Immunoglobulines ou Ig) apparaissent en effet à différentes périodes après l’infection :

– les IgM, détectables à partir du 7ème jour chez les patients les plus sévères, au cours de la 2ème semaine pour le reste des patients et disparaissant  environ 3 semaines après l’infection ;

– les IgG,  détectées  à partir du 14ème jour après la contamination et diminuant progressivement pour rester en moyenne 40 jours détectables.

Leurs chevauchements partiels et leurs survenues à une période où on estime, avec de plus en plus de certitude, que le malade n’est plus contagieux, ne sont donc pas opérantes pour déterminer une contagiosité éventuelle.

L’exigence d’un test sérologique pour les marocains bloqués ou résidents à l’étranger  et qui veulent revenir dans notre pays partait peut-être d’un souci louable d’éviter l’arrivée de quelques personnes malades mais son statut de «passeport immunologique» paraît en fait inapplicable. On peut espérer  que la sagesse  va rapidement prévaloir  pour en assouplir son obligation, de même que pour le délai de 48 h imposé au PCR.

On voit donc que le test le plus utile reste plus que jamais le PCR dans la mesure ou il permet de dire, et à condition de le répéter, si oui ou non une personne est porteuse du virus à un instant T, et seulement à cet instant. Ce qui implique que cette opération soit renouvelée malheureusement assez fréquemment  en particulier dans les entreprises pour éviter tout accident de parcours préjudiciable. L’arrivée de nouveaux tests toujours plus  performants  réduira quelque peu cette part d’incertitude qu’on connaît actuellement.  En attendant,  la proportion des tests faux-négatifs permet de mieux comprendre pourquoi les autorités sanitaires sont obligées de procéder, à juste raison,  à des reconfinements locaux, là ou nait un foyer d’envergure, pour éviter toute flambée épidémique.

 *Présidente de l’association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS)

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