Biélorussie: La candidate de l’opposition forcée à l’exil

Rien ne va plus à Minsk, la capitale de la Biélorussie, depuis qu’à l’issue du scrutin de dimanche dernier le président Alexandre Lukachenko, au pouvoir depuis vingt-six années, a été reconduit pour une nouvelle législature en raflant plus de 80% des suffrages exprimés.

Dénonçant un résultat qui, pour de nombreux électeurs, «pue la magouille», les biélorusses ont, dès dimanche soir, investi toutes les rues de la capitale et des villes de province pour crier leur soif de démocratie face à des brigades anti-émeutes les aspergeant de balles en caoutchouc et une très forte présence militaire faisant craindre une irréversible escalade de la violence. Quarante-huit heures après la fermeture des bureaux de vote,  au moins 2.000 personnes auraient été interpellées.

Mais si tout cela était attendu, tant par la population que par toutes les chancelleries de la planète qui connaissent bien le régime d’Alexandre Loukachenko, ce qui l’était beaucoup moins, en revanche, c’est la disparition inopinée, après que deux journées de protestation violemment réprimées par la police aient secoué la capitale, de Svetlana Tikhanovskaia la jeune candidate de l’opposition qui avait galvanisé les foules durant la campagne électorale.

Ses partisans avaient craint le pire avant qu’elle ne leur adresse un message vidéo disant : «Moi, Svetlana Tsikhanovskaïa, je vous remercie d’avoir participé à l’élection présidentielle. Le peuple biélorusse a fait son choix. Avec gratitude et chaleur, je lance un appel à tous les citoyens qui m’ont soutenue. Biélorusses, je vous exhorte à être prudents et à respecter la loi. Je ne veux pas de sang et de violence. Je vous demande de ne pas affronter la police, de ne pas sortir dans les rues pour ne pas vous mettre en danger. Prenez soin de vous et de vos proches». Après avoir fait ce choix qu’elle reconnaît être «difficile», la jeune opposante au président Lukachenko ajoutera : « Je sais que beaucoup me condamneront, beaucoup me comprendront, beaucoup me haïront ».

Peu de temps après, «Belta», l’agence d’Etat biélorusse, a diffusé des images non datées montrant l’intéressée lisant une déclaration dans laquelle elle appelle ses compatriotes à «respecter la loi» et à mettre un terme à leurs manifestations.

Ainsi, sous la pression des autorités, la candidate de l’opposition aurait fui le pays pour la Lituanie voisine où, d’après Linas Linkevicius, le ministre lituanien des Affaires étrangères de ce pays balte membre de l’Union Européenne réputé hostile à la politique «pro-russe» de son voisin biélorusse, l’intéressée et ses enfants seraient «en sécurité».

Mais bien que, dans son message, Svetlana Tikhanovskaia qui a émergé comme une rivale inattendue face au vieux président Lukachenko après avoir remplacé, dans cette course à la présidentielle et «au pied levé», son époux après son arrestation en mai dernier,  affirme avoir agi «seule», Maria Kolesnikova, une figure de la campagne électorale de l’opposition récuse cette explication  et reste persuadée que la vidéo, où elle apparaissait les traits tirés, a  été enregistrée «sous pression» pendant les trois heures durant lesquelles elle avait été retenue, lundi soir, au siège de la Commission électorale après y être venue pour déposer une plainte.

Cet exil forcé de la jeune candidate de l’opposition est-il un coup fatal porté au mouvement de contestation par les autorités de Minsk ou, alors, l’aveu de faiblesse d’un pouvoir aux abois ? Attendons pour voir.

Nabil El Boussaadi

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