Irlande du Nord : Le Sinn Fein remporte les élections

Attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

Alors que depuis qu’elle a été érigée, en 1921, en tant que province du Royaume-Uni à majorité protestante, elle a toujours été administrée par des gouvernements « unionistes » adeptes d’un rattachement à Londres, l’Irlande du Nord est en train de vivre un tournant historique.

En effet, à l’issue du scrutin législatif qui a eu lieu ce jeudi, au titre de la désignation des 90 députés de l’Assemblée locale, c’est le Sinn Fein, parti nationaliste favorable à une réunification de l’Irlande, qui a remporté une victoire historique face à son éternel rival fidèle à la couronne britannique, le Parti Unioniste Démocrate (DUP).

Ancienne vitrine politique du groupe paramilitaire Armée Républicaine Irlandaise (IRA), le Sinn Fein a donc arraché, cette semaine et pour la première fois depuis cent ans, la possibilité de nommer une Première ministre.

Pour rappel, après avoir été marquée par trois décennies de troubles sanglants entre les unionistes et les républicains puis par l’agitation à laquelle avait donné lieu le Brexit, l’Irlande du Nord avait replongé, en Février dernier, dans l’incertitude lorsqu’en étant mécontent de la situation post-Brexit, le Premier ministre unioniste, Paul Givan, avait démissionné ; ce qui avait entraîné, dans la foulée, le départ de la vice-Première ministre nationaliste et cheffe du Sinn Fein en Irlande du Nord, Michelle O’Neill, 45 ans.  

Aussi, en voyant que cette entrée dans « une nouvelle ère » constitue « un moment très important » dans l’histoire de la province, la dirigeante du Sinn Fein en Irlande du Nord, a promis « de dépasser les divisions » et d’offrir « un leadership inclusif, qui célèbre la diversité et garantit les droits et l’égalité pour ceux qui ont été exclus, discriminés ou ignorés dans le passé ».

Mais en considérant qu’en vertu de l’accord de paix du 10 Avril 1998 – dit Accord du Vendredi Saint – signé 26 ans après le terrible « Bloody Sunday » et prévoyant le partage du pouvoir entre élus protestants et catholiques au sein d’institutions semi-autonomes, dont une assemblée d’Irlande du Nord, un Conseil Nord-Sud irlandais et un nouveau conseil britannique, le gouvernement doit être dirigé conjointement par les nationalistes et les unionistes, la formation de cette nouvelle équipe gouvernementale s’annonce difficile avec un risque de paralysie politique même si, pour tendre la main à ses rivaux politiques, le Sinn Fein a relégué, au second plan, la revendication de réunification de l’Irlande et donné la priorité aux questions sociales car le Parti Unioniste Démocrate (DUP) refuse de participer à un gouvernement tant que resteront en place ces contrôles douaniers post-Brexit qui, à ses yeux, menacent l’intégrité du Royaume-Uni.

Ainsi, bien qu’étant favorable à la constitution d’un gouvernement en Irlande du Nord, le chef du DUP, Jeffrey Donaldson, qui déplore le fait que le protocole nord-irlandais négocié par Londres et l’Union européenne porte « atteinte à l’économie » de la province et à sa « stabilité politique », a exigé que la nouvelle équipe gouvernementale puisse reposer « sur des fondations stables ». L’autre ténor du parti unioniste, Edwin Poots, a tenu à rappeler, pour sa part, qu’« avec un peu de chance », les négociations entre les deux partis nord-irlandais pourraient prendre « des semaines voire même des mois ».  

« Les gens ont parlé et notre travail est maintenant de faire acte de présence. J’attends des autres qu’ils fassent de même » a déclaré, de son côté, Michelle O’Neill qui, après avoir accordé, durant sa campagne électorale, plus d’importance aux questions sociales et sociétales plutôt qu’aux questions constitutionnelles, a estimé que le nouvel exécutif devrait s’attaquer, en priorité, à l’envolée du coût de la vie et appelé, en conséquence, à la tenue d’un « débat sain ».

La porte des négociations étant, désormais, ouverte, il reste à savoir si celles-ci vont permettre au Sinn Fein de s’atteler, dans les plus brefs délais, à la gestion de l’Irlande du Nord ou plonger la province dans une nouvelle crise politique dont elle n’a vraiment pas besoin.

Quoiqu’il en soit, attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

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