S’engager à abandonner

Par Ouardirhi Abdelaziz

Depuis 1987, le 31 mai de chaque année est consacré journée mondiale sans tabac. L’OMS et ses partenaires célèbrent partout dans le monde cette journée mondiale, mettant en exergue les risques de la consommation du tabac et préconisant des politiques efficaces pour la réduire. Le thème pour cette année 2021 est court et percutant : « S’engager à abandonner » (Commit to quit). Peu de mots, mais plus des actes. Espérons que les moyens suivront.

A l’instar d’autres pays dans le monde, le Maroc célèbre le 31 mai, la journée mondiale sans Tabac, dont le thème retenu cette année est «S’engager à abandonner ». L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu’en 2020, le tabac était la principale cause de décès et d’incapacité, avec plus de 10 millions de victimes par an. 80 % de ces décès surviennent dans les pays à développement faible ou intermédiaire. Ce que beaucoup de personnes ignorent, c’est que le tabagisme entraine plus de décès à travers le monde que le Sida, la tuberculose, la mortalité maternelle, les accidents de voiture, les suicides et les homicides combinés. Il provoquera au cours de ce 2e  Siècle, plus d’un milliard de morts. La plupart des gens savent que le tabac provoque des cancers et des affections pulmonaires, mais on ignore bien souvent le rôle qu’il joue dans l’infarctus du myocarde et les accidents vasculaires cérébraux, qui viennent en tête des causes de décès dans le monde. », admet d’ailleurs le directeur général de l’OMS, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus.

Des chiffres alarmants

En 2018 à Cap Town, 100 pays et 2000 participants avaient pris part à la 17ème conférence mondiale sur le «tabac ou la santé » (WCTOH), dont les travaux s’étaient déroules du 7 au 9 mars. Les chiffres révélés à cette occasion sont alarmants .L’Industrie du tabac a vendu 5500 milliards de cigarettes en 2017 à environ un milliard de personnes à travers le monde pour des revenus estimés à 700 milliards de dollars.

Les décès dus aux cancers causés par la consommation des cigarettes s’élèvent à 7 millions de personnes par année.

En Afrique, la situation est encore plus alarmante. En effet, si les pays développés sont parvenus à limiter la consommation, notamment par l’interdiction de la publicité et l’interdiction de fumer dans les espaces publics, le nombre de fumeurs ne cesse de croître sur le continent. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recense 700 millions de fumeurs sur l’ensemble du continent et enregistre une progression de la consommation du tabac estimée à 52% depuis 1980. Au regard de ces chiffres, on mesure l’ampleur des dégâts, des chiffres qui ne présagent rien de bon pour les générations futures. Tous les pays, les gouvernements, les associations qui militent pour la santé et l’environnement, la société civile, les parents, l’école, doivent se mobiliser davantage pour une génération sans tabac.

La situation au Maroc

Il est à rappeler que la prévalence du tabagisme au Maroc est de 13.4% chez adultes âgés de plus de 18 ans, dont 26.9% des hommes et 0,4% des femmes (STEPS 2018) et chez les élèves âgés de 13 à 15 est à 6%( GYTS 2016), alors qu’environ 35.6% de la population est exposée au tabagisme passif dans les lieux publics et professionnels. Les spécialistes du phénomène renvoient cette hausse dans les milieux des jeunes et adolescents à la non compatibilité des lois et des législations en vigueur.

A cause du tabagisme actif et passif, notre population paye chaque année un lourd tribut en vies humaines. Les jeunes sont très exposés et les coûts de prises en charge des pathologies inhérentes au tabac, sous toutes les formes, représentent un lourd fardeau pour nos hôpitaux et pour les caisses d’assurance maladie obligatoire. Ces dépenses de santé ont été estimées à près de 16 371 millions de dirhams. La tendance est à la hausse du fait du nombre croissant des personnes qui fument. Le Maroc est considéré comme l’un des plus grands consommateurs de tabac dans la zone méditerranéenne avec plus de 15 milliards de cigarettes par an. Le cancer du poumon dus au tabac s’élève à  90% des cancers du poumon enregistrés. Le tabac serait également responsable de 25% des insuffisances coronaires dont l’infarctus. Selon le rapport de l’équipe de  chercheurs de Tabacco Atlas qui nous informe que 17.644 marocains sont morts en 2017 à cause du Tabac.

