Des cas de divorce et de violence contre les femmes ?

La Covid-19 et la vie conjugale

Après le déconfinement, de nombreux experts ont constaté que de nombreux couples ont décidé de se séparer. Est-ce que cette hausse des cas de divorce est due à la fermeture des tribunaux du Royaume ou s’agit-il d’un impact collatéral négatif du confinement sur la vie conjugale ? Idem pour les violences contre les femmes. Contactés par Al Bayane, Maître Hicham Lotfi, avocat au barreau de Casablanca et la militante Fatima Sekkak, militante au sein de Jossour – Forum des Femmes Marocaines nous livrent leurs analyses de ce phénomène.

Par Aya Lankaoui

Y a-t-il eu une hausse des cas de divorce après le confinement ? « Pour répondre à cette question, il est nécessaire de voir le nombre de dossiers de divorce sur l’année 2019 », nous apprend maître Hicham Lotfi. En effet, en prenant les chiffres de l’année dernière, on constate que le nombre de dossiers de divorce sont les suivants :

12924 dossiers pour la procédure de divorce pour raison de discorde;

6081 dossiers pour la procédure de divorce par consentement mutuel;

28 dossiers pour la procédure d’autorisation de divorce.

En comparant avec cette année et à ce jour, les chiffres sont les suivants :

Moins de 9200 pour la procédure de divorce pour raison de discorde;

Moins de 5020 pour la procédure de divorce par consentement mutuel;

10 dossiers pour la procédure d’autorisation de divorce.

« Les statistiques du tribunal de première instance social de Casablanca démontrent que l’impression de hausse des cas de divorce après le confinement est complètement imaginaire », a expliqué Hicham Lotfi.

Il a mentionné également que « les tribunaux du Royaume étaient fermés pendant une période variant entre 3 et 4 mois. Par conséquent, les parties désirant recourir à la justice pour mettre un terme à leur relation conjugale étaient suspendues à la reprise du travail dans les tribunaux ».

Donc pour lui, le confinement n’a pas eu un impact sur l’augmentation du nombre de demandes de divorce, « il semble que l’impression de hausse des cas de demande de divorce trouve sa principale explication dans l’intensification des dépôts des demandes de divorce et qui étaient suspendus pendant la durée du confinement », affirme-t-il.

D’après maître Lotfi, la majorité des cas de divorce sont les divorces pour discorde et le divorce par consentement mutuel. « Le genre de procédures les plus utilisées sont le divorce pour raison de discorde et le divorce par consentement mutuel. Et dans ce genre de procédures, il existe une variété infinie de raison ou d’explication pour avoir envie de mettre un terme au lien conjugal », annonce-t-il.

Depuis 2017, les cas de divorce ont enregistré une augmentation considérable. Presque 100 mille divorces ont été prononcés au Maroc, pour 300 mille mariages. Autrement dit, de trois mariages, un se solde par un divorce, selon le ministère de la justice.

Quid des violences contre les femmes ?

D’un autre côté, de nombreuses voies se sont élevées pour dénoncer un accroissement des cas de violence conjugale contre les femmes. Ce phénomène social s’explique  principalement à des raisons culturelles moyenâgeuses.

Selon la Fédération des Ligues des Droits des Femmes « FLDF », environ 4.663 cas de violences contres les femmes ont été enregistrés durant la période du confinement, en soulignant que la violence psychologique a représenté le taux le plus élevé avec 47,9%, suivie par la violence économique avec 26,9% et la violence physique 15,2%.

La « FLDF » a ajouté également qu’il s’agit de 709 actes de violence physique, dont un cas d’homicide à l’égard d’une femme et un autre de tentative d’homicide, en plus d’une hausse de 5,1% de la violence sexuelle.

Dans le même ordre d’idées, maître Lotfi, confirme que le phénomène de la violence conjugale contre les femmes s’est accentué durant la période du confinement. « En 2020, le nombre de ce genre de plaintes enregistrées est environ 4500 plaintes près du Procureur du Roi près du Tribunal de première instance correctionnel de Casablanca. Malgré cette possibilité de dépôt de plainte pour violence, la majorité de ces plaintes finissent par un désistement de la plaignante ou par un classement pour défaut de preuves ». Explique-t-il.

Pour sa part, Fatima Sekkak, militante associative et féministe depuis 1996 au sein de  Jossour Forum des Femmes Marocaines, où elle a commencé comme adhérente, puis directrice du centre d’alphabétisation juridique, confirme qu’il y a eu une véritable hausse des cas de violence contre les femmes, et notamment durant la période du confinement.

«Dernièrement on a constaté une hausse des cas de violence contre les femmes, et surtout pendant la quarantaine. C’est un grand problème dû au stress, à la perturbation des relations sociales, conjugales, et à l’absence de protection. Et malheureusement cela ne cesse d’augmenter malgré les lois qui existent. Car ces derniers ne sont pas appliqués !» Martèle-t-elle.

En outre, la féministe a indiqué que son militantisme a pour but de faire sentir toute femme en sécurité, notamment durant les moments désagréables qu’elle vit.

«Cette pandémie a entraîné une multitude de conséquences dévastatrices sur la santé et le bien-être. Donc nous en tant que militantes féministes on doit sensibiliser etéveiller à travers des campagnes de sensibilisation. Afin d’éliminer, ou au moins de réduire cette violence, tout en aidant les femmes victimes à surmonter leurs situations, et les soulager pour qu’elles sachent que ce n’est plus un tabou», souligne-t-elle.

En revanche, et afin de sonder la situation des femmes mariées durant le confinement de très près, l’équipe d’Al Bayane s’est tourné vers l’opinion publique.

«En tant que nouvelle mariée, je dirais que le confinement m’a empêché de fêter mon mariage. Sans parler d’autres effets négatifs qu’apporté ce maudit virus à ma vie conjugale. Notamment, le stress et les disputes dus à la séparation de plus de 3 mois qu’on a subi moi et mon époux, à cause de la nature de son travail, vu qu’il est militaire», martèle Oumaima B. d’Errachidia.

«Durant le confinement, j’allais me divorcer, à cause de quelques problèmes sociales et financiers. Mon époux a perdu son emploi. Il n’était plus capable de financer nos besoins. Je vous laisse imaginer la situation qu’on a vécu», déclare Zineb W. de Casablanca.

Stress, disputes, problèmes sociales et financiers, hausse des cas de violence contre les femmes marocaines durant le confinement, tout cela et plus est dus à la situation critique liée à la pandémie de la Covid-19. Celle-ci continue toujours à porter un large atteint à la vie sociale.

Top