La tradition mystique marocaine, trône dans un musée de Kuala Lumpur

Le Musée des arts islamiques de Malaisie

Inauguré en décembre 1998 à Kuala Lumpur, le Musée des arts islamiques de Malaisie est le plus important de son genre en Asie du Sud-Est. Occupant une superficie de 30.000 mètres carrés, il abrite plus de 15.000 objets d’art et une bibliothèque proposant des ouvrages traitant de différentes thématiques relatives aux arts islamiques.

Le musée compte un espace en plein air consacré à la photographie où se déroule actuellement une exposition dédiée aux traditions de l’Islam en Russie, outre deux galeries spéciales dont l’une accueille une exposition sur le Kriss, arme blanche caractéristique du monde malais.

Le musée compte également 12 galeries permanentes, où sont exposés des objets d’art allant de l’architecture aux manuscrits, passant par les bijoux, les maquettes de célèbres mosquées, le textile, la céramique, les verreries, la ferronnerie et la numismatique.

La galerie consacrée au Coran et aux Manuscrits est particulièrement intéressante du fait qu’elle expose des manuscrits arabes, persans, ottomans et asiatiques traitant de différentes disciplines (philosophie, mystique, astronomie, géographie, médecine, chirurgie, mathématiques, etc.).

Parmi ces œuvres, émerge un exemplaire d’un chef-d’œuvre du patrimoine soufi. Il s’agit de « Dala’il al-Khayrat », célèbre recueil de prières du 15ème siècle et œuvre majeure de Mohamed Ben Slimane al-Jazouli, éminent soufi marocain de la région du Souss, fondateur de la confrérie Jazouliyya et l’un des sept saints de Marrakech.

Compilant des prières et bénédictions (Salawat) sur le Prophète Mohammed, « Dala’il al-Khayrat » a joui pendant des siècles d’une popularité exceptionnelle en Afrique du Nord et de l’Ouest, en péninsule arabique, au Levant, en Turquie, au Caucase, en Perse et jusqu’en Inde, Chine et Asie du Sud-Est.

La récitation des litanies de bénédictions contenues dans ce livre relevait d’une pratique populaire largement diffusée à la faveur d’une panoplie de copies qui ont servi d’extension de ce joyau de la mystique marocaine sur les terres africaines et asiatiques notamment.

La copie de « Dala’il al-Khayrat » exposée dans le musée malaisien est une version ottomane composée de textes accompagnés de dessins et de figures ornementales. Néanmoins, elle n’est pas la seule en la possession du musée.

« Dans la galerie du Coran et des Manuscrits, plus de 20 exemplaires de « Dala’il al-Khayrat » de différentes origines et formes sont présentés. Le plus ancien est un manuscrit d’origine marocaine datant du 16ème siècle et qui se décline en 258 folios rédigés en écriture maghrébine », relève Dalia Mohamed, commissaire d’exposition au Musée des arts islamiques de Malaisie.


« Les manuscrits que nous exposons ne sont pas originaires du Maroc seulement, mais aussi de l’empire ottoman, de la Perse et de l’Asie du Sud-Est », a-t-elle expliqué dans une déclaration à la MAP.

A titre d’exemple, le musée abrite une copie datée du 3 Chaaban 1119 de l’Hégire (16ème siècle), et « expose en exclusivité » des copies rédigées en Chine (1132 de l’Hégire, correspondant à 1719-20), en Turquie ottomane (1166 Hégire/1752-53), et au nord de l’Inde (1193/1779-80), a-t-elle détaillé.

Émergeant intact des opacités du temps, le destin de « Dala’il al-Khayrat » a été ainsi enrichi d’un florilège de copies nouvelles, dont de belles versions ornementées de dessins réalisées par des miniaturistes, relieurs et enlumineurs perses, turcs, mogholes et bien d’autres.

Le Musée des arts islamiques de Malaisie avait d’ailleurs tenu, de mars à août 2016, une exposition de 27 manuscrits de « Dala’il al-Khayrat », de la plus ancienne copie marocaine datant du 16ème siècle à une copie malaisienne du 19ème siècle originaire de Terengganu (côte est de la péninsule malaise).

« Cette exposition spéciale avait porté sur « Dala’il al-Khayrat » et son impact international. Malgré son origine marocaine (…), « Dala’il al-Khayrat » est le livre de prières islamiques le plus éminent et le plus largement lu », fait valoir Dalia Mohamed.

« Depuis, la collection des manuscrits de « Dala’il al-Khayrat » en la possession du musée s’est étoffée à plus de 45 manuscrits de différents continents, et ce nombre augmentera davantage à l’avenir », a-t-elle ajouté.

Outre « Dala’il al-Khayrat », le Maroc est représenté dans le Musée des arts islamiques de Malaisie par d’autres objets d’antiquité, dont une copie manuscrite datant de 1789 à Meknès du livre « Mawahib Al Mannan » du Sultan Mohammed ben Abdallah, des bijoux amazighs du haut Atlas du 18ème siècle, dont une couronne incrustées de pierres précieuses, des broches argentées constituées de plaques triangulaires et d’épingles, des colliers, des bracelets et des boucles d’oreilles, ainsi que des poignards argentés datant du 19ème siècle.

Tous ces éléments à la beauté intemporelle mettent en avant la richesse de la culture marocaine, son rayonnement transfrontalier, et son ouverture aux autres civilisations et peuples, aussi lointains puissent-ils être.

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