Le président Erdogan menace la Grèce

Attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

« Bonjour la Grèce, regardez l’Histoire. Si vous allez plus loin, vous paierez un lourd tribut », a déclaré le président turc Recep Tayyip Erdogan dans le discours qu’il a prononcé, ce samedi 3 septembre 2022, à Samsun, dans le nord du pays, à l’occasion du festival des technologies aériennes.

Dénonçant l’«action hostile » au cours de laquelle des avions turcs, en mission en Mer Egée, avaient été visés par le système grec de défense aérienne S-300, le président Erdogan a saisi cette occasion pour dire aux autorités grecques que leur « occupation des îles » [de la mer Egée proches de la Turquie] ne « lie »,  en aucun cas, les autorités d’Ankara qui se verront contraintes de « faire le nécessaire » au moment opportun.

L’avertissement du président Erdogan s’inscrit dans le contexte de la confrontation que se livrent, depuis longtemps, la Turquie et la Grèce à propos de leurs frontières maritimes et aériennes.

Aussi, en reprochant à la Grèce ses multiples violations de l’espace aérien turc et ses nombreux harcèlements contre l’aviation turque en Mer Egée, le président Recep Tayyip Erdogan a promis, à cette dernière, que si elle n’y met pas fin, elle va devoir payer un « prix élevé » et, en se référant au passé, a invité la Grèce à « regarde(r) l’Histoire », à « remonte(r) le Temps » et à se souvenir « d’Izmir » c’est-à-dire de ce que l’Histoire grecque a retenu comme étant « la grande catastrophe de Smyrne ».

Ce souvenir constitue, en effet, un moment charnière dans l’histoire des deux pays car c’est dans cette ville, – « Smyrne » pour les grecs et « Izmir » pour les turcs – qu’avaient eu lieu, il y a cent ans, du 13 au 17 septembre 1922, l’incendie qui avait ravagé la ville après son invasion par les troupes turques ainsi que le massacre et l’expulsion des populations grecques d’Asie mineure.

Si, pour l’Histoire grecque, cet évènement a pris l’appellation de « Grande catastrophe », du côté de la Turquie, il ne s’agissait que d’un échange de prisonniers entre les deux pays mis en place par le Traité de Lausanne du 24 Juillet 1923 qui avait mené à la proclamation de la République, par Mustapha Kemal Atatürk, le 29 Octobre 1923.

Mais, la déclaration d’Erdogan n’est pas fortuite car depuis plusieurs semaines, les tensions sont fortes entre la Grèce et la Turquie, toutes deux membres de l’OTAN et en proie à des difficultés internes.

Ainsi, si en Grèce, le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis (Nouvelle Démocratie, Droite conservatrice) est empêtré dans une sombre affaire d’écoutes téléphoniques qui le fragilise fortement, le président Erdogan fait face, quant à lui, à la grogne populaire du fait d’une inflation galopante et d’une dévaluation de la lire turque si bien que, dans cette situation où chacun des deux dirigeants accuse l’autre de tous les maux, les migrants se retrouvent pris en étau dans la bataille larvée que se livrent Athènes et Ankara.

Mais il y a lieu de reconnaître, toutefois, que si le contentieux entre les deux pays avait trait notamment au souhait de la Turquie de voir révisés les Traités de Sèvres et de Lausanne ayant fixé les frontières entre les deux pays, la querelle a atteint son paroxysme, d’abord, avec l’arrivée, en Juillet 2019, du Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis qu’Ankara accuse d’avoir mené une campagne pour saboter la vente d’armes américaines à la Turquie mais, surtout, avec la découverte de gisements d’hydrocarbures en mer Egée ; ce qui a donné, au président Erdogan, une nouvelle occasion de contester l’étendue des eaux territoriales grecques et, par voie de conséquence, de revendiquer une extension de son territoire.

S’il est sûr, enfin, que les relations gréco-turques seront au menu des discussions que la ministre française des Affaires étrangères et européennes aura, avec ses homologues turc et grec, le 5 septembre à Ankara et le 6 Septembre à Athènes, après que la France ait signé un accord de défense mutuelle avec la Grèce qui a été, très souvent, sur le point d’entrer en guerre avec la Turquie, espérons que la bataille des mots ne va pas laisser la place au grondement des canons et attendons pour voir…

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