Stationnement, éternel casse-tête dans la capitale

Les parkings se font rares

Par Hakim Ennadi – MAP

A Rabat, être motorisé n’est pas chose aisée ! Souvent, quand il s’agit de parquer leur voiture aléatoirement, à défaut d’un petit coin  «réservé» et «prépayé» auprès d’un gardien ou d’un parking, les automobilistes de la capitale sont livrés chaque matin à leur destin.

Les parkings se font rares, trouver un petit coin où garer sa voiture devient un luxe. Face à cette situation, les gardiens, Messieurs ou Mesdames dépositaires de « places précieuses » dites réservées, sont tantôt perçus comme « escrocs », tantôt comme sauveurs.

Passés les premiers chanceux du petit matin qui se garent tranquillement loin de toute « concurrence », les retardataires se résignent à tourner en rond pendant de longues minutes, non sans stress, tout en sollicitant les gardiens du coin pour leur trouver une place. Quitte à leur laisser les clés de la voiture pour ne pas arriver tard au bureau.

Chacun son astuce

Aïssam, habite à Salé et travaille dans une agence bancaire dans le quartier d’Agdal à Rabat. Il dit préférer emprunter le tramway depuis Salé pour gagner son lieu de travail. Il se sert néanmoins de sa voiture pour atteindre la station de tram.

«Il est vrai que le tramway à 8h de matin n’est pas du tout confortable et est surtout risqué en ces temps de pandémie mais je préfère me garer à Salé plutôt que de stresser et perdre un temps précieux en cherchant une place de stationnement à Agdal », raconte-il.

Ce temps précieux, Sara, une ingénieure qui travaille dans le centre-ville, explique qu’elle préfère en profiter dans son bureau en arrivant à 7:45, même si elle ne commence le travail qu’à partir de 8H. “Comme ça, je suis sûre de trouver une place pour me garer sans stresser”.

«Au delà de 8H le stationnement demande un effort psychologique et physique conséquent, surtout que le parking de notre administration n’offre pas les places suffisantes à tous les collaborateurs”, dit-elle.

S’ajoute à cela le problème des places en voirie réservées par les administrations et les institutions, ainsi que les zones de stationnement interdit qui sont nombreuses dans ce quartier, en raison de la présence de plusieurs institutions et établissements publics.

Problème d’infrastructure ?

Pourtant, sur le papier, les places parkings ne manquent pas, notamment dans le quartier du centre-ville. En plus des milliers de places en voirie, cette zone de Rabat compte plusieurs parkings souterrains et en surface, à commencer par le parking sous-sol de Mamounia réalisé depuis près de 20 ans et offrant plus de 250 places.

Cette structure a été conçue pour offrir une solution aux professionnels qui travaillent dans les environs mais aussi aux visiteurs qui souhaitent se rendre dans les administrations ou faire des courses dans la médina de Rabat.

En revanche, la tarification jugée excessive, le manque de signalisation et la difficulté d’y accéder laissent le parking souvent hors de portée, en particulier pour les étrangers.

Sur place, la MAP a approché une conductrice arrivant tout juste de Meknès et qui a passé près de 20 minutes à manœuvrer dans tous les sens pour enfin stationner juste devant la porte d’entrée du parking Mamounia.

«Étant de Meknès, je ne savais pas qu’un parking souterrain se trouvait juste à côté, même si je viens très souvent à Rabat, » a-t-elle expliqué à bout de souffle.

Un autre conducteur dit, en revanche, connaître parfaitement les lieux et le parking, étant de Rabat et travaillant dans le centre-ville. Mais au lieu de prendre la peine d’accéder au parking sous-sol, il a préféré se garer dans une petite rue avoisinante, confiant sa voiture à l’un des fameux gardiens aux gilets jaunes.

«J’étais dans mon chemin vers le parking avant d’apercevoir cette place libre”, a-t-il raconté, expliquant que cela lui prend moins de temps « et surtout moins d’argent».

Le problème vu par les gardiens

Houcine, qui veille sur une dizaine de voitures dans cette même rue, nous confie que son père exerce aussi ce métier depuis près de quarante ans. «Les gens préfèrent se garer en surface et confier leurs voitures aux gardiens parce que c’est plus sûr».

«Les sociétés exploitant les parkings se dégagent de toute responsabilité de ce qui peut arriver à votre véhicule, alors que les gardiens veillent au grain pour que rien ne puisse arriver aux véhicules, que ce soit des problèmes de vols où de petits accidents de stationnement », argumente-t-il.

«Au lieu de payer 6 dh par heure en parking ou 2 dh en voirie, les gens préfèrent nous laisser leur voiture pour un petit bakchich », souligne un autre gardien du même quartier, notant que ces petites sommes peuvent aller de 2 dh à 10 dh.

«Il y a même des gens qui nous sollicitent pour qu’on leur trouve ou on leur réserve une place et à la fin ils partent sans payer », regrette-t-il, reconnaissant qu’il n’a pas le droit de réclamer quoi que ce soit auprès des usagers car les places relèvent de l’espace public et du bien commun.

Un autre gardien qui gagne sa vie depuis près de 30 ans près d’un centre commercial regrette le bon vieux temps où il n’y avait presque pas de gardiens.

«Avant, je gagnais très bien ma vie en lavant les voitures, je n’avais pas besoin de tendre la main pour 1 dh”, raconte-t-il, expliquant que le lavage d’une dizaine de voitures lui rapportait un minimum de 300 dh par jour.

«En cette année de pandémie, la situation n’a fait que s’aggraver », a-t-il ajouté, expliquant qu’il aimerait vraiment changer de travail s’il en avait la possibilité.

Bien que depuis plusieurs années les gens sont plutôt soulagés de la fin de l’ère du sabot, le stationnement dans la capitale demeure un casse-tête pour les Rbati et les visiteurs de la ville.

Dans ce sens, le président du Conseil d’administration de la société Rabat-Parking, qui gère plusieurs parkings de la capitale mais aussi les places de stationnement en voirie à travers les horodateurs regrette plutôt la décision de l’arrêt des sabots.

«S’il n’y a pas une force contraignante, les gens ne vont pas payer. Ce qui représente des pertes énormes pour la société et pour les recettes de la municipalité », souligne-t-il dans une déclaration à la MAP.

«Si la capitale est, aujourd’hui, citée comme exemple en matière d’aménagement, d’urbanisme, de propreté et de fluidité de circulation, c’est, entre autres, grâce aux projets lancés pour organiser le stationnement», estime-t-il.

Entre le parking de la Place Moulay Hassan (285 places), le parking limitrophobe au thépatre Mohammed V (240 place), le parking de la Place Bab El Had, en attende d’inauguration (500 places) et le parking de Bab Chellah, en cours de réalisation (500 places), le centre ville de Rabat devrait être bien servi en termes de places de stationnement.

Reste à résoudre le problème de tarification, d’accessibilité et de sécurité afin d’inciter les gens à se garer davantage dans les parkings et désengorger les rues pour une circulation plus fluide, moins polluante et moins bruyante.

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