Réflexions d’un homme qui revient de loin

Point de vue

Par Abdelhak Najib, journaliste et écrivain

C’est une expérience unique dans une vie. Contracter un virus mortel. Être infecté lourdement, avec une charge virale foudroyante. Avoir 51 ans et savoir qu’à chaque instant, je peux basculer de l’autre côté. 30 jours de clinique dont dix jours en réanimation.

Douleurs terribles. Douleurs si intenses que j’ai perdu le sommeil pendant un mois, et encore aujourd’hui, je prie tous les dieux de pouvoir passer au moins une nuit de sommeil. Juste une nuit complète. J’espère toujours, parce que je ne désespère jamais. J’ai su très vite, allongé sur mon lit de clinique, en réanimation, que mon pronostic vital est engagé. J’ai entendu le médecin émettre ses craintes. Horrible sentiment de se savoir condamné.

Ça peut frapper à n’importe quel moment. Mes paramètres médicaux sont au plus bas. C’est peut-être là, la fin.  Comment réagir face à l’inéluctable ? Que faire ? Comment garder espérance ? C’est une sensation indescriptible de se savoir condamné. J’ai eu, par moments, envie de céder, éreinté, épuisé, harassé de tant de coups sourds dans tout mon corps.

Extrêmement affaibli, je me suis accroché au visage de ma fille. Je dois vivre pour elle. Nous avons tant à partager. Nous avons tant à découvrir. Je veux voir ma fille grandir devant mes yeux. Je veux l’accompagner, faire du chemin avec elle. Le plus longtemps possible. Oui, c’est l’image de ma fille qui m’a tenu en haleine et en alerte. Je n’ai pas le droit de partir maintenant.

Ma fille a besoin de son père. Je ne peux pas lui faire ça. Je dois lutter+. Je dois me battre. Je dois espérer, coûte que coûte. J’ai dit non, cette nuit à l’aube quand tous les signaux étaient au rouge. Je ne partirai pas cette nuit. Je veux vivre. Je dois vivre. Puis, assommé par la douleur, je me suis assoupi, quelques minutes, et j’ai rêvé que je m’en sortais. Quand j’ai ouvert les yeux, c’était comme revenir d’une plongée dans un volcan. Vidé, presque anéanti, à un doigt de la fin. Puis quand l’infirmière est venue me demander si je voulais manger, j’ai souri et j’ai senti un rayon de lumière me transpercer.

C’est là que j’ai eu l’intime conviction que face à la maladie, je donnerai tout, et si je devais partir, je partirai en guerrier. Je n’ai rien lâché. Je me suis. Cramponné à tout ce qui fait ma vie. Mes frères et ma sœur, ma mère parmi les étoiles qui veille sur moi, mon père qui m’aide à tenir, mes livres, mes écrits, mes amis, toutes ces personnes que la vie met sur notre chemin et qui embellissent les jours. J’ai senti au plus profond de moi toutes les prières de toutes ces personnes qui me portent dans leurs cœurs. Tout me parvenait et me donnait de la force.

Des ondes, des vibrations, une énergie indicible qui vient prendre racine au creux du ventre et allume le cœur. Cela irradie de l’intérieur. Une belle lumière. Enfin, je ne suis pas éteint. Je vais vivre. Il y a ce je ne sais quoi d’inextinguible qui luit dans le cœur. L’esprit reprend des forces. J’y vois plus clair. Si j’ai passé cette nuit, je peux passer toutes les autres. C’est quoi dix jours de réanimation ? Rien dans une vie. C’est quoi un mois de clinique ? Un clin d’œil dans une vie. Secoue-toi, lève-toi, et n’oublie pas que tu portes en toi le feu sacré.

Durant dix jours, j’ai revu toute ma vie, mon passé, des souvenirs épars, tant de visages qui sont partis rejoindre les étoiles… J’ai eu la confirmation que le secret de la vie est alchimie. Cela dépasse la description. Il faut y mettre son âme. Il faut y croire. Amen.

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