Une pétition pour la préservation du patrimoine moderne au Maroc

A l’initiative de plusieurs acteurs culturels et associatifs 

Un cri de détresse ! En effet, des acteurs culturels et associatifs  ont lancé une pétition pour la préservation du patrimoine moderne au Maroc.

«Nous membres de la société civile, ayant droits des artistes et des architectes concernés par cette mise en garde, et plus largement architectes, artistes, hommes de lettres, chercheurs, producteurs et productrices culturels de tous horizons mais avant tout liés à la défense du patrimoine marocain (notamment le patrimoine moderne), souhaitons alerter sur la menace qui pèse sur ce dernier.», précisent les signataires héritiers et ayant droits à savoir Mohammed Chabâa, Mohamed Melehi et Abdeslem Faraoui dans une lettre ouverte adressée au Ministère de la Culture et la Fondation nationale des Musées.

«C’est en effet avec stupeur que nous avons appris la nouvelle d’une vente aux enchères Artcurial (société française installée à Marrakech) organisée le 30 mai 2021, dans laquelle sont mises en vente des «intégrations» de Mohammed Chabâa et Mohamed Melehi. Autrement dit des œuvres pensées pour et intégrées de manière pérenne à l’architecture. Ces panneaux peints pour plafond et ces claustras en bois sculpté furent conçus de manière intégrale et organique avec le bâtiment qui les accueille; et de concert entre artistes et architectes. En l’occurrence, l’hôtel « Roses du Dadès », construit en 1971-72, à Kelaat M’gounna, réalisation des architectes feux Abdeslem Faraoui et Patrice De Mazières qui trouvèrent avec les artistes du groupe de Casablanca de parfaits collaborateurs. », ajoute la même source.

Et d’ajouter : « il est extrêmement choquant qu’à des fins purement spéculatives et mercantiles on ait laissé faire ce démantèlement d’un joyau artistique; emblématique de l’âge d’or de l’art moderne marocain, notamment avec les artistes du Groupe de Casablanca, aujourd’hui célébrés de par le monde. Quelles que furent les motivations du propriétaire des lieux pour se défausser de ses responsabilités, touchant à la fois à l’entretien et à la conservation de ces intégrations, il est d’autant plus choquant que les héritiers et ayant droits de Chabâa et Melehi n’aient nullement été tenus au courant.»

Par ailleurs, une cellule de soutien à la cause de la sauvegarde des hôtels-intégrations Faraoui, De Mazières, Groupe de Casablanca a été construite par Nadia Chabâa, Imad Dahmani (MAMMA), Sanae El Younssi, Salma Lahlou (Thinkart) et Lahbib ElMoumni (MAMMA).

«L’intégration de l’art «et» de l’architecture (et non de l’art «à» l’architecture) crée une symbiose entre deux disciplines complémentaires, voire à certaines époques, en totale fusion; que ce soit à la fin du Moyen-âge et à la Renaissance dans le monde occidental ou, en un sens, comme l’ont révélé et revendiqué Chabâa et Melehi, encore plus au Maroc où l’intégration des arts plastiques à l’espace de vie est toujours allé de soi. Avec les « Roses du Dadès », comme pour deux autres hôtels (« Gorges du Dadès » et « Taliouine ») également conçus par Faraoui et De Mazières, le Maroc qui fut un pays pionnier pour les collaborations artistes/architectes, peut jouir d’exemples quasi uniques dans le monde arabe et sur le continent africain. Pourtant d’aucuns se sont cru autorisés à s’approprier des fragments d’architecture intérieure profanant un lieu pensé peu ou prou comme public. Ne pas conserver ces bâtiments dans leur intégralité revient à oblitérer la mémoire de l’art moderne marocain. », peut on lire dans la lettre ouverte.

Et d’ajouter : «afin de mieux cerner les limites juridiques d’une telle opération de la part du vendeur de ces fragments, comme de la part de Artcurial, il convient d’en revenir à la base du droit à la propriété intellectuelle: une œuvre est protégée dès lors qu’elle est originale, ce qui signifie qu’elle porte l’empreinte de son ou de ses auteur(s). Dans le cas de l’hôtel qui nous préoccupe, les artistes-plasticiens (en tant qu’auteurs), comme les architectes détiennent des « droits moraux « , en vertu desquels ils jouissent d’un droit à protéger l’intégrité de leurs œuvres et d’un droit de paternité sur elles, à la fois imprescriptibles et inaliénables. En cas de disparition des auteurs, ces droits sont exercés pleinement par leurs héritiers.»

Dans le cas où la procédure d’inscription au patrimoine national (loi 22-80) ne permettrait pas de protéger à temps un bâtiment et ses intégrations, il revient aux pouvoirs publics (le Ministère de la culture et la Fondation Nationale des Musées), d’intervenir. D’abord pour stopper la vente des œuvres attribuées à Chabâa et Melehi, annoncée pour le 30 mai prochain par Artcurial, et ensuite pour interdire toute exportation des œuvres concernées hors du Maroc, qu’elle soit temporaire ou définitive, afin d’éviter leur défiguration et spoliation, précisent signataires.

Une procédure de classement rapide des hôtels « Roses du Dadès », « Gorges du Dadès » et « Taliouine » par le Ministère de la Culture constituerait une prise de conscience salvatrice face à la mise en danger de notre patrimoine culturel national, affirme la même source.

Et pour défendre cette cause, un groupe de groupe de soutien a été créé comprenant de grands noms de la scène artistique et culturelle nationale dont Rachid Andaloussi (architecte), Malika Agueznay ( artiste-peintre), Fikri Benabdellah (architecte), Tahar Benjelloun ( écrivain et peintre), Jamil Bennani (designer), Mohammed Bennis (poète et écrivain) , Rachid Boufous (architecte et urbaniste), Najiba Elalamy El Malti (architecte), Mohammed Hamdouni Alami (architecte et historien de l’art), Abdellah Hariri (artiste-peintre), Noureddine Komiha ( architecte), Abdellatif Laâbi ( poète et écrivain), Jocelyne Laâbi (retraitée), Abdelkader Laârej(artiste-peintre), Hicham Lahlou ( designer), Ahmed Madini ( écrivain), Toni Maraini (historienne de l’art), Abdelkader Melehi ( artiste-peintre), Mohamed Metalsi (professeur chercheur), Zhor Mokhtari (enseignante) , Mostafa Nissabouri ( poète et écrivain), Faten Safieddine ( critique d’art), Maurice Serfaty ( réalisateur de documentaires), Selma Zerhouni ( architecte, fondatrice de la revue AM Architecture du Maroc, Abdellah Ziou Ziou ( psychiatre).

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