Le tabagisme et les enfants : une préoccupation majeure

Des enfants, des filles et garçons qui fument dans la rue, ou aux abords des lycées. C’est devenu un cliché relativement banal de nos jours au sein de notre société, qui regarde, observe, sans jamais oser agir. Pourtant la consommation de tabac chez les jeunes est une préoccupation majeure pour les parents, qui espèrent tous que leurs enfants soient en bonne santé et qu’ils ne tombent pas dans le piège tentaculaire du tabagisme. De ce fait, notre société, nos élus et gouvernants se doivent d’agir afin de tout mettre en œuvre pour que ces jeunes enfants puissent grandir dans un monde sans tabac. Ce qui contribuera à ne pas en douter à un meilleur état de santé physique et mental. Pour ce faire et afin d’atteindre de tels objectifs, il est nécessaire que des mesures éprouvées au niveau national soient appliquées avec force.

Premièrement, il faut dès aujourd’hui mettre en place des  actions rapides pour lutter efficacement contre le tabagisme auprès des jeunes.

Il appartient à l’Etat d’adopter des mesures rigoureuses, à commencer par interdire les vendeurs de cigarettes au détail qui pullulent, qui sont à tous les coins de rues, devant les collèges et les lycées, l’interdiction de vente aux mineurs, qui est de nature à participer au processus de « dénormalisation » du tabagisme.

Il s’agit aussi d’interdire de fumer dans les lieux à usage collectif, notamment les lieux fréquentés par les jeunes, comme les lieux de loisirs, installations sportives, théâtres, cinéma…

Suivre les enfants à l’école et s’assurer de leurs fréquentations ; ne pas leur permettre d’être avec des jeunes qui fument. Encourager ses enfants à adopter une hygiène de vie saine, de pratiquer à des activités physiques, de préférer le plein air et la nature aux lieux fermés et enfumés. L’école doit jouer son rôle d’éducation et interdire le tabagisme à l’intérieur de ses murs. Sensibiliser les parents qui fument à domicile sur les dangers du tabagisme passif auxquels leurs enfants sont exposés. Les bébés d’aujourd’hui et les enfants de demain, seront ainsi protégés du tabagisme et pourront jouer et s’amuser dans des environnements sains.

Quid du rôle des professionnels de santé ?

La Journée mondiale sans tabac vise à mettre l’accent sur le rôle décisif joué par les professionnels de la santé dans la lutte antitabac. En effet, les médecins et les infirmiers sont en contact avec un pourcentage élevé de la population cible, aussi bien au niveau des consultations ou en milieu hospitalier. Dans la grande majorité des cas, ces professionnels de santé, ont l’occasion d’aider les fumeurs à modifier leur comportement, grâce aux séances de sensibilisations, d’éducation, ou à l’occasion des différentes prestations sanitaires.

Grace à la relation soignant-soigné, et à la confiance que place le malade dan les membres de l’équipe soignante; il devient plus aisé de donner des conseils et des réponses aux questions relatives aux conséquences du tabagisme et surtout pour les professionnels de santé qui donnent l’exemple en s’abstenant eux-mêmes de fumer.

Loi anti-tabac : circulez, il n’y a rien à voir

Le Maroc est doté d’une loi qui interdit de fumer dans les lieux publics. Il s’agit de la loi (15-91) qui  interdit aussi la publicité pour le tabac. Une loi qui n’a été promulguée qu’en août 1995. Mais sans ses décrets d’application, elle reste lettre morte.

Il est très clair que les autorités ne veulent pas appliquer la loi pour préserver les recettes fiscales que génère le secteur des tabacs qui sont estimées à plus de 10 milliards de dirhams par an.

Nul besoin de faire un dessein, ce n’est pas demain que cette loi sera respectée à la lettre, et que les contrevents seront pénalisés pour avoir grillé une cigarette dans un lieu public. Et à propos de lieux publics ou il est interdit de fumer, personnellement, je constate toujours que certaines personnes fument au sein des hôpitaux, des centres de santé, des transports en commun, des restaurants, des cafés, et tout cela se passe sans aucune gêne. Si vous avez l’audace de rouspéter ou de faire des remarques, on vous dira de changer d’endroit si vous n’êtes pas contents.

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