Un ftour chez Hassan et Karina

Buenos Aires

Rachid MAMOUNI – MAP

Une évocation en lettres latines du mois sacré de Ramadan, inscrite sur une banderole décorative suspendue au plafond, accueille le visiteur au domicile de la famille de Hassan El Bacha, dans un quartier résidentiel du centre de Buenos Aires.

Hassan est le petit-fils d’un immigrant syrien arrivé en Argentine dans les années trente du siècle passé. Les 90 ans passés depuis que le grand-père, dont il a hérité le prénom, a foulé le sol argentin n’ont pas affecté l’attachement de cette famille à la foi musulmane, une foi transmise de père en fils et Hassan n’a pas l’intention de déroger à cette tradition.
Son grand-père, Hassan Abdel Malek El Bacha originaire de Yabrud au nord de Damas, a été parmi les fondateurs du Centre islamique de la République Argentine, principal interlocuteur des autorités du pays au sujet des questions relatives à la communauté musulmane.

Pour Hassan, le mois de Ramadan est un moment privilégié pour perpétuer les traditions de la famille, dans un climat de ferveur, de recueillement et de convivialité.
« Alhamdoullah, nous accomplissons le jeûne du mois sacré en famille dans la foi, la bénédiction et la Baraka, ainsi que les prières et les supplications », a dit Hassan au micro de M24.
Son épouse Karina, bien qu’issue d’une famille catholique, est sa principale complice pour perpétuer les traditions musulmanes de la famille. Elle a fait preuve d’une grande générosité de cœur et d’une tolérance rare pour l’éducation de leurs deux garçons selon les préceptes de l’Islam.
« Nous nous sommes connus, Karina et moi à la faculté en 1993 et nous nous sommes mariés en 1999. Dès le premier jour, Karina savait que je suis musulman », raconte Hassan un brin nostalgique.
« A cette époque, ajoute-t-il, le mois de ramadan coïncidait avec l’été austral (entre novembre et décembre) et Karina m’avait accompagné dans le jeûne à plusieurs reprises ».

Karina confie à M24 que « pendant les premières années de notre mariage, les journées de ramadan étaient assez longues. J’accompagnais Hassan pendant le jeûne et nous partagions le ftour avec sa famille ».
Puis en 2002 naissait le premier bébé de la famille, Nasser, un jeune gaillard de 20 ans, étudiant à l’Université de Buenos Aires. Et en 2006, le benjamin de la famille est né. Hassan l’a prénommé Jibril.
Dès le début de leur relation conjugale, Hassan avait convenu avec son épouse de lui donner la liberté d’inculquer à leurs enfants les valeurs musulmanes. Karina y a concédé sans l’ombre d’une hésitation.
En faisant un flashback vers la fin des années 90 du siècle passé, Hassan raconte qu’il avait dit à Karina : « Je serai honoré de me marier avec toi, mais je souhaite que mes enfants adoptent la foi musulmane. Elle a accepté sans problème pour que je puisse réaliser ce désir de faire de ma progéniture des enfants professant l’Islam, parce que j’ai toujours souhaité que mes enfants perpétuent la tradition musulmane de la famille et la croyance en dieu unique et en son prophète Mohamed».

Karina avoue que lorsqu’elle avait connu son futur époux, elle connaissait très peu l’Islam. « Hassan est doté d’une grande force spirituelle, raconte-t-elle. J’ai vite compris que pour lui, la religion était un pilier très important et je me suis dite que si cela le rendait heureux, moi je vais l’accompagner dans cette aventure », poursuit-elle.
Ses appréhensions du début se sont évanouies face à l’accueil chaleureux et « l’affection de toutes parts » dont elle a été entourée par la famille El Bacha. 28 ans plus tard, Karina se dit « très contente d’avoir des enfants élevés dans la foi musulmane (même si elle ne s’est pas convertie à cette religion). J’ai laissé à Hassan la liberté de les élever dans la foi musulmane parce que je me disais que si le papa avait de telles valeurs morales de droiture et d’honnêteté, mes enfants vont en hériter ».

Pour elle, « le respect mutuel est un facteur fondamental dans la réussite de leur vie conjugale ».
Karina, affable et très reconnaissante, se rappelle qu’elle ne s’est pas « sentie différente au sein ma belle-famille. Bien au contraire. Je me suis toujours sentie très à l’aise au sein de la famille de Hassan. Peut-être aussi parce que sa grand-mère venait d’une famille catholique ».
Amusé par l’étonnement que suscite son histoire avec Karina et ses enfants élevés dans la foi musulmane, Hassan souligne que chacune des histoires des musulmans qui ont émigré en Argentine revêt un caractère particulier. La sienne avec Karina est un exemple rare de tolérance et de patience dans un pays très étendu où vivent moins d’un demi-million de musulmans.

A quelques minutes de la rupture du jeûne alors que le soleil déclinait derrière les hauts immeubles à l’ouest de la ville, dans le domicile de Hassan et Karina flotte un air de ramadan au cœur de Buenos Aires.
Sur la table du ftour, Hassan, en cuisinier passionné, alterne avec une facilité déconcertante les plats argentin et syrien, même s’il n’avait jamais mis les pieds au pays de ses ancêtres. Les réminiscences du savoir-faire de sa mère Sara El Kadri, sont évidentes dans sa maîtrise des recettes libanaises et syriennes. Son grand-père maternel, Khaled El Kadri avait lui aussi quitté Beyrouth et mis le cap sur l’Argentine à la recherche d’un avenir meilleur pour sa progéniture.

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