Haïti, de nouveau sur la voie du chaos?

Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

«Nous avons arrêté 15 Colombiens et deux américains d’origine haïtienne et tué 3 colombiens alors que huit autres sont encore en fuite (…) Les armes et les matériels utilisés par les assaillants ont été récupérés (…) Nous avons déjà en main les auteurs physiques et nous sommes toujours à la recherche des auteurs intellectuels» a indiqué, jeudi soir, Léon Charles, le directeur général de la police haïtienne.

Il aura donc fallu moins de quarante-huit heures à la police haïtienne pour procéder à l’arrestation de 20 des 28 membres du commando responsable de l’assassinat, dans la nuit de mardi à mercredi, du président Jovenel Moïse; à savoir 26 Colombiens et deux Américains d’origine haïtienne.

Aussi, sans confirmer l’arrestation de ressortissants américains, Washington a annoncé, néanmoins,  l’envoi à Port-au-Prince de responsables du FBI et de la sécurité intérieure «aussi vite que possible».

Déplorant l’assassinat du président haïtien, Diego Molano, le ministre colombien de la Défense a précisé, depuis Bogota, qu’au moins six des mercenaires soupçonnés d’être impliqués dans cette tuerie seraient «d’anciens membres de l’armée» colombienne alors que Taïpeh a fait savoir, vendredi, que onze suspects ont été arrêtés dans les bâtiments de l’ambassade de Taïwan à Port-au-Prince et que le département d’Etat américain aux Affaires étrangères a annoncé avoir accepté d’aider la police hawaïenne dans son enquête.

Mais s’il est, certes, louable que  la police hawaïenne ait pu rapidement mettre la main sur les assaillants, ce qui complique la situation c’est que cette attaque déstabilise fortement un pays qui, en plus, d’être le plus pauvre des Amériques est gangrené par l’insécurité. Et le drame ne s’arrête pas là puisqu’aux questions afférentes à la traque des auteurs de l’attaque viennent s’ajouter celles concernant l’avenir d’Haïti en ce moment où deux hommes prétendent diriger le pays.

En effet, l’un des derniers gestes politiques du défunt président  Jovenel Moïse avait été la nomination, lundi, d’Ariel Henry en tant que nouveau Premier ministre. Mais comme ce dernier n’avait pas encore pris officiellement ses fonctions quand le chef de l’Etat a été assassiné, c’est le Premier ministre Claude Joseph qui a annoncé la mort du président et décrété, immédiatement, l’Etat de siège conférant des pouvoirs étendus à l’exécutif ; un Etat de siège censé durer quinze jours.

Rappelant que, depuis lundi, Claude Joseph est ministre des Affaires étrangères et non plus Premier ministre, Ariel Henry a dénoncé, avec force, le comportement de l’ancien Premier ministre tout en se demandant s’il y a «plusieurs premiers ministres nommés dans le pays».

Interrogé par le journal «Nouvelliste», Ariel Henry, évoquant «une opportunité de dialogue pour arriver à un accord» déclarera: «Je suis un Premier ministre car un arrêté a été pris en ma faveur (…) et j’étais en train de choisir les membres de mon cabinet. On était même très avancés. Il faut que je continue».

Lui emboîtant le pas, l’opposition politique a accusé Claude Joseph d’accaparer le pouvoir et Maître Jean Gédéon, défenseur des droits humains, trouve «suspect» l’empressement de l’ancien Premier ministre à déclarer l’Etat de siège; ce qui laisse «entrevoir une tentative de coup d’Etat».

Claude Joseph qui ne l’entend pas de cette oreille a, de son côté, lancé un appel au calme et assuré que l’armée et la police s’occupent du maintien de l’ordre. Ces propos ont été confirmés par le secrétaire d’Etat à la Communication, Frantz Exantus lorsqu’il a précisé, sur son compte Twitter, que «l’administration publique reprend son fonctionnement régulier».

Craignant que les mercenaires qui ont assassiné le chef de l’Etat ne détruisent «quelques infrastructures afin de créer le chaos dans le pays» Mathias Pierre, le ministre chargé des questions électorales, a annoncé, avoir  sollicité l’aide de Washington et de l’ONU. Mais si le département d’Etat américain a signalé qu’il se tenait à la disposition d’Haïti pour convenir, ensemble, de la forme que pourrait prendre cette intervention, une source diplomatique de l’ONU a indiqué que la protection de l’aéroport et des installations pétrolières d’Haïti par des forces onusiennes reste, toutefois, subordonnée à l’adoption d’une résolution du Conseil de Sécurité.

Si, à l’heure qu’il est, le mystère reste entier quant aux commanditaires et aux raisons de l’assassinat du président Jovenel Moïse, rien n’indique, non plus, que l’intervention de l’administration américaine et de l’Organisation des Nations-Unies vont épargner à Haïti une nouvelle plongée dans le chaos. Alors, attendons pour voir…

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