Les tchadiens contre une prorogation de la «transition»

Nabil El Bousaadi

Si le 20 Octobre 2022, N’djamena, la capitale du Tchad était à feu et à sang, il y a lieu de préciser que les manifestations qui se sont déroulées, ce jour-là, dans tout le pays et qui se sont soldées par la mort d’au moins 50 personnes et plusieurs dizaines de blessés, marquaient la date à laquelle la junte  militaire, au pouvoir depuis l’assassinat du président Idriss Déby, le 20 Avril 2021, avait promis de s’en dessaisir, au profit d’un gouvernement civil, après une période transitoire de dix-huit mois.

Mais en ayant repoussé, en septembre dernier, cette échéance à Octobre 2024, et en conférant à son chef, Mahamat Idriss Déby Itno, le droit de se porter candidat, à des élections «libres et démocratiques», le Comité militaire de transition, resté au pouvoir pour une nouvelle «période transitoire», a poussé les tchadiens à descendre dans la rue pour manifester leur désapprobation et leur colère.

Ces manifestations ayant été violemment réprimées par les forces de l’ordre qui ont usé de tirs à balles réelles effectués sans discernement à l’effet de disperser les contestataires au motif que cette insurrection aurait été minutieusement préparée avec l’aide de puissances étrangères, le bilan a été revu à la hausse et, une semaine après les faits, l’opposition a fait état d’une centaine de morts.

Pour rappel, courant septembre, plus de 140 membres des «Transformateurs», parti d’opposition, avaient été arrêtés et détenus arbitrairement pendant plusieurs jours avant d’être remis en liberté sans inculpation et quatre journalistes tchadiens qui couvraient les manifestations furent passés à tabac.

A l’étranger, en condamnant, dans un communiqué, les violences qui ont vu le jour à N’djaména et dans plusieurs autres villes du pays et l’utilisation, par les forces de l’ordre, d’«armes létales contre les manifestants», le Quai d’Orsay a tenu à préciser que Paris ne joue «aucun rôle dans ces évènements».

En déplorant, de son côté, «le recours à la force meurtrière contre les manifestants» et les décès survenus et en rappelant que «les autorités de transition doivent garantir la sécurité et la protection des droits de l’Homme, y compris la liberté d’expression et de réunion pacifique», le Haut-Commissariat de l’ONU pour les droits de l’Homme a demandé l’ouverture d’une enquête.

Aussi, Lewis Mudge, le directeur pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch, a-t-il sommé «les autorités tchadiennes» de diligenter immédiatement «une enquête indépendante et effective» à l’effet de déterminer «si le recours à la force létale par les forces de sécurité était une réponse justifiée et proportionnelle à toute prétendue violence» et de s’assurer que les forces de l’ordre «s’abstiennent de recourir à une  force injustifiée et disproportionnée» et ce, en respectant «les droits fondamentaux à la vie, à l’intégrité physique et à la liberté (car) les gens devraient pouvoir manifester pacifiquement contre la politique du gouvernement sans se faire tirer dessus ou se faire tuer».

En réponse à cela, le Premier ministre, Saleh Kebzabo, a annoncé que son gouvernement s’est engagé à créer une «commission judiciaire» pour établir les responsabilités et, dès le lendemain, les médias tchadiens ont annoncé que le ministre de la justice, Mahamat Ahmas Alhabo, a ordonné, à plusieurs tribunaux du pays, d’ouvrir «des enquêtes et d’engager des procédures à l’encontre de toutes personnes, civiles et militaires» soupçonnées d’abus de pouvoir.

Le chef de la junte militaire au pouvoir va-t-il réellement consentir à tempérer son ardeur et à respecter sa promesse initiale de ne point se porter candidat aux élections présidentielles « libres et démocratiques » censées se tenir à l’issue de cette nouvelle période de transition ?

Pas sûr mais attendons pour voir…

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