Agences de locations de voitures : activité au ralenti et trou financier abyssal

Karim Ben Amar

La crise économique survenue pour cause de pandémie a touché bien des secteurs d’activités. Le plus impacté reste assurément celui du tourisme.

Depuis près d’un an, les nombreuses activités dépendant du tourisme traversent une période très douloureuse à l’instar des agences de location de voitures.  À Tanger, l’équipe d’Al Bayane s’est entretenue avec des professionnels du secteur.

Amine Kadiri et Mohamed Haroun respectivement vice-président et secrétaire général de l’association des propriétaires et gérants des agences de location de voitures (Tanger), dévoilent les nombreuses difficultés auxquelles sont confrontés ces derniers.

La ville portuaire très courtisée par les touristes nationaux et internationaux n’accueille plus grand monde au vu des restrictions appliquées. Les agences de location de voitures sont donc impactées entre autres, par les mesures en vigueur. Absence de touristes, accumulation des dettes, augmentation du prix des assurances, location de voitures au marché noir, le secteur est au bout du rouleau.

Les professionnels du secteur des locations de voitures scandent à l’unisson : «l’activité est au bord du gouffre». Entre absence de demande et accumulation de dettes, ils ne savent plus où donner de la tête.  Après un été sans touristes, voilà que l’hiver n’arrange en rien la situation précaire dans laquelle se trouvent les gérants et propriétaires des agences de location de voitures.

Depuis la propagation de la Covid-19 et les mesures de restrictions qui ont suivi, saison haute, comme saison basse, le secteur est en souffrance. Le vice-président de l’association des propriétaires et gérants des agences de location de voitures (APGALV) de Tanger déclare que «les difficultés ont commencé dès le début de l’été, lorsque les restrictions se sont accentuées, notamment avec la fermeture des plages et l’interdiction de se baigner».

Les professionnels du secteur avaient travaillé sur un projet ambitieux baptisé «RDV à Tanger». «Ce projet consistait à promouvoir le tourisme national, encourageant les marocains des douze régions à venir visiter la perle du Détroit». Et d’ajouter «Avec la fermeture des plages, le projet est devenu malheureusement irréalisable». 

«Dès février, les annulations ont commencé à affluer. Ce projet avait pour but de rattraper les pertes occasionnées par les trois mois de confinement obligatoire, mais l’augmentation des cas à Tanger a renvoyé aux calendes grecs ce projet, pourtant si prometteur», soutient-il.

Malgré l’arrêt total de l’activité durant des mois, Amine Kadiri informe que le contrat d’assurance, ainsi que la franchise ont augmenté. « Pour l’assurance, c’est carrément passé du simple ou double. Pour chaque véhicule nous payons 5000 Dhs par an d’assurance. Or cette année, c’est passé à 10.000 Dhs. Cette augmentation vertigineuse rend la tâche plus ardue, puisqu’il est très difficile d’amortir cette somme avec une activité au ralenti», poursuit-il.

«Tout porte à croire que cette augmentation est la résultante d’une entente entre les assurances», a-t-il notifié.

Pour les professionnels du secteur, l’activité est si vulnérable pour une raison simple : aucun  texte de loi ne régit ce domaine d’activité. A cet effet, le secrétaire général de l’association, Mohamed Haroun, a déclaré pour sa part que «cette activité n’est pas protégée puisqu’ aucune loi ne la protège. C’est au cours de cette crise sanitaire mondiale que nous nous sommes rendus compte de notre vulnérabilité. Aujourd’hui sans loi accompagnant notre secteur, nous sommes à la merci des assureurs, entre autres».

Autre bête noire des propriétaires et gérants des agences de location de voitures, le marché noir qui fait des ravages. «Les locations de voitures sans autorisation sont devenues monnaie courante depuis la reprise de l’activité. Sans garantie préalable et avec des prix plus bas que la moyenne, nous sommes dans l’impossibilité de les concurrencés», annonce-t-il.

«De plus, nous ne sommes pas seuls perdants, l’État aussi ne fait aucun bénéfice sur cette activité, puisqu’elle est illégale. Ajouter à cela l’état des véhicules loués au marché noir et les conséquences tragiques que cela peut causer comme des accidents de la route…», avise-t-il. 

Toutes ces difficultés provoquent chez les professionnels du secteur un sentiment d’anxiété, d’inquiétude et parfois de désespoir. « Certains de nos confrères ont connus la faillite. D’autres ont vendu leurs voitures pour pouvoir payer les dettes. Des cas d’incarcérations pour chèques sans provision sont aussi à relever. Enfin, à Casablanca, il y a même eu un cas de suicide», indique-t-il avec compassion.

S’agissant des demandes des propriétaires et gérants de locations de voitures aux responsables du secteur, les deux militants associatifs ont affirmé qu’ « elles sont parfaitement légitimes vu la crise économique sans précédent que nous traversons. À savoir l’exonération ou diminution des impôts, le report des crédits… Malheureusement, ils ont répondu favorablement à une ou deux demandes dont l’utilisation des véhicules 6 ans au lieu de 5», affirment-ils.

« Si nos demandes sont légitimes, ce n’est pas uniquement dû à la crise mais c’est aussi parce que notre secteur, c’est 30% des ventes de voitures neuves par an, l’activité des garagistes, les ventes de pièces, les assurances… ». Et de poursuivre, «il est à noter que les agences de locations de voitures, au nombre de 10.000 au Maroc, sont le pilier du secteur automobile dans notre pays. Nous espérions que toutes nos demandes soient exaucées, malheureusement cela n’a pas été le cas. Il faut bien se le dire. Tout porte à croire que l’effort, c’est à sens unique», ont-ils conclu.

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