Les canons tonnent de nouveau au Haut-Karabakh

Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

La guerre d’Ukraine retient tellement l’attention des chancelleries du monde entier que l’attaque lancée par l’Azerbaïdjan sur l’Arménie, dans la nuit du 12 au 13 septembre dernier, en dépit des poignées de mains officielles entre les chefs d’Etat des deux pays, est passée quasiment inaperçue nonobstant les 300 morts qu’elle a laissé sur le carreau en quelques heures et l’annexion, par les troupes azerbaïdjanaises, d’un territoire de quelques 50 kilomètres carrés. C’est à croire que l’Europe, réputée arbitre inflexible de la morale politique, se bouche les oreilles quand le grondement des canons azéris se fait entendre au Haut Karabakh.

Pour l’Histoire, le conflit qui oppose ces deux anciennes républiques soviétiques et qui a fait, à ce jour, plus de 30.000 morts concerne le Haut Karabakh, également appelé Artsakh, une enclave majoritairement peuplée d’arméniens qui, dès le démantèlement de l’ex-URSS, avait fait sécession de l’Azerbaïdjan, avec le soutien de l’Arménie, et proclamé son indépendance.

Ce conflit dure depuis la création de l’URSS et principalement depuis l’année 1921 lorsque Staline, voulant donner naissance au plus grand Etat fédéral transcontinental communiste, avait décidé, par la décision du 5 Juillet 1921, du Bureau caucasien du P.C.U.S., de rattacher la région du Haut-Karabakh – dont la population était majoritairement arménienne chrétienne  – à l’Azerbaïdjan dont les habitants sont, pour la plupart, de confession musulmane chiite et de couper, ainsi, tous liens entre l’Arménie et son territoire du Haut-Karabakh.

Ce « mariage forcé » va durer jusqu’en 1988 lorsque la « Perestroïka » initiée par Gorbatchev et le climat « libéral » qu’elle avait engendré vont permettre aux dirigeants du Haut-Karabakh de voter leur « séparation » de l’Azerbaïdjan et leur « rattachement » à l’Arménie car, en ne répondant à aucune réalité socio-culturelle, l’enclavement du Haut-Karabakh avait fait de ce territoire « une prison à ciel ouvert laissée volontairement à l’abandon pendant soixante-dix ans » dirons certains analystes. Aussi, l’effondrement de l’URSS en 1991 lui donnera-t-il l’occasion de proclamer unilatéralement son indépendance et même d’envoyer ses soldats «occuper des districts de l’Azerbaïdjan » qui n’en avaient jamais fait partie, comme le rappellera Jean Radvanyi, géographe spécialiste du Caucase et professeur à l’Institut national des langues et civilisations orientales de Paris (INALCO). La violence des affrontements qui éclateront, alors, entre les deux armées fera près de 30.000 morts et plusieurs centaines de milliers de réfugiés.

Aussi, pour mettre un terme à ce conflit et lui trouver une issue pacifique, après que le 20 Septembre 1992, le Parlement du Haut-Karabakh ait mis le monde entier face à un dilemme en demandant son adhésion à l’ONU et en poussant, ainsi, les instances internationales soit à réparer les erreurs de l’Histoire soit à fermer officiellement les yeux, l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) avait décidé de créer le « Groupe de Minsk », une organisation coprésidée par la France, les Etats-Unis et la Russie qui, sans parvenir à résoudre durablement ce contentieux territorial, parviendra, néanmoins, en 1994, à imposer,  entre les deux parties, un cessez-le feu qui durera jusqu’en 2016 lorsqu’une attaque perpétrée par l’armée azérie lancera la « guerre des Quatre jours » qui se soldera par près d’une centaine de morts et qui fut le prélude à d’autres attaques plus meurtrières les unes que les autres.

Après être sorti victorieux du conflit qui avait opposé Bakou à Erevan durant l’automne 2020, l’Azerbaïdjan a voulu récidiver au début de cet automne parvenant, ainsi, à « grapiller », en quelques heures et après la mort de 300 personnes, une bonne cinquantaine de kilomètres carrés.

Aussi, pour rétablir « la confiance » entre les deux pays et contribuer à la délimitation des frontières, l’Union européenne a dépêché, à compter de ce 7 Octobre, une « mission civile » en Arménie, le long de la frontière avec l’Azerbaïdjan. Est-ce suffisant pour mettre un terme aux ambitions expansionnistes de la pétro-dictature azerbaïdjanaise du président Ilham Aliyev ?

Pas sûr, mais attendons pour voir…

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