L’Afghanistan au cœur de la rivalité entre l’Inde et le Pakistan

Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

La chute de l’Afghanistan après le retrait des troupes étrangères et sa reprise en main par les talibans va, incontestablement, bouleverser les équilibres régionaux en Asie du Sud et donner lieu à une nouvelle distribution des cartes entre ces deux éternels grands rivaux que sont l’Inde et le Pakistan qui, dans le cadre de la recherche du leadership régional, avaient, depuis des décennies, fait de ce pays, l’arrière-cour de leurs rivalités.

Si la victoire des Talibans, dont le mouvement est né au Pakistan, est, pour Islamabad, une revanche sur l’histoire puisque c’est l’intervention militaire américaine, en Afghanistan, après les attentats du 11 septembre 2001, qui lui avait fait perdre cette base arrière, c’est aussi cette même intervention qui avait permis à New-Delhi de renforcer ses liens avec Washington, en tant que nouvelle puissance « administrante » du pays,  et de devenir le cinquième donateur de l’Afghanistan en investissant plus de trois milliards de dollars au titre de la reconstruction du pays en y édifiant des bâtiments, des routes, des barrages, des écoles, des hôpitaux  et divers autres ouvrages.

Mais, comme le rappellera, à France 24, Farzana Shaikh, spécialiste du Pakistan au « Royal Institute of International Affairs » de Londres, « sous Ghani, l’Afghanistan était considéré comme particulièrement proche de l’Inde et cela a, bien sûr, causé beaucoup de consternation car toute la politique étrangère du Pakistan est façonnée par sa peur d’être encerclé par l’Inde, à l’est, et par un gouvernement afghan pro-indien à l’ouest et au nord ». Aussi, est-il logique que le retour des Talibans soit vu par Islamabad comme étant une victoire puisqu’il lui donne, enfin, l’occasion d’avoir ce qu’il a toujours souhaité ; à savoir, un « gouvernement ami » en Afghanistan.

La prise de Kaboul par les Talibans ayant donc constitué un revers stratégique pour l’Inde qui fut un fidèle allié des présidents Hamid Karzai puis Ashraf Ghani, le premier ministre pakistanais, Imran Khan, s’est réjoui, sur les ondes de la télévision nationale, du fait que les nouveaux maîtres de l’Afghanistan ont « brisé les chaînes de l’esclavage » avec l’Occident.

Or, étant donné qu’un même évènement ne produit pas nécessairement les mêmes effets, son homologue indien, Narendra Modi, s’est, de son côté, pratiquement muré dans un silence total puisque ce n’est que le 20 août qu’à l’occasion d’un déplacement pour la reconstruction d’un temple à Gujarat, il s’est permis de déclarer, de manière sibylline,  que « les forces destructrices et les personnes qui suivent l’idéologie de la création d’empires par la terreur peuvent dominer pendant un certain temps mais (que) leur existence n’est pas permanente car elles ne peuvent pas supprimer l’humanité pour toujours ».

L’accueil chaleureux qu’avait réservé le peuple afghan à ses frères indiens venus l’aider à reconstruire son pays aurait-il contribué, comme l’a affirmé « The Indian Express », à « aveugler  l’Inde » et  à pousser cette dernière, d’une part, à faire l’erreur de « surestimer » la manière avec laquelle Washington allait gérer le départ de ses troupes et, d’autre part, à ne point « reconnaître la faiblesse du gouvernement afghan » ? Tout semble l’indiquer. En outre, au vu de la rapidité avec laquelle l’Afghanistan est tombé entre les mains des Talibans, il est clair que non seulement le gouvernement de Kaboul était encore trop faible pour gérer le pays mais aussi que, pour des questions de géopolitique, les troupes étrangères étaient pressées de rentrer chez elles et qu’elles l’ont fait sans même prendre la peine de se retourner.

De quoi donc demain sera-t-il fait en Afghanistan ? Attendons pour voir…

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