«Je me retrouve dans le roman policier!»

Entretien avec l’écrivain Abdelmajid Sebbata

Propos recueillis par Mohamed Nait Youssef

«Le dossier 42», roman à succès du jeune romancier et traducteur marocain,  Abdelmajid Sebbata, a été sélectionné sur  la courte liste du prestigieux Prix international du roman arabe. Le jury a dévoilé, lundi 29 mars, les lauréats  de la 14ème édition «Booker» qui seront en lice pour décrocher ce prix doté d’une enveloppe de 50.000 USD. Le nom du roman du gagnant sera annoncé en mois de mai prochain. Les plumes qui sont sur la courte liste sont issues des pays arabes : le Maroc, la Tunisie, la Jordanie, l’Algérie et l’Irak.

Il est à rappeler que le  premier roman de Abdelmajid Sebbata «L’heure 00.00 », paru au centre culturel arabe en 2017, a eu le Prix du Maroc du Livre pour l’année 2018.  Entretien.

Al Bayane: Votre roman « Le dossier 42 » est sur la courte liste de «Booker» 2021. Une première impression ? Et que représente ce classement pour vous ?

Abdelmajid Sebbata : Je suis très content d’arriver à cette étape si importante du prestigieux Prix international du roman arabe «Booker» qui est un prestigieux Prix arabe. Je suis le plus jeune des 6  lauréats qui sont en lice pour décrocher ce prix.  Ce classement vient de combler, si j’ose dire, ce vide sidéral après une année blanche où le secteur culturel a été touché par la pandémie de la Covid-19, sachant que toutes les activités et les rendez-vous livresques ont été annulés. La preuve, mon premier roman a vu le jour en mois de février 2020 à l’occasion du Salon du livre de Casablanca. C’est-à-dire, un mois avant le confinement. Il faut l’avouer, ce roman n’a pas eu beaucoup de visibilité, surtout chez les lecteurs et le grand public.

Dans cette optique, pensez-vous que le rôle d’un prix au-delà bien entendu  de la valeur matérielle, c’est de donner plus de visibilité aux romans et à la création littéraire ?

C’est vrai !  Le rôle ultime d’un prix, c’est de faire rayonner la production littéraire et donner aux romans plus de visibilité au Maroc et même ailleurs. C’est une chose presque évidente, le public, la presse et  la critique littéraire s’y intéressent aux romans sélectionnés dans des prix importants, comme le «Booker». 

Vous avez puisé l’âme de votre roman dans des événements historiques. A quel point le roman marocain a-t-il profité de  la richesse de notre Histoire sur toutes ses facettes ?

Certes, dernièrement,  le nombre des romans travaillant sur des événements et faits historiques a augmenté, soit au Maroc ou dans le monde arabe. Pour ce qui est du roman «Le dossier 41», j’ai travaillé sur un événement historique marquant : l’affaire de l’huiles empoisonnées. Mais, attention, il ne s’agit pas d’un roman historique parce que ses événements se passent en 2002 et 2009. On pourra dire que c’est une espèce d’investigation romancée et racontée par le biais de l’écriture romanesque. En d’autres termes, il y a un usage de la matière historique dans le roman.

Au niveau de l’écriture de ce roman, vous avez recouru  à la technique anglo-saxonne, voire américaine. Pourquoi ce choix sachant que peu d’écrivains marocains optent pour cette méthode ?

Il y a un bon nombre de lecteurs  qui  se sont habitués au roman et à la lecture classiques. Pour eux, le roman est une intrigue : un début, un milieu et une fin. C’est vrai, dans mon roman, j’ai usé des techniques de l’écriture anglo-saxonne  du postmodernisme. C’est-à-dire qu’il y a un jeu au niveau des temps, une diversité au niveau des fils de la narration, des rebondissements…

Peut-on dire que c’est une aventure un peu à risque ?

Effectivement  puisque c’est quelque chose de nouveau pour le lecteur à la fois marocain et arabe. Dans ce roman, au-delà de son histoire, j’ai essayé de renouveler au niveau de l’écriture afin d’y apporter ma propre touche.

Vous êtes traducteur également. Traduire, cet exercice si difficile, y est  pour quelque chose dans votre style et écriture romanesques ?

Mes lectures soigneusement choisies et mes traductions ont influencé ma manière d’écrire. C’est une chose normale…  on ne crée pas à partir du vide ! Je suis très sélectif dans mes choix, surtout mes lectures. Je me retrouve surtout  dans le roman policier et ses techniques qui me séduisent.

Vous avez parlé de la pandémie et son impact profond sur la production littéraire ainsi que  toute la chaîne du livre. De nos jours,  le romancier marocain peut-il vivre de sa propre plume en l’absence d’une véritable industrie du livre ?

Honnêtement, très peu d’écrivains au Maroc et dans le monde arabe qui se comptent sur les doigts d’une main peuvent vivre de leurs productions. Certes, l’écriture est une passion, mais il doit y avoir une autre source de revenus stable pour pouvoir assurer sa vie.  C’est la réalité, malheureusement !  

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