Ukraine : nouvelle mise en garde de Moscou

Combats acharnés à Severodonetsk

La bataille faisait toujours rage lundi à Severodonetsk, une ville-clé de l’est de l’Ukraine soumise à un intense feu russe où le président ukrainien reconnaît une situation « difficile », tandis que Moscou a de nouveau mis en garde les Occidentaux en cas de livraisons d’armes de longue portée.
Les forces ukrainiennes « tiennent bon » à Severodonetsk, mais les Russes y sont « plus nombreux et plus puissants », si bien que la situation est « difficile » sur le front oriental, a déclaré Volodymyr Zelensky devant des journalistes à Kiev.
« Les principaux efforts de l’ennemi se concentrent » sur une tentative de totalement s’emparer de ce centre industriel et de « bloquer » les troupes ukrainiennes dans la région voisine de Lyssytchansk, a fait savoir dans la soirée l’armée ukrainienne.

« Nos soldats gardent le contrôle de Severodonetsk, les combats se poursuivent dans sa partie orientale », a-t-elle ajouté dans son communiqué.
Le gouverneur régional Serguiï Gaïdaï avait plus tôt souligné que la situation s’était « aggravée » pour les Ukrainiens, malgré une contre-attaque qui a permis de reprendre la moitié de cette cité.
Son maire, Oleksandre Striouk, a pour sa part raconté à l’agence de presse UNIAN que « la situation changeait toutes les heures » et que d' »intenses combats de rue » étaient en cours, ainsi qu’un « duel d’artillerie ».
Selon M. Gaïdaï, les bombardements se sont encore intensifiés sur Severodonetsk et Lyssytchansk, une localité située sur « les hauteurs » et stratégique pour « tenir la ligne de défense ».
Les Russes « détruisent tout avec leur tactique habituelle de terre brûlée » pour qu’il « ne reste plus rien à défendre », a accusé le gouverneur.
Severodonetsk est la plus grande agglomération encore aux mains des Ukrainiens dans la région de Lougansk, où les soldats russes ont avancé ces dernières semaines.
Pour la Russie, mettre la main sur cette ville serait déterminant en vue d’une conquête de l’intégralité du vaste bassin houiller du Donbass, déjà en partie tenu par des séparatistes prorusses depuis 2014.
Ses forces armées ont poursuivi ces dernières 24 heures leur offensive sur d’autres fronts dans l’est de l’Ukraine, où « sept attaques (…) ont été repoussées » dans les régions de Donetsk et de Lougansk, selon les autorités ukrainiennes.
A Moscou, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a à son tour mis en garde les pays occidentaux contre des livraisons à Kiev d’armes de longue portée.
« Plus les armes de longue portée que vous livrerez seront performantes, plus nous repousserons loin de notre territoire les lignes » ukrainiennes, a averti M. Lavrov lundi au cours d’une conférence de presse en ligne.
La veille, c’était le président Vladimir Poutine qui avait menacé de frapper « des sites que nous n’avons pas visés jusqu’à présent », si de telles armes étaient fournies.
Cela n’a pas empêché Londres d’annoncer lundi la livraison de lance-roquettes M270 MLRS d’une portée de 80 kilomètres, en complément des Himars de même portée promis la semaine dernière par Washington.
Les experts militaires soulignent que cette portée est légèrement supérieure à celle des systèmes analogues russes, ce qui permettrait aux forces ukrainiennes de frapper l’artillerie adverse en restant hors d’atteinte.
Lavrov a aussi fustigé la fermeture « scandaleuse » par trois pays européens de leur espace aérien à l’avion qui devait l’emmener en Serbie, où son déplacement de deux jours a dû être annulé.
« L’inconcevable s’est produit », a-t-il réagi, « on a privé un Etat souverain de son droit d’exercer sa politique extérieure ».
La Bulgarie, la Macédoine du Nord et le Monténégro, tous trois membres de l’Otan, ont pris une telle mesure en invoquant des sanctions imposées par Bruxelles à la Russie.
La Lettonie a quant à elle décidé lundi d’interdire de diffusion sur son territoire de toutes les chaînes de télévision ayant leur siège en Russie.
La veille, le président Zelensky avait rendu visite aux unités ukrainiennes déployées près de Bakhmout (région de Donetsk) et de Lyssytchansk (celle de Lougansk).
Il était aussi allé à Zaporijjia, dans le sud, à la rencontre d’habitants de Marioupol ayant réussi à fuir ce port stratégique pris par les Russes.
En mer Noire, l’armée ukrainienne a assuré lundi avoir largement fait reculer la flotte russe, une information invérifiable de source indépendante.
« À la suite de nos actions destinées à défaire les forces navales ennemies, le groupe de navires de la flotte russe de la mer Noire a été repoussé des côtes ukrainiennes à une distance de plus de cent kilomètres », a affirmé le ministère ukrainien de la Défense.
Selon lui, les troupes russes ont été en conséquence contraintes de déployer des systèmes de défense côtière en Crimée et dans la région méridionale ukrainienne de Kherson, qu’elles occupent.
« Nous avons privé la flotte russe du contrôle total de la partie nord-ouest de la mer Noire, qui est devenue une +zone grise+ », a encore dit le ministère, ajoutant que Moscou tentait actuellement d’y reprendre le dessus.
Les Russes maintiennent néanmoins leur blocus naval des ports ukrainiens, selon la même source, empêchant les exportations de céréales et faisant craindre des crises alimentaires dans les pays, notamment d’Afrique, qui en dépendent.
Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a jugé lundi « crédibles » les informations selon lesquelles la Russie « vole » les exportations de céréales ukrainiennes, « pour les vendre à son propre profit ».
« Tout cela est délibéré », a-t-il dit lors d’une conférence virtuelle sur l’insécurité alimentaire, accusant le président russe Vladimir Poutine de faire du « chantage » pour obtenir une levée des sanctions internationales contre l’invasion de l’Ukraine.
Le conflit oppose deux superpuissances céréalières, la Russie et l’Ukraine assurant 30% des exportations mondiales de blé, et il a provoqué une flambée des prix.
La quantité des céréales destinées à l’exportation et bloquées en Ukraine pourrait tripler d' »ici à l’automne » pour atteindre 75 millions de tonnes, a alerté lundi Volodymyr Zelensky.
« Nous avons besoin de couloirs maritimes et nous en discutons avec la Turquie et le Royaume-Uni » ainsi qu’avec l’ONU, a poursuivi le président ukrainien. Kiev évoque aussi ce sujet avec la Pologne et les Etats Baltes pour exporter de petits volumes par le rail.
Dans le même temps, le ministère américain de la Justice a ordonné la saisie de deux avions appartenant à l’oligarque russe Roman Abramovitch, les soupçonnant d’avoir été utilisés en violation des sanctions prises contre son pays.
La diplomatie russe a de son côté allongé lundi sa liste de citoyens américains interdits d’entrée en Russie, pour notamment y inclure la secrétaire au Trésor Janet Yellen, en représailles à des mesures similaires prises par Washington.
Les Etats-Unis et l’Europe ont par ailleurs réclamé à la Russie d’arrêter les violences sexuelles présumées commises par son armée et ses supplétifs en Ukraine, tandis que Moscou a dénoncé des accusations sans fondement, au cours d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU.

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